Découvert dans nos archives
La section féminine d'adaptation de l'enseignement
de la rue Zaatcha
" Le but de cette étude :11 est intéressant
de connaître l'homme ou plus simplement de connaître un homme,
mais il est encore plus intéressant de connaître un enfant.
Connaître un homme permet de le juger avec plus d'indulgence ou
de l'estimer davantage, mais connaître un enfant, avec ses qualités
et ses défauts et leurs causes, permet une action sur cette future
personnalité. C'est très important, et c'est encore plus
important pour un instituteur car s'il connaît individuellement
les élèves de sa classe, il pourra modifier son attitude
en face de ces enfants. Son action peut être efficace. "
Une formation adaptée à la réalité algérienne
Lucienne Alarcon, marraine
et Moussah Haddaden, filleul.
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Commentaire de Lucienne Alarcon.
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Les premières lignes de cette future
institutrice illustrent parfaitement l'objet de la " section féminine
d'adaptation de l'enseignement en Algérie ". Cette citation
est tirée d'un rapport d'une enseignante qui a été
stagiaire au centre de formation de la rue Zaatcha à Alger.
Ce rapport de stage appartient à un fonds d'archives qui a été
déposé au CDHA ; ce dernier est composé de nombreux
mémoires écrits par ces jeunes institutrices lors de leur
formation. Cet ensemble est riche d'informations sur les méthodes
d'enseignement et sur les élèves croisés dans les
classes des écoles algériennes. La totalité des documents
réunis et classés témoigne aussi des mesures éducatives
expérimentées au début des années 1950. D
s'agissait de trouver des réponses efficaces à l'afflux
des enfants musulmans dans le système scolaire français.
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement français
en Algérie s'est trouvé confronté au problème
de la forte natalité. La scolarisation massive des garçons
et filles passait par un accroissement des moyens humains et matériels
mis en oeuvre.
Face à cette préoccupation politique et sociale les autorités
ont créé, en 1945, une annexe à l'Ecole normale de
la Bouzareah. Cette école annexe était destinée à
former des jeunes institutrices. Elle était située rue Zaatcha
et dépendait des Sections d'adaptation
des Ecoles normales de la Bouzareah. Cette section féminine
avait été instituée dans un double objectif. D'abord,
le nombre d'institutrices formées en Algérie n'était
pas suffisant pour absorber l'arrivée importante des filles et
garçons dans les écoles indigènes. De plus, les sections
féminines étaient, au départ, un encouragement offert
aux futures enseignantes à s'installer en Algérie. Le recrutement
était majoritairement européen et surtout de métropole.
Ces enseignantes étaient recrutées sur dossier au niveau
du baccalauréat. Elles passaient un an de stage à la rue
Zaatcha et leur titre exact était " élève-maîtresse
". Cette formation les préparait à la future classe
et à mieux apprécier le milieu auquel elles allaient être
confrontées. Chaque métropolitaine où " élève-maitresse
" suivait, en plus des autres cours, une jeune élève
qui était scolarisée à l'école de la rue Zaatcha.
L'école de la rue Zaatcha était un Centre de formation artisanale
ouvert aux enfants musulmans. Son objet était d'offrir les connaissances
de base, la maîtrise du français et aussi un enseignement
ménager.
L'enseignement proposé aux élèves-stagiaires tendait
ainsi à s'adapter à la réalité démographique.
L'instruction des filles était une question nouvelle ; leur afflux
dans les écoles nécessitait une prise en compte progressive
de leur apprentissage. Les futures institutrices devaient offrir des connaissances
générales et un enseignement pratique qui leur serviraient
dans leur vie d'adulte et favoriseraient leur émancipation. D'après
le décompte des mémoires, il est possible d'affirmer que
deux tiers des parrainées étaient des jeunes filles âgées
de 6 à 7 ans. La plus âgée avait 10 ans, avec un retard
de deux ans par rapport à la moyenne.
Régulièrement les préoccupations des élèves-maîtresses
transparaissent dans leurs rapports de stage. Les synthèses révèlent
souvent la tension due à la première rencontre un peu abrupte
entre la stagiaire et sa filleule. Cette surprise laisse ensuite place
à une découverte mutuelle, aux échanges avec les
familles et aux progrès réguliers de l'enfant.
Dessin du mémoire de Claude Tarento,
institutrice, stagiaire, marraine.
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Des travaux divers
et riches de renseignements
Ce fonds d'archives est composé de 58 dossiers, la plupart sont
manuscrits. Ces stages ont été faits entre les années
1950 et 1954. Ils portent les noms de la stagiaire et de l'élève
suivi. Pour la plupart, la note obtenue est inscrite sur la première
page.
La forme générale est très singulière. Les
stagiaires ont donné à leurs travaux un caractère
très personnel, le plus fréquent étant un mémoire
manuscrit et illustré en plusieurs parties. Mais certains sont
plus originaux, à l'exemple de courtes fiches thématiques
synthétiques ou de vivants cahiers décorés par les
soins de la stagiaire afin d'animer son travail ( Cf. la photographie
). Le nombre de pages et le format sont également très variables
et ont surtout correspondu à la volonté de la stagiaire.
Toutefois, elles conservent généralement une même
organisation interne:
o Le contexte
familial. Cette introduction présente le " choc "
des premiers échanges de la " marraine " avec sa "
filleule ". Elle est suivie d'un portrait de l'enfant et de sa situation
familiale. Riche d'informations sur le contexte sociologique de l'enfant,
elle est une description de la structure familiale, du travail des parents
et de leur origine géographique, de leur présence ou absence
lors des visites de la " marraine ". Certaines allusions permettent
aussi d'en savoir plus sur la situation sociale des enseignantes.
Dossier familial.
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o
Le comportement de l'enfant. La stagiaire
retrace sa relation avec l'enfant, elle insiste sur son état de
santé et sa vivacité d'esprit. Plusieurs observations médicales
indiquent le suivi de leur progression. Cette partie est surtout un rapide
rapport d'activité de l'année et révèle les
liens noués entre les deux personnes, du simple suivi professionnel
à une relation plus personnelle et affective.
o Les
tests psychologiques. Toutes les stagiaires se sont ingéniées
à les multiplier. Chaque exposé possède un certain
nombre de tests qu'ont subis les enfants afin d'évaluer leur intelligence
et leur comportement tout au long de l'année. Ces tests sont accompagnés
de remarques personnelles. Aux exercices écrits, les stagiaires
ont confronté les enfants à des situations inconnues, de
la visite de lieux nouveaux (visite de grands magasins, des différents
parcs...), à la rencontre des membres de la famille de la stagiaire,
adulte ou enfants, etc.
Test de Lucienne Alarcon
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o Bilan.
L'évaluation des progrès de l'enfant tout au long
de l'année et la conclusion sur cette expérience.
Chaque dossier est enrichi de photographies, de dessins de l'élève,
ou de reproductions de documents familiaux. La stagiaire s'est photographiée
régulièrement avec sa filleule, la famille peut également
apparaître sur quelques photographies. Dans le cas d'un dossier
précis, la stagiaire a même pris le soin de reproduire le
plan de la maison en légendant les différentes pièces.
Tous ses signes marquent une volonté persistante de mieux comprendre
les conditions sociales et psychologiques de leurs futurs élèves.
Une recherche affirmée d'un dialogue interculturel Ce fonds d'archives
témoigne des efforts produits pour absorber le flux massif des
enfants à l'école et principalement à Alger. Face
à cette poussée démographique, il s'agissait de préparer
au mieux les futures enseignantes des écoles indigènes.
La " section féminine d'adaptation de l'enseignement en Algérie
" de la rue Zaatcha permettait de répondre à la demande
grandissante des populations. Cette formation avait le double objectif
d'être un stage d'enseignement et de découvrir un monde inconnu
pour ces métropolitaines. De nombreuses enseignantes recherchaient
aussi un dialogue interculturel à travers une meilleure connaissance
de leurs élèves et de leur famille. Cette année de
stage leur permettait de mieux appréhender le contexte scolaire
et les difficultés qu'elles rencontreraient dans leurs futures
classes, à Alger ou dans le bled.
Hervé Noël
L'Ecole en Algérie :1830-1962, de
La Régence aux Centres sociaux éducatifs, Publisud, 2001,
205 p., p65.
Eliaou Gaston Guedjn, L'enseignement indigène en Algérie
au cours de la colonisation. Edition des Ecrivains, 2000 135 p., p92.
Jean-Jacques Viala, " De 1830 à 1953 ", in Guerre d'Algérie,
Chronologie, HYPERLINK "http:// pagesperso-orange.fr/guerredalgerie/1835
_1953.htm "http:// pagesperso-orange.fr/guerredalgerie/1835_1953.htm
(Page consultée le 06 mars 2010).
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