Un village de colonisation " Lourmel
108 ans d'existence française.

extraits du numéro 57 , 2è trimestre 2014 , de "Mémoire vive", magazine du Centre de Documentation Historique de l'Algérie, avec l'autorisation de son président.
www.cdha.fr

ici, en août 2014

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Un village de colonisation " Lourmel ( voir sur ce site Lourmel)
108 ans d'existence française.

Situation topographique et économique.

Le territoire du futur emplacement du village de Lourmel, situé à 94 mètres d'altitude, est distant de 42 km à l'ouest d'Oran, 31 d'Aïn-Témouchent, 10 d'Er-Rahel et 12 de Bou -Tlélis. Cette région ne comportait aucune trace d'autochtones avant 1830. Les Douïres, tribu nomade vivant sur le Murdjadjo, cordon montagneux le long de la côte, venaient, au printemps et en été, sur les crêtes nord de ce territoire, faire paître leurs troupeaux. La malaria interdisant à tout humain de descendre dans la plaine. Projet de création. Un courrier de l'autorité militaire du 12 janvier 1853, portant en marge " Création d'un centre routier ", stipule : " D'après la proposition que j'ai soumise à monsieur le général, relative aux différents points du territoire militaire qui doivent, plus tard, recevoir un centre de population, un village doit être créé à " Bou Rchache ". Les eaux, abondant dans la source d'Amria ( en arabe : aïn Amria ), seront amenées au village et, comme en ce moment le génie est en mesure d'étudier cette conduite d'eau et d'en commencer l'exécution, il est indispensable que la position précise de ce village puisse être déterminée ".

C'est donc sur l'emplacement proposé par le Général Commandant la division que la création du " village européen de BouRchache " sera initiée, administrativement, le 22 mai 1854.

Projet d'aménagement.

L'extrait du registre des délibérations du Conseil du Gouvernement - instance du Gouvernement Général de l'Algérie - mentionne à cette date : " Réduire à 30 le nombre des familles à installer, donner à chaque lot urbain 7 à 8 ares, réserver pour l'église la partie haute de la place, établir la fontaine et l'abreuvoir dans la partie basse, les lavoirs sur le boulevard en arrière de la fontaine, porter à 25 mètres la largeur de la grande rue en prévision d'une rangée d'arbres de chaque côté de la chaussée, supprimer la rue Baroudi et du Puits.../...réserver en dehors de la ville un terrain de deux hectares environ de superficie pour le bivouac des troupes.

Relativement à l'allotissement des terres, admettant qu'il y a 700 hectares de terres labourables, attribuer à chaque famille 11 à 12 hectares de terres labourables sur lesquelles, autant que possible, deux hectares environ devront être situés sur le bord de l'oued Baroudi ou sur le canal de dérivation ".

Evolution du village.

1856.
Le 15 janvier un décret ministériel valide la création d'un village de 70 feux qui sera construit au nord de " BouRchache ", il prendra la dénomination de " Lourmel ", du nom du Général Frédéric Henri Lenormand de Lourmel, militaire s'étant illustré lors des combats de Zaatcha et de Kabylie, qui devint aide de camp du Président de la République, Louis Napoléon et mourut, le 5 septembre 1854, lors de la bataille d'Inkerman.

1858. C'est à cette date qu'est recensé le premier acte d'état civil.

1859. Lourmel est érigé en paroisse le 20 août. Monsieur l'Abbé Jacquemin en est nommé curé.
Monsieur Laurent Combe, chef de brigade de gendarmerie venant de prendre sa retraite, devient le premier maire " nommé ".

1860. La commune attribue un local, de 8 mètres sur 4, destiné au culte.

1861
. Monsieur Jean Rouzaud, successeur de Monsieur Laurent Combe, devient le premier maire " élu " de Lourmel.

1864
. Lourmel devient " annexe " de Bou Tlelis.

1866
. Le local du culte reçoit une cloche.

1870
. Un arrêté d préfectoral du 22 juillet, érige 1 Lourmel en commune de plein exercice.

Peuplement -1858-1872.

Le village dont les tous premiers colons (Colon : le sens de ce terme, aujourd'hui dénaturé, signifie, au XIXè siècle : " Celui qui cultive une terre. On donne aussi ce nom aux habitants des colonies ( Nouveau vocabulaire ou dictionnaire portatif de la langue française, 1820.) arrivèrent du Tarn et de l'Aude, voit sa population croître avec l'arrivée, due au décret Crémieux, de Juifs de Tlemcen et du Maroc, et d'Espagnols. Ces derniers étaient transporteurs de poissons dits " arrieros ", maraîchers dits " tomatiros ", petits industriels qui fabriquaient le crin végétal, qui traitaient l'alfa pour la fabrication d'espadrilles et de paniers ou encore d'artisans maçons, peintres et menuisiers, et d'Alsaciens-Lorrains en 1871. Le banquier Henri Schmidt crée, sous la tutelle des frères Ambert, le Comptoir d'Escompte. qui
sera la seule banque de la région pendant de nombreuses années.

1893. L'église, commencée en 1892, est terminée, le curé Aillaud en prend possession. Elle aura coûté 34 116,41 francs ( souscription et subvention ). La ligne de chemin de fer Oran-Aïn Temouchent est terminée, elle va bouleverser les moyens de communication qui n'étaient possibles, jusque-là, qu'en diligence, en carriole ou à cheval.

1920. Une cave coopérative de 120 000 hectolitres est créée par Monsieur Guimard et les viticulteurs locaux.
Les premières cultures portèrent sur : Les céréales : blé, orge et avoine.
Les légumineuses : lentilles et pois chiches. Le coton. Puis arriva la culture de la vigne. Catastrophes.
La région fut marquée, comme tant d'autres, par les fléaux du mildiou et des criquets pèlerins qui anéantirent, à la fin du XIXè siècle, des années de labeurs, obligeant les colons à repartir de zéro.

Modernisation du village.

Dès le début du XXè siècle, Lourmel devint un village moderne et actif, la culture de la vigne ayant largement contribué à l'enrichissement de la région.
La commune devenue " SAS " - Section Administrative Spécialisée - va bénéficier, dès 1958, sous l'impulsion de son maire, Pierre Chollet, aidé par les services de la restauration des sols, d'aménagements de banquettes sur les collines, ravinées et incultivables, des environs du village. Ces terres aménagées seront distribuées aux employés communaux qui en deviendront propriétaires.

Ce maire crée deux " douars " pour rapprocher les populations musulmanes, rurales, des écoles et du dispensaire afin que leurs enfants profitent de l'instruction
publique et des soins.

Le nouveau douar " Rouiba " devient une " coopérative de bovins " avec une bergerie modèle comportant une piscine destinée à des bains anti-galeux, piscine créée sous la directive du vétérinaire Ernest Boismery, inspecteur de l'élevage de l'arrondissement, le 17 février 1959. 150 logements seront remis à sa nouvelle population.

Le douar de " Magra ", inauguré le 8 mars 1959 par Pierre Chollet, en présence du Général Pasteur, devient " coopérative agricole ". 150 logements y seront construits. Une infirmière et un instituteur entreront en fonction ; de même un médecin y assurera une tournée hebdomadaire. 1960. La commune, répartie en quatre centres : Magra, Rouiba, M'saïd et Bou Zadjar ( plage ), comptait 14 024 habitants, le village de Lourmel en comptait, à lui seul, 5 000 répartis en 2 000 Européens et 3 000 Arabes.

Durant ces années, Pierre Chollet assuma pleinement son rôle de premier magistrat, y compris lors de l'enlèvement du jardinier de la commune par le FLN. Il se rendait aux pourparlers, les mains nues et les poches vides.


La fête de Jeanne d'Arc à Lourmel.

Pierre Chollet, Chef de Province des Scouts de France en Algérie, crée dans les années 1948-1949, la fête de Jeanne d'Arc. Les enfants du village de Lourmel y festoyaient, ils défilaient en " page ", en " chevaliers " ou encore,s'habillaient avec des costumes régionaux de France.

Alice Gimeno - fille du chef de gare - était Jeanne-d'Arc et son chevalier servant était Pierre Martin !

Le célèbre défilé se déplaçait dans la rue nationale, passait devant la mairie et faisait le tour de la place du monument aux morts au pied duquel une gerbe était déposée. La chanson de Jeanne d'Arc était chantée par la chorale de Lourmel, " les enfants de Marie ", et était reprise en coeur par tous les enfants des écoles du village.

La fête de Jeanne d'Arc, contribuait à conforter Lourmel dans sa réputation de village " festif ".

Fin de la présence française.

Dans tous les villages agricoles et dans le " bled ", tous les colons parlaient arabe ; les écoles des petits villages étaient des classes uniques fréquentées majoritaire- ment par les Arabes, et comportaient, souvent, un effectif de plus de 50 élèves. Les commerçants étaient fréquemment des Arabes ou des Mozabites. La séparation de ces populations civiles, arabes et européennes, dans les régions rurales, fut souvent très douloureuse.

Alain Gibergues

Bibliographie o.
Les documents concernant l'église de Lourmel ont été fournis par monsieur Charles Diener. ANOM Aix en Provence
Monographie de la paroisse de Lourmel. André Godet, curé de Lourmel, 1909.
Aperçu historique du village de Lourmel. Françoise Chollet.
Site internet : " lourmel-algériefrançaise.com " créé et animé par Monsieur Bernard Robert.