La station expérimentale
d'aquiculture et de pêche de Castiglione
La station expérimentale d'aquiculture
de Castiglione était un remarquable ouvrage conçu et élaboré
par le Gouvernement Général de l'Algérie. L'établissement
avait été construit pour améliorer l'industrie de
la pêche par le moyen d'études biologiques portant sur la
faune sous-marine environnante.
Une station moderne
Situé à 45 kilomètres d'Alger, planté sur
la dune littorale du charmant village de Castiglione,
le site avait été choisi en raison de la présence
de centres actifs de pêche au poisson bleu dans les petits ports
des alentours et d'usines de conserves de poissons à proximité.
Les bâtiments furent conçus et édifiés suivant
les plans du docteur Bounhiol, professeur de zoologie générale
de la Faculté des Sciences d'Alger. La construction fut achevée
en 1921 et dès l'année 1922 elle entra en fonction.
La plage de Castiglione.
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La station disposait d'une douzaine de grands
aquariums d'une capacité de un à trois mètres cubes
pour l'étude des poissons de mer comestibles. Dans la cour, un
grand réservoir de 26 m', approvisionné par un puits d'eau
douce, alimentait plusieurs bassins dans lesquels les
chercheurs s'appliquaient à élever d'une manière
rationnelle divers poissons d'ornement ainsi que des espèces utiles
à la lutte contre les moustiques.
Un immense château d'eau
La nécessité de faire vivre en aquarium les animaux à
étudier impliquait l'obligation de restituer exactement à
ce milieu, limité en oxygène, un renouvellement constant
des eaux. C'est pourquoi fut bâtie une installation spéciale
alimentée par un immense château d'eau.
L'immense tour se trouvait au pied du rivage, presque sur la plage, et
se voyait de très loin lorsque l'on arrivait par la route d'Alger.
Elle abritait un moteur destiné à actionner une pompe à
double effet ; aspiration de l'eau en mer pour la faire monter dans le
bassin situé au sommet de la tour et, de là, écoulement
dans les aquariums, dans un continuel renouvellement des eaux.
L'inauguration
A sa création ce fut M. Boutan qui présida aux destinées
du centre de recherches.
Pour son inauguration, des instruments spéciaux furent fournis
gracieusement par la Direction des Recherches Scientifiques et des Inventions,
à la tête de laquelle se trouvait le célèbre
commandant Charcot, celui du " Pourquoi-Pas ". De nombreux ouvrages
scientifiques furent également offerts par SAS le Prince de Monaco
tandis que de toutes parts parvenaient des marques de sympathie.
Un personnel qualifié
Les premiers temps, hormis quelques chercheurs venus d'Alger, le personnel
sédentaire, affecté à l'entretien et au fonctionnement
de la station, s'élevait à trois personnes, mais rapidement
on s'aperçut qu'il fallait leur adjoindre un marin pêcheur
pour l'utilisation de la barque de service.
En 1929 M. Boutan, atteint par la limite d'âge, fut remplacé
par le professeur Seurat tandis que M. Gavard, biologiste de la station,
quittait son poste pour être remplacé par M. Argilas, jeune
zoologiste très averti qui s'était récemment fait
connaître dans les milieux scientifiques par des travaux remarqués
sur la crevette algérienne. En 1930, deux nouveaux pêcheurs
professionnels, inscrits maritimes, furent adjoints à l'établissement
tandis que le matériel existant, devenu vétuste, fut remis
en état grâce à une substantielle augmentation des
crédits alloués à l'établissement. Des sorties
en mer à grande distance permirent alors des observations intéressantes,
notamment sur les poissons de passage.
Vers une évolution des techniques de pêche
Pour améliorer les techniques de pêche le biologiste de la
station, M. Gavard, avait mis au point un filet spécial : le "
ring-net ". Il fut expérimenté à Chiffalo et
remplaça avec succès le " lampare ", filet tournant
dont l'emploi avait soulevé beaucoup de polémiques.
Il convient de préciser que la station ne se proposait pas "
d'apprendre aux pêcheurs à pêcher ". Dès
sa création elle allait s'efforcer de les inciter à transformer
leur matériel ancestral dont le rendement était trop faible
et le rayon d'action trop restreint. L'équipement des barques de
moteurs semi-diesel sera la première étape d'une transformation
de la pêche artisanale en véritable industrie.
Parallèlement, le directeur de la station sera également
amené à fournir nombre de conseils techniques pour l'amélioration
de l'hygiène dans les usines de sardines.
Sur un autre plan, un effort important sera donné dans le domaine
de l'élevage des poissons d'ornement (cyprins dorés, va-japonaise
à longue queue...). Des frairies seront aménagées
avec succès dans les bassins en ciment établis dans les
jardins.
Ostréiculture, mytiliculture
Pour ce qui concerne l'ostréiculture et la mytiliculture, les résultats
furent peu encourageants. Mais les recherches effectuées par le
professeur Dauba se poursuivront sans discontinuer. Il s'agissait de trouver
sur le littoral algérien des lieux favorables à l'élevage
des huîtres et des moules.
Les chercheurs s'y emploieront activement, sans toutefois obtenir de résultats
satisfaisants.
Un radeau en bois de grandes dimensions avait été installé
dans le port d'Alger pour étudier la croissance des huîtres
dans les eaux algériennes, mais ces études se révélèrent
décevantes.
Commercialisation des excédents
L'excédent de production de sardines et anchois à certaines
périodes va poser le problème de l'exportation des produits
de la pêche vers la métropole. Déjà en 1926
des essais de transport de poisson bleu préconisés par le
laboratoire avaient montré qu'il était possible de maintenir
les envois en bon état de fraîcheur après 48 heures
de voyage, notamment en employant des caisses rafraîchissantes spéciales.
Certaines expériences avaient démontré que cette
procédure pouvait donner des résultats satisfaisants.
Plus tard des recherches aboutirent à l'idée qu'il y avait
place, à côté de l'emploi de la glace et des wagons
isothermes, à d'autres procédés de conservation,
intermédiaires entre une simple réfrigération et
la conserve pratiquée par les procédés habituels.
Il existait, en particulier pour les poissons bleus et notamment les sardines,
certaines recettes de conservation connues de longue date des pêcheurs
sous le terme de
skabetche ".
Plusieurs envois, qui avaient été préparés
par des traitements dérivés de ces procédés
empiriques, arrivèrent en France dans des conditions jugées
pleinement satisfaisantes par les négociants de la place de Paris.
Des procédés analogues avaient également permis d'expédier
sur les marchés métropolitains les fameuses crevettes rouges
de forte taille très répandues sur le littoral algérien.
En définitive, il semble que ce mode de conservation temporaire,
dont la durée est d'une dizaine de jours, facilitait l'exportation
du poisson et des crustacés et la rendait plus rémunératrice.
Un courant d'échange international
Grâce à la notoriété de la station de Castiglione,
va s'instaurer un efficace courant d'échange de bulletins sur les
travaux des laboratoires, répartis dans le monde entier, qui vont
ainsi profiter des résultats de ces travaux.
Le centre d'aquiculture va également se constituer une documentation
de premier ordre mise à la disposition de tous les chercheurs de
la Faculté des Sciences d'Alger.
Son rayonnement fut reconnu par la communauté scientifique tant
nationale qu'internationale.
En 1929, le directeur de la station fut envoyé au XIeme congrès
national des pêches maritimes de Dieppe où il effectua de
nombreuses communications relatives à la pêche sur les côtes
d'Algérie, en insistant notamment sur la nécessité
de limiter l'action des bateaux à trente mètres de profondeur.
Le congrès suivit également avec grand intérêt
son exposé sur la conservation des produits de la pêche par
le froid.
Les missions du Centre de recherches
- Etude méthodique de la biologie et de la reproduction des espèces
comestibles.
- Expérimentation des procédés de capture les mieux
appropriés à cette biologie particulière. Introduction
et vulgarisation des outillages ayant fait leurs preuves ailleurs.
- Création d'un service de renseignements biologiques à
l'usage des pêcheurs.
Son but général restait la détermination des règles
de l'exploitation rationnelle de la mer algérienne et l'accroissement
des rendements économiques de la pêche. Cette station, seule
du genre en Algérie, s'intéressait à tout ce qui
avait trait à la mer et à ses richesses.
Le centre était là pour donner des conseils aux industriels
sur les filets de pêche à employer, l'industrie des conserves
ainsi que sur l'utilisation des déchets des poissons.
Des études particulières
Les études portèrent aussi sur le " gambusia ",
appelé au Mexique " Mosquito Fisch ", un poisson originaire
de l'Amérique du Nord qui offrait un intérêt particulier
: fort avide de larves de moustiques, c'était un agent destructeur
efficace de ce fléau. Ainsi, faisait-on à la station un
élevage soutenu de ce poisson pour alimenter la demande des agriculteurs
de la région. Autre étude intéressante, celle du
Docteur Boutan sur le " centhophore granuleux ", plus connu
sous le nom de " galuchat ", petit squale dont la peau donne
un cuir très apprécié dans la mégisserie,
peau très en vogue dans les années 30.
Parallèlement, le centre travaillait sur l'organisation scientifique
du transport du poisson en caisses frigorifiques vers les pays chauds.
Grâce aux grandes embarcations dont le laboratoire avait été
doté, des recherches actives purent être effectuées
en haute mer.
En revanche, des pêches effectuées en eaux profondes, pouvant
atteindre 500 mètres, permirent de fournir de l'huile de foie de
morue mais sur?
tout de nombreuses peaux de centophores à plusieurs industriels
de la région qui envisageaient sérieusement l'industrie,
sur la côte algérienne, de ce précieux poisson.
Le problème de la sardine
Mais restait un problème fondamental qui préoccupait les
chercheurs : celui de la sardine. Comment se faisait-il que ce poisson
si estimé soit, tantôt abondant, tantôt absent des
lieux de pêche ? Pourquoi des années de pléthore et
d'autres de disette ? Pourquoi certains jours la sardine apparaît
en bancs immenses, tandis qu'à d'autres les pêcheurs la cherchent
en vain ? Mystère ! Mais mystère qu'il fallait percer. C'était
le but que poursuivait la station depuis longtemps et la solution ne se
découvrira que beaucoup plus tard. Les recherches portaient
sur toutes les causes possibles : courants, différences de température,
salinité des eaux, vents, nébulosité... qui pouvaient
avoir une influence sur le vagabondage des bancs.
De nombreux visiteurs
Les viviers recevaient la visite de nombreux curieux qui pouvaient voir
évoluer des spécimens de toute la faune marine de nos côtes.
Tous les ans, près de 5 000 visiteurs se pressaient derrière
les vitres épaisses des aquariums. Dans une eau, constamment renouvelée,
évoluaient sargues, mulets, girelles, soles, rascasses, raies,
tchelbas, oblades, loups, dorades, balistes, bogues, murènes, serrans,
torpilles, mérous, cabots, congres, badêches, anémones
de mer... qui faisaient la richesse des fonds marins de notre Méditerranée.
Des groupes d'écoliers étaient accueillis régulièrement,
accompagnés de leurs éducateurs. Ces visites suscitèrent-t-elles,
peut-être, des vocations pour les métiers de la mer ?
Le dernier directeur de la station fut M. Dieuezeide.
Nous avons cherché à savoir ce qu'est devenue aujourd'hui
cette station. Selon certains visiteurs elle serait encore en service,
mais avec une activité plus que réduite.
Gérard SEGUY
Sources :
- L'Afrique du Nord illustrée N° 441 13 octobre 1929
- Revue Algeria N° 30 février 1953
- Exposé de la situation générale de l'Algérie
Années 1928 à 1930 (Gallica)
Le CDHA tient à remercier M. Monneret, historien émérite,
qui lui a fait don d'un grand nombre d'exemplaires de la revue éditée
chaque trimestre par la station expérimentale d'aquiculture de
Castiglione, revue très appréciée par la communauté
scientifique internationale.
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