Les grandes réalisations
LES GALERIES DE FRANCE D'ALGER
Faire l'historique des Galeries de France, c'est raconter
quelque chose de l'histoire d'Alger. Le principal mérite ou plus
exactement le mérite initial de l'heureuse évolution d'Alger
revient au commerce Algérois.
Ceux qui ont retenu de la rue d' Isly l'image qu'elle avait à la
fin du 19è siècle peuvent témoigner du véritable
miracle qui s'y est accompli. A l'endroit où les Galeries de France
érigeaient au début du 20ème siècle leur élégante
et luxueuse architecture, existait naguère un immeuble banal, à
façade morne, au rez-de-chaussée duquel le commerce était
principalement représenté par un café maure et une
épicerie mozabite ! La Société française des
Magasins Modernes transforma cette masure en palais.
Ce n'est pas un paradoxe d'affirmer que les Galeries de France ont "
fait " la
rue d'Isly, telle que nous l'avons connue. En effet, une contagion
s'empara du commerce Algérois dès que commença de
sortir du sol cet immense et somptueux édifice. C'est à
cette époque que le centre d'Alger se déplaça.
C'est ainsi que l'avait judicieusement observé l'auteur d'une description
d'Alger,
" On ne prend plus l'heure à la mosquée de la place
du Gouvernement, on consulte le cadran des Galeries de France ".
Nous ne nous attarderons point à détailler les authentiques
merveilles architecturales qui composaient l'aspect extérieur de
ces grands magasins. Qui ne les connaissait ?
Voici la relation d'une visite en 1930.
" L'intérieur de l'immense ruche nous invite. Le svelte et
blanc minaret s'élève dans l'azur, au dessus de la façade
d'angle du bâtiment, comme une tour de vigie à la proue d'une
antique nef. Nous nous élançons dans le hall et nous nous
jetons dans l'ascenseur qui nous
débarque quelques secondes plus tard à la deuxième
galerie d'où nous montons à la terrasse.
Autour de nous, trois ou quatre dômes font le dos rond. Les vastes
coupoles, qui contribuent à donner à l'édifice son
cachet de style mauresque, servent aussi à l'éclairage et
à l'aération des magasins. On remarque, auprès d'elles,
invisibles de la rue, les salles des ascenseurs.
Au delà de la balustrade, qui ceint ce vaste espace de plus de
4.000 mètres carrés, moutonne un océan de toits.
Nous voici dans l'escalier du minaret, dont la spirale nous élève
jusqu'au sommet de l'édifice, d'où nous découvrons
toute la ville avec
son réseau de rues. En redescendant nous nous arrêtons au
3ème étage pour en faire le tour. Il est occupé par
de nombreux et très importants ateliers de couture, de mode, de
coupe, de tapisserie, de menuiserie, des réserves, des débarras
et enfin, et surtout, par les bureaux de la comptabilité où
plus de quarante employées, comptables, dactylos, etc... assurent
le fonctionnement de ce service essentiel. Contigus à la comptabilité
se trouvent les bureaux d'achat.
Le deuxième étage, où nous descendons ensuite, ouvre
pour nous les portes du domaine du confort, de l'élégance
et du luxe. Ici c'est le rayon de l'ameublement, s'il est permis d'appeler
rayon une organisation com- merciale aussi complète, unique à
Alger. Le visiteur remarque dès l'abord, l'agencement des meubles,
leur exposition. C'est un art véritable et des plus délicats
que de disposer les différentes pièces qui composent le
mobilier d'une chambre à coucher, d'un salon, d'un studio, d'une
salle à manger, de choisir les tentures, les coussins jusqu'aux
bibelots qui devront, en s'harmonisant avec les meubles, réaliser
cette ambiance d'intimité confortable et élégante,
recherchée avant tout par ceux " qui se créent un intérieur
". Cet art, les Galeries de France le possèdent à son
plus haut degré. Aussi est-ce une véritable joie pour les
yeux de regarder ces " boxes luxueux dont chacun est une pièce,
meublée selon les dernières indications du confort et du
goût.
Le même étage loge les importants rayons des tapis, carpettes,
couvertures et tissus d'ameublement.
Enfin Mr. Corrizi, le distingué Directeur des Galeries de France,
y a ses bureaux, dont les fenêtres donnent sur la paisible Rue
Mogador.
Pour descendre au rez-de-chaussée, nous empruntons l'escalier monumental,
entièrement construit en bois, aux rampes magnifiquement ouvragées,
comme le sont du reste, toutes celles des Galeries de France dont les
innombrables boiseries, chef-d'oeuvre de menuiserie, sont peut-être
la plus belle parure. Nous ne pouvons citer, sans en omettre les trois
quarts, les articles mis en vente aux Galeries de France. Nous revoyons
pêle-mêle, chapeaux, parfums, bijouterie, mercerie, papeterie,
porcelaines, articles d'éclairage et de chauffage, bicyclettes,
etc..
Nous consacrerons pourtant une mention spéciale au comptoir des
bijoux qui constitue, à lui seul, un véritable magasin d'orfèvrerie
et qui jouit d'un assortiment considérable.
Si l'on regarde la statuaire, on est séduit tout de suite par l'incontestable
beauté des sujets. N'oublions pas également le bureau auxiliai-
re des P.T.T installé au fond du magasin. C'est un rayon, qui pour
être étranger aux autres, n'en fait pas moins des recettes
importantes. La Direction des " Galeries " a été
très heureusement inspirée en réclamant cette installation,
qu'elle n'a pas eu de peine à obtenir et qui rend d'incontestables
services aux milliers de personnes qui fréquentent jour- nellement
les magasins.
Une organisation aussi vaste nécessite une surveillance rigoureuse
qui est assurée jour et nuit avec une précision mécanique.
Des gar- diens de nuit font de constantes rondes. Eux- mêmes sont
sous le contrôle de 25 appareils automatiques placés dans
tous les coins de l'établissement, depuis les combles jusqu'au
sous-sol. Une négligence, un oubli, un retard dans la ronde et
l'incident est enregistré. Ajoutons que des inspecteurs sont à
la dispo- sition des clients pour les renseigner, enregis- trer leurs
observations, faire droit à leurs réclamations, en un mot
les accueillir et les guider dans ces vastes magasins.
Pour les grandes fêtes de l'année, l'immense hall est entièrement
décoré, illustré devrions nous dire, et le sujet
de l'illustration varie d'une fête à l'autre. Le spectacle
est alors féérique. Il nous souvient particulièrement
d'un récent " Gulliver et Lilliput " qui fit la joie
et l'admiration des grands et des petits. Le Noël et le premier de
l'An nécessitent chaque année un aménagement spécial
du comptoir des jouets. Une partie de la première galerie est consacrée
exclusivement à la joie des enfants. La Direction fait dresser
au des- sus de l'escalier monumental qui conduit à la première
galerie la traditionnelle crèche. Mais chaque année, une
gigantesque image s'offre à l'émerveillement des visiteurs.
Le sujet n'en est jamais le même. Il nous plait de revoir un magnifique
paysage africain, puis dans une cheminée immense, comme on en voit
seulement dans nos vieilles maison de France, de grandes hottes, qui attendent,
béantes, la visite du Père Noël.
Les sous-sols nous réservent aussi des surprises. On nous montre
d'abord l'usine électrique des Galeries de France, car cette mason
produit elle-même sa lumière, sa chaleur, la force motrice
de ses ascenseurs. La salle des machines aux parois de porcelaine, éblouit
les regards. Non loin s'ouvrent deux salles immenses où s'affairent
d'innombrables employés. C'est la salle de réception des
marchandises et celle des expéditions.
De puissants monte-charges desservent l'une et l'autre, apportant ici
des tonnes de marchandises, aussitôt classées, étiquetées,
rangées dans les réserves et de là emportant par
énormes tas les paquets, les colis de toutes dimenions prêts
à partir pour Bab-el-Oued ou pour les Territoires du Sud. Toutes
ces pièces des sous-sols sont bien aérées et éclairées.
Dans cette visite souterraine, ce qui frappe le plus c'est l'importance
des réserves, où l' on retrouve tout ce qui remplit les
magasins du rez-de-chaussée au troisième étage.Les
Galeries de France emploient un nombreux personnel. Tous les employés,
sans distinction, versent, à partir de l'âge de 25 ans, 4
% de leurs appointements pour la retraite. La Société Française
des Magasins Modernes en verse autant. Le tout est déposé
à la Caisse des Dépôts et Consignations, de telle
sorte que le départ prématuré d'un employé
ne
l'empêche pas de jouir à 55 ans, d'une pension de retraite
calculée au prorata de ses versements et de ceux de la Société.
Enfin, il existe pour le personnel des Galeries de France un sursalaire
familial, ainsi fixé : 45 francs pour le premier enfant, 60 francs
pour le deuxième, 90 francs pour les suivants ".
Ce dernier trait achève de peindre les Galeries de France comme
le modèle accompli, en Afrique du Nord, de la grande maison de
commerce moderne.
Jean-Marc Gély
(d'après Le Livre d'Or du Département d'Alger).
Un supplément par Françoise
Bernard Bries :« Nulle part est dit qui
en est l'architecte* et cela m'étonne beaucoup, d'autant que je
sais familialement que toutes les boiseries intérieures et extérieures
ont été faites par François Darbéda, qui avait
une belle affaire de menuiserie, frère de Gabriel l'architecte,
mon grand père. Or, nous n'avons, en famille trouvé nulle
par si c'était Gabriel qui en avait fait les plans ?
Mais il n'y avait pas que lui qui faisait
de l'architecture arabo berbère ! cf le Lycée de jeunes
filles et autres bâtiments.
Et puis, avant les Galeries, il y avait là
la remise des diligences de la ville d'Alger, bureaux des Messageries
Impériales, que mon arrière grand père Aristide Antoine
Boniffay avait créées . On parlait même à l'époque,
du "Trou Boniffay"... Ce même Aristide qui avait
la maison à Birkhadem, Ben Negro..
*L'architecte des Galeries de France est : Henri Petit (Paris 1856- Alger
1926) Il figure dans le livre Alger Paysage urbain et architecture
1800-2000, publié à l'occasion de l'année de
l'Algérie en France en 2003 par l'Institut français d'architecture.
Et c'est bien François Darbéda qui a fait toutes les boiseries
du bâtiment.
Les Galeries de France, transformées
en musée ?
Le " Marna ", Musée
d'Art Moderne et contemporain d'Alger, a été inauguré
en 2007.
Au dire de l'architecte qui a conçu et piloté l'opération
" Le musée n'est pas encore livré, ce que nous
savons, c'est juste une salle d'exposition, une galerie d'art, pas
un musée. Sur les 13500 m2 que comptent les anciennes galeries,
seuls, 4500 ont été livrés... ".
Un premier avis d'appel d'offre avait été lancé
pour démarrer la deuxième phase de réamé-
nagement des anciennes Galeries, mais il a été annulé
pour " vice de forme " précise M.Djehiche, directeur
du " MAMA "...
Source : EL WATAN du 21-11-2010
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