EDITO
17 octobre 1961
:
une initiative de rétablissement de la réalité des
faits.
Viry-Châtillon, le 8 octobre : deux policiers sont
victimes d'un attentat barbare. Les corps de la police et des forces de
sécurité s'en émeuvent, et réclament une politique
plus rigoureuse.
Paris, le 17 octobre 1961 : alors qu'ils sont appelés à
réprimer une manifestation interdite, les policiers parisiens viennent
de subir, en quelques mois, une série d'attentats ayant fait 22
victimes dans leurs rangs.
L'actualité rapproche les évènements et raccourcit
le temps.
Cette date de 1961 est l'objet d'une des campagnes de propagande les mieux
orchestrées depuis 55 ans. L'objectif poursuivi, à la fois
par le pouvoir algérien et par les anticolonialistes français,
est d'alimenter la charge de culpabilisation de l'Etat français,
responsable de sa police, et de justifier la demande pressante de reconnaissance
et de repentance.
La campagne a mis en oeuvre une série d'évènements
et de moyens de communication efficaces, allant de la production de films,
de documentaires télévisés, de dossiers, de conférences
et colloques, sans omettre l'apposition de plaques mémorielles
dans les squares ou sur un pont de Paris.
Les éléments de langage sont constants et péremptoires
: un nombre de victimes jamais reconnu par les autorités, un comportement
des policiers et une répression racistes, des manifestants pacifiques
et sans armes, un couvre-feu discriminatoire imposé aux Algériens
de Paris et de sa banlieue...
Cette année, un collectif d'historiens et de chercheurs, désireux
de corriger les assertions les plus mensongères de cette propagande,
a décidé de rappeler dans une contribution honnête
et équilibrée ( publiée en page intérieure
), les éléments précis, documentés qui décrivent
le climat, la tension et les fractures de la communauté algérienne,
la politique d'attentats menée par le FLN, l'exaspération
de la police parisienne. Et il pose la question de la responsabilité
criante des organisateurs.
A l'évidence cette initiative, première du genre, ne plait
pas : les 22 signataires sont dénoncés par une presse algérienne
qui n'hésite pas à les qualifier de nostalgiques d'extrême
droite, de révisionnistes... En France, quelques pseudo-historiens,
connus pour leur engagement militant dans ce que l'on nomme aujourd'hui
l'islamogauchisme, sont accueillis par les journaux d'Alger pour dénoncer
la " fachosphère " à l'origine du texte qui les
dérange tant. L'idéologie s'accommode mal de la recherche
d'une écriture rigoureuse de l'histoire, de la pratique du doute,
de l'interrogation des hommes et des faits. L'honnêteté,
elle, s'en nourrit.
Joseph Perez
Paris, 17 octobre 1961:
des historiens posent la question des responsabilités
Le 17 octobre 2012, François Hollande a reconnu la " sanglante
répression " des forces de l'ordre contre les Algériens
qui ont manifesté dans les rues de Paris pour protester contre
un couvre-feu qui gênait l'activité nocturne du FLN. Chaque
année, cette date est l'objet d'une commémoration où
des inexactitudes sont reproduites. Le Président a engagé
la responsabilité de la France sur des faits présentés
comme un " crime d'Etat ", dont les pouvoirs publics français
et la préfecture de police seraient les seuls responsables. Cette
décision ne prend pas en compte la réalité des faits
survenus en 1961 qui ont été précisés par
les publications de Jean-Paul Brunet, de Rémy Valat et les rapports
demandés à Dieudonné Mandelkern et Jean Géronimi
par le gouvernement de Lionel Jospin qui montrent que le nombre de morts
est largement surestimé par le FLN et ses soutiens ( Brunet, Valat
et Mandelkern font une estimation inférieure à une trentaine
de victimes, Lugan parle de trois morts, Roger Frey alors ministre de
l'intérieur a annoncé six morts au Conseil des Ministres
du 26 octobre ).
Les historiens signataires du présent communiqué souhaitent
rappeler plusieurs points :
La guerre d'Algérie en région parisienne ne se limite pas
aux manifestations du 17 octobre 1961. Le bilan humain de la guerre civile
algérienne en métropole qui opposait le FLN et le MNA et
l'affrontement entre le FLN et les forces de l'ordre s'élève
entre le ler janvier 1956 et le 23 janvier 1962 à 3.957 décès
et 7.745 blessés, pour un total de 10.223 agressions. En région
parisienne, entre le 23 octobre 1958 et le 31 décembre 1961, les
attentats et les attaques de postes de police ont fait 1.290 tués
et 1.386 blessés dans la population " algérienne "
( pour un total général de 1.424 tués et 3.127 blessés
de janvier 1956 à mai 1962, incluant Algériens, policiers
et civils métropolitains ).
Ce fut le conflit le plus sanglant en Europe occidentale depuis la fin
de la Seconde Guerre Mondiale.
Le FLN, parti en lutte pour l'indépendance de l'Algérie
s'était doté de structures rigides d'encadrement de la population
qui était soumise à un impôt révolutionnaire
en 1960, la fédération de France du FLN aurait recueilli
63 millions de nouveaux francs. Des groupes de choc ont perpétré
des attentats sur l'ensemble de l'hexagone et ont sanctionné les
réfractaires aux directives du parti en instaurant un régime
de terreur (plus de 50 personnes noyées en 2 mois, attribuées
essentiellement au conflit MNA/FLN. Le FLN était une faction à
visée totalitaire ( Jean-Paul Brunet ).
Saccage d'un magasin
Couverture de Paris-Match n°655
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Le 25 août 1958, le FLN attaque les
intérêts français en métropole. Les forces
de l'ordre, préfecture de police de Paris s'adaptent aux conditions
nouvelles du conflit : le terrorisme à l'échelle nationale
était jusqu'alors un phénomène inédit. La
préfecture de police amplifie la collaboration entre services et
forme une unité de policiers auxiliaires ( FPA ), de recrutement
arabo-kabyle, qui met les organisations politiques et militaires du FLN
en difficulté.
En 961, la guerre d'Algérie entre dans sa phase finale, après
une vague d'actions armées contre la police parisienne et la FPA
du capitaine Montaner, les négociations, entre les belligérants
reprennent et un cessez-le-feu est instauré ( juin-juillet ). La
reprise des attentats par le FLN relance les actions anti-terroristes,
avec notamment instauration d'un couvre-feu ( 5 octobre ), qui met à
mal le fonctionnement des structures clandestines.
La série d'agressions du printemps et de 1961 a mis la police parisienne
à cran (22 policiers ont été tués depuis le
début année ) : la violence de la répression de la
nuit du 17 octobre 1961, et la commission de certains excès l'attestent.
La fédération de France du FLN connaissait l'état
d'exaspération des forces de l'ordre. En outre, engagée
dans la lutte pour le pouvoir après l'indépendance, , elle
a agi sans l'assentiment du Gouvernement Provisoire de la République
Algérienne et s'appuie sur la population musulmane, qui doit participer
en masse à la lutte révolutionnaire ".
Des études récentes ont mis l'accent sur les dimensions
sociales et politiques du conflit, minimisant la réalité
de la guerre vécue comme telle au quotidien.
Les historiens et universitaires signataires de cet appel posent la question
de la responsabilité du FLN pour les événements survenus
la nuit du 17 octobre 1961.
1 - La manifestation non autorisée s'est déroulée
de nuit, pour braver le couvre-feu, elle fut dirigée sur des points
symboliques de Paris, sachant que le gouvernement français ne saurait
tolérer un acte qui, s'il n'avait pas été empêché,
serait apparu comme une faiblesse aux yeux de l'opinion nationale et internationale.
2 - Des sympathisants du FLN (Elie Kagan) étaient présents
pour couvrir l'événement ; les photographies des violences
policières ont été immédiatement transmises
au GPRA, et rapidement publiées au Caire sous forme d'une brochure
(dont Jean-Luc Einaudi a repris la structure) qui a été
présentée à l'ONU
3 - Il y a eu des actes de provocation des membres du service d'ordre
au pont de Neuilly ( JP Brunet ). Les femmes
et les enfants ont été placés en tête des cortèges
: il n'y eut aucune victime parmi eux ( Jean- Paul Brunet a prouvé
que Fatima Bedar, présentée comme victime de la répression
policière, s'était suicidée ).
4 - Les éléments ci-dessus peuvent laisser à penser
que la direction de la Fédération de France du FLN a délibérément
choisi la stratégie de la provocation, dans un contexte de logique
de lutte d'influence au sein du FLN. Mobiliser ainsi plus de 22.000 personnes
de nuit, dans un contexte de violence, de conflit et d'exaspération
policière en souligne la responsabilité.
Jean-Paul Angelleli docteur en histoire
Jean-Paul Brunet historien universitaire
Gabriel Conesa universitaire
Philippe Conrad universitaire, historien
Gérard Crespo docteur en histoire
Robert Davezac docteur en histoire
Maurice Faivre historien
Gérard Hilaire professeur agrégé d'histoire
Georges Jehel historien universitaire
Alain Lardillier docteur en histoire
Roger Le Doussal historien
Gregor Mathias enseignant docteur en histoire
Jean Monneret docteur en histoire
Danielle Pister-Lopez universitaire, agrégée de lettres
modernes
Jean-Pierre Pister professeur agrégé d'Histoire
Michel Renard historien universitaire
Rémy Valat historien
Roger Vétillard historien
Bernard Zeller historien
Centres de documentation :
Joseph Perez ( CDHA )
Thierry Rolando ( Cercle Algérianiste )
Les promoteurs de la repentance ne désarment pas.
En écho à cette démarche courageuse de ces 22 historiens
et chercheurs, l'anniversaire de cet épisode dramatique est l'occasion
de poursuivre la « dénonciation du massacre des Algériens
» et l'exigence d'une repentance de l'Etat français ».
Quelques exemples de ce mouvement :
- un député des Bouches-du-Rhône, Patrick Menucci,vient
de déposer une proposition de loi contresignée par 73 parlementaires
socialistes : « La France reconnaît publiquement sa responsabilité
dans les massacres causés par la répression du 17 octobre
1961 à Paris, de manifestants algériens réclamant
l'indépendance de leur pays ». Ce texte n'a aucune chance
d'être débattu avant la fin de la législature en cours
mais les gestes les plus inutiles ne sont-ils pas les plus beaux ?
- Le président du conseil départemental de Seine-St Denis,
Stephane Troussel, vient de demander à François Hollande
de faire du 17 octobre, « journée nationale de reconnaissance
des crimes et du rôle de l'Etat français dans la guerre d'Algérie
», afin que les jeunes issus de l'immigration se sentent pleinement
français ».
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