EDITORIAL
Et les aspects positifs de la décolonisation ?
extraits du numéro 54 , 3è trimestre 2013 , de "Mémoire vive", magazine du Centre de Documentation Historique de l'Algérie, avec l'autorisation de son président.
www.cdha.fr
sur site :août 2013

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Edito
Et les aspects positifs de la décolonisation ?

La loi du 23 février 2005 comportait un article 4 qui, on s'en souvient, engendra une réaction indignée de certains milieux d'historiens français qui considérèrent que la colonisation ne pouvait avoir d'" aspects positifs ". Emmenée par un enseignant communiste, Claude Liauzu, la croisade pour l'abrogation de cet article occupa largement l'espace médiatique, et, finalement, le président de la République Jacques Chirac, par une astuce juridique extravagante, le fit retirer.

Le gouvernement algérien, surpris par l'initiative, s'inscrivit alors en surenchère et exigea à son tour la suppression du texte. Depuis, et régulièrement, la colonisation est instrumentalisée comme la source de tous les maux du pays.
Colonisation/décolonisation, et si nous apportions notre contribution, - forcément objective...-, à l'équilibre de la démonstration en relevant les aspects positifs de cette dernière ?

Pour notre exercice, il suffira de suivre l'actualité algérienne, à travers la lecture de sa presse quotidienne : on y notera un certain nombre de constats, de réalités mesurées, qui sont à rapprocher des situations du " temps de la colonisation ".

Le premier sujet, d'extrême actualité, concerne la question, primordiale pour la population, de la santé en Algérie. L'illustrent la décision de plusieurs ministres et chefs de partis algériens, sans omettre le chef de cet Etat, de renoncer à se faire soigner dans leur pays, la grève des praticiens qui pendant plusieurs semaines a paralysé les services hospitaliers, le cri d'alarme des médecins qualifiés sur l'état de délabrement de leurs établissements. Nous consacrerons un article du prochain Mémoire Vive à ce sujet : il y sera question de l'hôpital Mustapha, de la grande école de médecine d'Alger d'avant 1962, et des remarquables travaux qui y furent réalisés pour vaincre les épidémies endémiques du territoire.

L'habitat, autre préoccupation majeure de la population. Les " logements " en bidonvilles s'élèvent aujourd'hui à 550.000 unités, soit près de 10 % du total des locaux occupés. Certains ont plus de 50 ans maintenant, comme ceux de Dessolier, près de la " Cité La Montagne " à côté d'Alger. On y dénombre plus de 1000 familles dans des constructions en tôles, plastiques et planches. Le média " Algéria Watch interroge un habitant de 52 ans qui y est né, et vit avec ses proches à 30 dans quatre pièces.
Aspect pas très positif pour un pays qui étale ses 190 milliards de réserves de change, qui arbore un excédent commercial de 22 milliards de dollars en 2012...constitué, il est vrai, par les exportations de ces produits gaziers et pétroliers si généreusement concédés par la France lors de la désastreuse négociation d'Evian ( cf Mémoire Vive n°51 ).

Exportations, importations, autre sujet " positif ". L'Algérie n'exporte quasiment plus de produits agricoles, et en importe massivement : lait en poudre, pommes de terre, blé et céréales et même fruits, ce qui amène à évoquer le sort du " muscat de Cherchell ", ce beau raisin à la forme ovale si apprécié des consommateurs de raisin de table. Avant 1962, entre le versant Nord du mont Chenoua et la plaine de Novi, un millier d'hectares était en production, dont une partie expédiée vers les marchés de la métropole d'alors. Après le passage des plans autogestionnaires, il reste 25 à 28 hectares sur lesquels est encore produite cette variété, " un patrimoine en péril " comme le qualifie El Watan.

Du pillage organisé du sable des plages côtières au saccage des sites archéologiques et touristiques, bien d'autres aspects " positifs " de cette décolonisation amorcée voici 51 ans dressent un bilan navrant des gâchis de la période. A inscrire dans le débat.

Joseph Perez