Le combat
des maladies infectieuses
Du dévouement au sacrifice

extraits du numéro 59, 1er trimestre 2015, de "Mémoire vive", magazine du Centre de Documentation Historique de l'Algérie, avec l'autorisation de son président.
www.cdha.fr

ici, en mars 2015

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Le combat des maladies infectieuses
Du dévouement au sacrifice

Les médecins de colonisation eurent à faire face à de nombreuses épidémies et maladies infectieuses. Ils se trouvèrent ainsi en première ligne dans leurs vastes territoires, et plusieurs d'entre eux le payèrent de leur vie. Mais ils bénéficièrent en temps réel des avancées de la recherche médicale, dont ils firent immédiatement profiter les populations les plus reculées.

Ils purent en effet s'appuyer sur un système de santé complet organisé progressivement au niveau de l'Algérie en lien avec la métropole. Ce fut le cas notamment dans la lutte contre le paludisme avec la création en 1894 du premier Institut Pasteur à Alger, devenu en 1909 l'Institut Pasteur d'Algérie, où s'illustrèrent les frères Sergent, natifs du pays.

Un aperçu des principales maladies infectieuses à combattre sur le terrain

- Le typhus, maladie très meurtrière transmise à l'homme par le pou du corps, était présent en Algérie sous forme endémo-épidémique. En 1868, une épidémie déferla sur tout le pays tuant plus de 500.000 personnes. Une autre épidémie se répandit dans toute l'Algérie entre 1919 et 1924, puis en 1941, touchant 300.000 personnes, en tuant une sur quatre. Les équipes sanitaires mobiles détruisirent systématiquement les agents de la transmission et vaccinèrent en 1942 plus de 4 millions de personnes.

- Le choléra, infection intestinale se manifestant par des diarrhées souvent mortelles, apparut en 1834 à Oran, faisant 1.500 victimes, puis à Alger, en 1835, tuant 2.000 personnes, puis encore en 1846-1849, 1865, 1884-1885 et la dernière à Tlemcen en 1912. Les progrès des méthodes de réhydratation eurent raison de la maladie, avant même l'arrivée des antibiotiques.

- Le paludisme qui faisait de nombreuses victimes autochtones, et contre lequel on utilisa la quinine découverte par le docteur Maillot.

- Le trachome, responsable de nombreux cas de cécité, fut combattu à l'aide d'un réseau de dépistage et de traitement couvrant tout le territoire.

- La variole disparut peu à peu grâce à la vaccination jennérienne, progressivement acceptée par les populations musulmanes, et à la présence des médecins de colonisation.

- ... et bien d'autres maladies que nous ne citerons pas ici.

La lutte contre le paludisme et la création de l'Institut Pasteur d'Algérie (voir Institut Pasteur sur ce site)

En 1900, à la demande du Gouverneur Général Jonnart, l'Institut Pasteur de Paris envoie dans une Algérie en proie au paludisme, une mission permanente confiée aux frères Edmond et Etienne Sergent, natifs d'Algérie, acteurs infatigables de la lutte contre le paludisme, nommés à cette occasion médecins de colonisation hors cadre. En 1909, toujours sous l'impulsion du Gouverneur Général Jonnart, la mission permanente devient l'Institut Pasteur d'Algérie. Edmond Sergent en devient le directeur en 1911 et en maintiendra l'activité jusqu'en 1962. Robert Néel lui succédera jusqu'en 1971, date à laquelle l'IPA passa sous autorité algérienne.

Les campagnes antipaludiques, organisées et surveillées par les frères Sergent, s'appuyèrent sur la découverte par Laveran, en 1880 à Constantine, de l'agent causal du paludisme.
Séance de quininisation dans un douar.
Séance de quininisation dans un douar.

       La stratégie mise en oeuvre s'appuya sur l'identification de trois facteurs
I- Le réservoir de virus constitué par les anciens infectés,
2- Les gîtes à larves d'anophélines,
3- Les individus indemnes exposés à l'infection.

La suppression d'un des deux premiers facteurs devait avoir pour résultat la disparition du paludisme ; mais le but à poursuivre était la suppression du réservoir de virus ; les anophèles, ne pouvant plus s'infecter, cesseraient alors d'être dangereux, comme on put le constater dans les régions autrefois palustres, aujourd'hui assainies bien que peuplées d'anophèles.

       Les mesures prophylactiques adoptées furent
1- La quininisation curative et préventive,
2- Les mesures anti larvaires,
3- La défense mécanique des habitations. Par ailleurs, il est reconnu que les grands travaux de dessèchement, de drainage et d'hydraulique agricole, les progrès de l'hygiène publique et privée, en concourant à l'assainissement du pays, hâtèrent les succès de la lutte antipaludique.

Les campagnes des frères Sergent bénéficièrent de l'appui de La Ligue contre le paludisme en Algérie, fondée en 1903 par Messieurs les Professeurs Moreau et Soulié, avec pour président d'honneur le Dr Laveran.

       Les actions mises en place avaient pour but, avec l'appui des médecins de colonisation
1- de vulgariser les notions sur l'origine du paludisme et les moyens de le prévenir et de le guérir,
2- de faciliter aux habitants de l'Algérie la mise en pratique de ces moyens.

La propagande orale consista dans des conférences publiques, illustrées de projections quand cela était possible, faites dans les villes et dans les villages agricoles par des médecins, des directeurs d'école et des instituteurs. La Ligue obtint des pouvoirs publics, à titre démonstratif et expérimental, l'assèchement d'un lac fortuitement formé par les pluies près du village de Zéralda, ce qui évita une épidémie meurtrière de paludisme.

Détruisez le moustique.
Détruisez le moustique.
Détruisez le pou.
Détruisez le pou.
PhlébotomePhlébotome

Grâce au concours de son Président d'honneur, le Dr Laveran, la Ligue put installer la protection mécanique d'un certain nombre d'habitations et faire réaliser une expérience de destruction de larves.

En 1905, onze maisons situées dans la plaine de la Mitidja et le Sahel d'Alger, furent protégées par des toiles métalliques. Pour ces maisons témoins on ne releva que 4,2% de cas de paludisme, tandis que pour les maisons non grillagées, on trouva 63,1% de cas de paludisme, dans la même période.

Les pétrolages supprimèrent ou diminuèrent le paludisme dans les localités où ils furent pratiqués.

La quinine était donnée à la dose de 1 gramme tous les lundis aux adultes, 50 centigrammes aux enfants au-dessous de 14 ans, 20 centigrammes au-dessous de 5 ans, et 10 centigrammes au-dessous de 1 an. Tous ceux qui observèrent régulièrement ce traitement sont restés indemnes du paludisme.

Par ses travaux, ses études, les exemples d'applications pratiques et par la propagande très active qu'elle réalisa, la Ligue a préparé, facilité, accompagné l'action des pouvoirs publics.

Jean Damidot

 

Sources :
Annick Opinel, Institut Pasteur d’Algérie (IPA), in Jeannine Verdès-Leroux, L'Algérie et la France, Paris : Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009, p. 473-474
Pierre Rochiccioli, Maladies infectieuses, in Jeannine Verdès-Leroux, L'Algérie et la France, Paris : Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009, p. 550 – 552
Louis-Pierre-Alfred Imbert. La lutte contre le paludisme en Algérie. Thèse pour le doctorat en médecine. Juillet 1908.
Jean Tremsal. Un siècle de médecine coloniale française en Algérie. Deuxième édition. 1929. 115 pages + une carte hors texte.
Jean-Pierre Dedet. L'Algérie d'Edmond Sergent. Kallimages, 167 pages.