En disparaissant sous les effets de la
mine
Le Fort des 24 Heures dAlger livrait, le 27 décembre 1853
les restes du martyr Géronimo
Le corps repose depuis à la cathédrale dAlger
Il nest pas de jour, à
la lecture du Martyrologe, que nous nentendions proclamer le nom
de saints ou de martyrs africains. Encore que la liste ne comporte que
les noms de ceux dont les faits ont pu être absolument authentifiés.
Sur cette terre que les Cyprien, Augustin, Monique, Perpétue
et Félicité ont marqué de leur sang, le souvenir
des martyrs de lEglise primitive demeure éternellement.
Alors que lAlgérie sapprête à célébrer
en février prochain le XVIe centenaire de la naissance de saint
Augustin, Alger est à la veille du centenaire dun grand
événement, celui de la découverte des restes de
Géronimo, le martyr du « Fort des vingt-quatre heures ».
LE FORT DES 24 HEURES
La bastion turc qui devait garder trois siècles son secret, fut
construit par le roi Euldj Ali, renégat calabrais, dans te but
de défendre la ville contre d'éventuels débarquements
ennemis.
Par rapport à la topographie actuelle, le fort occupait lemplacement
délimité par les rues Géricault, Eugène-Robe,
Lestienne et Borély-la-Sapie. Une partie de lancien fort,
dont la pointe nord correspond à lentrée du cinéma
Majestic, est aujourdhui dominée par léglise
Saint-Vincent de Paul.
On peut aujourdhui imaginer les efforts qui ont été
déployés pour faire de cet endroit désert, balayé
par les vagues, un des plus beaux quartiers dAlger.
LE MARTYRE DE GERONIMO
Cest en 1569 que commence véritablement lhistoire
de Géronimo (Jérôme), dorigine maure et converti
au christianisme. Un jour quil séloignait dOran
où il résidait, Géronimo fut capturé par
un groupe de brigantins et vendu au roi Euldj Ali. Il navait pas
30 ans. Petit de taille, visage maigre, teint brun, Géronimo
montra sa volonté de caractère et la fidélité
à sa foi jusquà sa mort.
Ni la persuasion, ni la menace, ni li torture enfin naltérèrent
cette foi qui exaspérait Euldj Ali. Las, celui-ci décida
de faire aménager une cavité en forme de tombeau dans
le fort en construction « pour y piser » le jeune homme.
Malgré toutes les pressions, Géronimo déclara encore
au roi, le 18 septembre 1569 : « Je ne renierai ma foi pour rien
au monde. »
Alors sur les ordres dEuldj Ali, Géronimo fut attaché
et jeté dans une sorte de caisse à pisé et recouvert
de terre. Les serviteurs du roi « damèrent » le corps
à grands et cruels coups de pilon et enterrèrent la victime
vivante sans que celle-ci eût laissé échappé
la moindre plainte.
UNE DÉCOUVERTE MIRACULEUSE
La découverte des restes de Géronimo tient du miracle.
En 1846, un marché conclu entre ladministration militaire
et les entrepreneurs chargés de la démolition du fort
est rompu. La tâche est confiée alors au capitaine Suzzoni
qui vient de prendre connaissance dun article de M. Berbrugger,
conservateur de la bibliothèque et du musée dAlger,
sur une documentation de lhistorien espagnol Haédo. Celui-ci
a relaté les conditions dans lesquelles Géronimo tut enterré.
Aussi, lofficier français sentouret-il de toutes
les précautions. Malheureusement, ses recherches sous lépaisse
muraille ne donnent aucun résultat. Pourtant, il faut exécuter
les ordres du ministre.
Au matin du 27 décembre 1853, le « Fort des vingt-quatre
heures » est irrémédiablement soumis aux effets
de la mine.
En disparaissant sous lexplosion, le vieux bastion, dont une partie
fut par extraordinaire épargnée, devait authentifier la
magnifique histoire écrite par Haédo en 1612.
Le seul bloc resté intact laissait apparaître une cavité
renfermant des ossements. Avec les experts, les autorités civiles
et lautorité épiscopale constituèrent une
commission qui devait conclure à la reconnaissance des restes
du jeune martyr.
LES RAPPORTS OFFICIELS
« Le squelette, en effet, couché sur sa face, parallèlement
au revêtement de la muraille, était entier avec tous ses
os à leur place normale », lit-on dans un ouvrage du R.P.
Burlaton, qui fait état des constatations consignées dans
les procès-verbaux officiels.
fl ajoute entre autres : « Toutes les côtes, à lexception
des deux premières de chaque côté, étaient
brisées. Lépine dorsale présentait une légère
courbure. La cavité reproduisait fidèlement toutes les formes
extérieures du corps de la victime telle quelle était
au moment de son supplice et de sa mort ; elles avaient été
moulées dans le tapia ».
Dans la longue et intéressante énumération, nous
lisons encore : «'Au point de rencontre des deux poignets on distinguait
très bien lempreinte dune corde ayant servi à
les attacher et ayant fait deux fois le tour du bras. »
LES RESTES DU BIENHEUREUX GERONIMO A LA CATHEDRALE
De précieuses dépositions permirent à Mgr Pavy, évêque
dAlger de constituer le dossier pour lintroduction de la cause
de béatification.
Un décret pontifical du 30 mars 1854 reconnaissait que les preuves
établissant lidentité du corps « ne laissaient
aucun doute » et que « toutes les circonstances répondaient
admirablement à ce quon savait par la tradition et lhistoire
». Ainsi Géro nimo était proclamé vénérable.
Puis, avec lautorisation de S. S. Pie IX, la translation des restes
de Géronimo à la cathédrale dAlger eut lieu
le 28 mai 1854, ce fut une cérémonie comme Alger nen
a jamais connues depuis. Le gouverneur général, lévêque
de Mahon, toutes les autorités et une foule immense y assistaient.
Un jour, peut-être, Géronimo sera élevé sur
les autels comme lavait souhaité Mgr Leynaud. Mais lEglise
a devant Elle lEternité.
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