Paris(1959 -1962 ) : des
harkis face au FLN
" Je n'ai
jamais donné à mes
hommes un ordre que je ne puisse
exécuter moi-même. " Lieutenant-colonel Raymond
Montaner
Attentats terroristes contre des postes de police
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En 1957, à Paris, la guerre des Algériens contre la France
fait rage, les combats entre les forces FLN et le MNA sont violents. Les
homicides perpétrés par des Algériens font trois
cent soixante tués et six cent trente sept blessés. Les
groupes de choc du FLN s'acharnent sur les " bastions " messalistes,
notamment dans le 19ème arrondissement. L'hémorragie des
cadres au sein du MNA est nette et aggravée par des descentes de
police auxquelles ne réchappe que le chef de la wilaya de Paris,
Nesbah Ahmed. Le FLN doit aussi son succès sur le MNA à
une meilleure clandestinité de ses réseaux, dont les membres
sont encore inconnus des services de police et, surtout, à une
organisation et à une détermination sans faille. En 1961,
selon la direction des renseignements généraux, le MNA ne
subsiste politiquement en France que par le soutien d'environ 8.000 militants.
Le bilan humain de cette guerre est édifiant. Au total, la guerre
civile algérienne aurait entraîné, entre le 1er janvier
1956 et le 23 janvier 1962, 3 957 décès et 7.745 blessés,
pour un total de 10.223 agressions contre des Algériens. Au total,
le nombre de victimes du terrorisme en région parisienne
entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1962 s'élève
à 1.433 tués et 1.726 blessés.
Ce conflit reste le conflit le plus sanglant en Europe de l'Ouest depuis
la fin de la seconde Guerre mondiale (Remi
Valat " Les calots bleus et la bataille de Paris " Une force
de police auxiliaire pendant la guerre d'Algérie. Editions Michalon.
Paris. 2007.)
.
La Fédération de France du FLN - qui assurait la propagande
sur le territoire français et surtout levait l'impôt révolutionnaire
afin d'obtenir les fonds nécessaires au fonctionnement et à
l'achat d'armes indispensable pour les combattants - était, en
1958, devenue un état dans l'état.
La population musulmane, venue d'Algérie, s'élevait, dans
les années 1960 - 1962, à environ 150.000 personnes, essentiellement
des hommes.
Une partie de ces travailleurs " Français de confession musulmane
" et les commerçants, qui les ravitaillaient, assuraient 80%
des besoins financiers de la " rébellion ". Ils étaient
fortement concentrés dans la région parisienne. Le FLN exerçait
sur eux une tyrannie féroce. 3% de cette population a été
abattue entre 1954 et 1962. On comptait autant de blessés pour
refus de cotisation ou non-respect des consignes.
La structure de la Fédération de France du FLN était
composée d'une super-zone formée de 2 zones, chacune d'elle
représentait 3 régions et chaque région regroupait
5 secteurs.
Une région représentait environ 3.000 " cotisants
" auxquels s'ajoutaient les commerçants, les prostituées
etc.
Pour donner un ordre de grandeur des montants collectés : la région
1.123, pour le seul mois de février 1961, a comptabilisé
une collecte de 10.095.300 nouveaux francs. Les Services d'Assistance
Technique ( SATFMA ), à l'image des SAS implantées en Algérie,
ont été créés dans la région parisienne
pour tenter de rapprocher l'administration de cette population musulmane
qui lui échappe. Le responsable du secteur de Nanterre est le capitaine
Montaner, un héros de la 2ème guerre mondiale et d'Indochine,
qui a été officier SAS au Clos
Salembier près d'Alger. Horrifié par ce qu'il
voit sur le terrain il fait un rapport expliquant l'intérêt
qu'il y aurait à créer une force, composée de jeunes
volontaires d'origine arabe ou kabyle, qui permettrait de pénétrer
la population musulmane en vue d'identifier les membres de l'organisation
terroriste. L'action en uniforme pour l'aspect psychologique, se doublant
d'une action en civil pour le renseignement, créerait ainsi un
choc psychologique chez l'adversaire.
Ce rapport, remis par le capitaine Montaner au Préfet de Paris,
Maurice Papon, parvient sur le bureau du Premier Ministre, Michel Debré,
qui décide de lui donner une suite favorable en créant une
première unité de 400 hommes en uniforme ou en civil. Ce
sera la Force de Police Auxiliaire ( FPA ) qui, encadrée par des
officiers de l'armée, sera placée aux côtés
de la Police Municipale et instruite directement par des officiers, des
gradés et des moniteurs de la Préfecture de Police de Paris.
Les premiers volontaires, recrutés en Algérie par le capitaine
Montaner, auprès des SAS, arrivent à Paris à Noël
1959 et sont casernés au Fort de Noisy à Romainville.
Ces soldats, sous uniformes policiers, auront à opérer,
après une période de formation et d'apprentissage acquise
sur le terrain.
La première compagnie est implantée en mars 1960 dans le
13ème arrondissement, fief du FLN soutenu hélas par certains
élus de la gauche métropolitaine. Les effectifs sont installés
dans des hôtels repérés comme des centres particulièrement
actifs de l'organisation rebelle. L'effet psychologique est important
et les collecteurs de fonds sont contraints de quitter le secteur. Compte
tenu des résultats obtenus une deuxième compagnie est implantée
dans le 18ème arrondissement avec son PC rue de la Goutte d'Or,
quartier dont la population est majoritairement composée d'Algériens.
Le commandement du secteur des 13ème et 14ème arrondissements
est alors assuré ar le lieutenant Loïc Lebeschu de Champsavin
qui échappera de justesse à la mort lors de l'une des attaques
du FLN. Constatant sa défaite la Fédération de France
du FLN, qui appelait les membres de la FPA les " Harkistes
", réagit violemment et se voit contrainte de faire agir au
grand jour son organisation spéciale ( OS ) qui engagera une véritable
lutte armée contre la FPA en attaquant régulièrement
ses postes - fréquemment le samedi soir - et en assassinant ses
membres. Des épisodes rocambolesques auront lieu tels que cette
poursuite de membres des groupes armés FLN qui se sont engouffrés
dans le métro après une attaque et que des agents de la
FPA tenteront de rattraper dans la rame suivante avec l'aide du machiniste
qui brûla l'étape dès les poursuivants embarqués.
Les agents civils de la FPA, quant à eux, menèrent une action
de renseignement, d'infiltration et de propagande intense. Certains parvinrent
à entrer dans l'organisation du FLN et l'un d'eux arriva à
devenir chef de Zone, grade élevé dans l'OPA ( Organisation
Politico Administrative ) qui quadrille toute la population.
Dès lors des renseignements capitaux furent obtenus et permirent
la récupération d'un armement impressionnant et l'arrestation
de nombreux cadres élevés de l'organisation du FLN.
Drapeau de la FPA.
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La FPA paiera un lourd tribut dans cette action, on comptera 46 tués
et 82 blessés soit 10% de l'effectif engagé ( 1.200 hommes
au total en fonction des départs et des engagements ), ce qui constitue
un triste record par rapport aux pertes consenties par l'ensemble des
unités ayant servi pendant la guerre d'Algérie.
El Moudjahid 1958
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Pourtant l'administration n'a pas cru devoir
reconnaître la qualité d'anciens combattants à ceux
des siens qui se sont engagés à la FPA.
Eléments de constitution et du fonctionnement
de la Force de Police Auxiliaire
Souhaitant éviter les infiltrations que l'adversaire ne manquerait
pas de tenter, le capitaine Montaner prit la décision de n'incorporer
que des jeunes célibataires ayant déjà fait leurs
preuves en Algérie. Dès l'accord du Premier Ministre obtenu,
il effectua une tournée des SAS pour trouver des volontaires parmi
les anciens Harkis ou Moghaznis.
Environ 1.200 hommes passèrent dans les rangs de la FPA, cela s'explique
par le fait que les engagés avaient la faculté de quitter
l'unité à tous moments, certains n'étant restés
que quelques mois.
Il est à noter qu'aucun engagé n'a jamais déserté
et que les 400 hommes de l'effectif sont toujours restés aux ordres
du capitaine.
L'Express du 24-04-1987
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La FPA émargeait au budget du Premier
Ministre, c'est-à-dire qu'elle ne dépendait ni du ministère
de l'Intérieur ni de celui de la Défense. Les armes étaient
louées et les cartouches achetées. N'appartenant directement
ni à l'Armée, ni au Ministère de l'Intérieur,
la FPA était " prêtée " pour emploi à
la Préfecture de Police via le Service de Coordination des Affaires
Algériennes ( SCAA ), mais ces fonctionnaires se voyaient mal donner
des ordres à des militaires, quant aux militaires ils ne se voyaient
plus tenus de donner des ordres à des officiers " détachés
". Le capitaine Montaner bénéficia d'une liberté
d'action quasi-totale, cela explique la qualité des résultats
obtenus. Par contre une liaison étroite fut maintenue avec tous
les services pouvant donner des renseignements au premier rang desquels
la DST et les officiers des secteurs SATFMA implantés dans la région
parisienne.
Tract F.L.N.
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La stèle de Thiais.
Cette stèle est dans le zone musulmane du carré militaire.
Certains policiers cités sont enterrés à coté,
mais d'autres ont été enterrés en Algérie.
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Seuls les responsables importants et les membres de l'OS et des groupes
armés intéressaient la FPA. Celle-ci aurait souhaité
les renvoyer systématiquement en Algérie mais de fait les
contraintes administratives ont, en général, imposé
l'envoi des détenus au centre d'internement administratif de Vincennes.
L'acheminement vers l'abandon de l'Algérie par la France a été
évidemment ressenti avec angoisse par tous les membres de la FPA.
Quant aux pouvoirs publics ils ont craint que celle-ci ne prenne le maquis
dans le bois de Vincennes. Dans tous les cas de figure le capitaine Montaner
ne voulut pas mêler ses hommes aux querelles franco-françaises.
Il leur a en revanche promis qu'ils ne seraient pas abandonnés
et que d'une façon ou d'une autre il garantirait leur avenir, ce
qu'il fit. 155 d'entre eux sont restés dans la police municipale
de la Préfecture de Police. Certains ont accédé au
grade de commandant de gardiens de la paix et quelques-uns à la
fonction de commissaire de police.
Pierre de Roujoux
Chef d'Escadrons - Officier de la FPA
.
Bilan établi par le capitaine Raymond Montaner
Pertes de la FPA:
a) Personnel : 27 furent tués au combat, 19 assassinés (
du fait de leur appartenance à la Force de Police Auxiliaire )
et 82 blessés au combat
b) Matériel : 1 P.A. - 1 P.M.
Pertes ennemies:
a) Personnel : une trentaine de tués au combat, une centaine de
blessés au combat et 1.189 responsables F.L.N. neutralisés
( dont 4 fédéraux de l'Organisation Spéciale et 2
chefs de Willaya de Choc ).
b) Matériel : 488 armes récupérées dont 3
F.M. et 77 P.M - 194 charges explosives et environ 20.000 cartouches de
tous calibres - 239 grenades F.1 - et 40 bombes de grande puissance.
Raymond Montaner
Chef d'Escadrons
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