Alger, la Cathédrale et la Casbah
Obsèques de Camille Saint-Saëns à la cathédrale d'Alger (1921)
Document adressé par "Promusica", Régis Boulier
sur site le 25-08-2004
2°/ Quatre articles de l'Echo d'Alger : l'illustre compositeur Saint-Saëns est mort à Alger.

Notis écrivons sous le coup de la funèbre nouvelle qui brusquement nous a surpris et qui aura une longue répercussion dans toute l'Algérie, aussi bien que dans la France entière.

L'illustre maître Saint-Sains est soudain décédé hier soir.

Arrivé à Alger — cet Alger qu'il aimait tant — le 4 décembre dernier. il habitait l'Hôtel de l'Oasis. Il s'était retiré dans sa chambre, à l'heure habituelle, sans donner aucun signe d'indisposition, lorsqu'à 11 heures, on s'aperçut qu'il avait cessé de vivre.

C'est une perte irréparable pour l'art musical français, au premier rang duquel le prodigieux vieillard, âgé de 86 ans, continuait à briller de tout l'éclat de son incomparable gloire. Paix soit aux cendres du grand homme qui est venu mourir sur sa terre de prédilection.
(suite dans l'article.)

Echo des 17-18 et 19 -12-1921 - Transmis par Francis Rambert
mars 2016

3°/ Les derniers moments de Saint-Saëns
** La qualité des photos est celle de la revue. On est en 1921. Amélioration notable plus tard.
Afrique du nord illustrée du 24-12-1921 - Transmis par Francis Rambert
déc.2020

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Obsèques de Camille Saint-Saëns à la cathédrale d'Alger (1921)
L'illustre compositeur
L'illustre compositeur
Dessous : le programme
Dessous : le programme

APRÈS LA CÉRÉMONIE A LA CATHÉDRALE
Le cercueil contenant la dépouille mortelle du grand compositeur Saint-Sains est porté jusqu'au corbillard qui doit l'amener sur les quais où seront prononcés les discours.

APRÈS LA CÉRÉMONIE A LA CATHÉDRALE

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1922. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.




LES DERNIERS MOMENTS DE SAINT-SAENS

Une belle existence... une belle mort, pourront écrire plus tard les hommes qui résumeront pour les générations futures la vide ce prodigieux musicien. Ayant connu, de son vivant, la popularité, la gloire et tout ce qu'on peut en attendre, Saint-Saëns n'a pas connu les affres du trépas. Sans une plainte, sans l'ombre de la moindre souffrance, il s'est doucement endormi et comme après un magnifique soir d'été l'ombre apaisante couvre la terre, l'éternelle nuit est descendue sur lui.

Revenant à Alger, dont il avait fait sa terre de prédilection depuis plusieurs années, Saint-Saëns descendait à l'Hôtel de l'Oasis, où il aimait rêver, durant ses moments de loisir, en considérant de son balcon le grandiose panorama de la baie d'Alger qui se déroulait à ses pieds.

Et dans cette maison, où il était bien connu de tous, il allait, passant inaperçu, car sachant dans quelle terreur il tenait les importuns et les curieux, on affectait de ne point remarquer sa présence.

Il descendait souvent dans les salons et, s'asseyant au piano qui s'y trouvait, de ses doigts agiles courant sur le clavier, il emplissait les vastes pièces de trilles et d'arpèges magistralement exécutés. Puis, sur son désir, un piano fut monté dans sa chambre et c'est là, désormais, qu'il fit ses exercices.
Jusqu'à son dernier jour il ne cessa - que les jeunes méditent cet exemple - de poursuivre inlassablement des éludes que d'autres ont dédaigneusement abandonnées depuis longtemps déjà.
Le 16 décembre, date de sa mort, il dîna comme de coutume malgré un léger rhume qu'il avait contracté depuis trois jours, mais pour lequel, après une auscultation, son médecin reconnut qu'aucun danger n'était à craindre.

Après le repas, ainsi qu'il en avait l'habitude, le maître engagea une partie de dominos, jeu qu'il adorait et où il se montrait d'une habileté surprenante.

Sa science ne fut pas en défaut ce soir là. Il gagna.

Heureux du bon tour qu'il venait de jouer à son adversaire, s'armant d'un crayon, il traçait sur le papier qui avait servi à marquer les points, une fleurette finement dessinée.

Épris de la nature, Saint-Saëns adorait les fleurs et connaissait, en botaniste consommé, les moindres détails de toutes les familles florales. Puis, vers neuf heures, il se coucha. Rien ne faisait prévoir alors, à ce moment, dans l'attitude du maître, que l'heure de mort allait bientôt sonner pour lui.

Peu de temps après qu'il fut couché, son intendant allait vers lui et ne le voyant pas encore endormi, lui demandait s'il n'avait besoin de rien et s'il se sentait bien.

Souriant, Saint-Saëns, lui répondait en faisant mine de gronder : " Mais non, .Jean, ne me réveille pas pour venir prendre de mes nouvelles. Ça va bien. " Et, déclinant l'offre de celui-ci, qui voulait lui faire absorber une tisane chaude, le vieillard essayait de trouver le sommeil.

Cependant, quelques minutes après, l'attention de son serviteur était attiré, par un léger râle qui s'élevait de la chambre du maître. Il se précipitait vers lui, appelait à l'aide.

Un docteur était mandé en hâte. Peine inutile ! Après avoir murmuré : " Non, Jean..., c'est fini ", malgré les réactifs employés pour essayer de le ranimer, Charles-Camille Saint-Saëns rendait l'âme.

Il était près de dix heures du soir.

En bas, dans les salons de l'hôtel, où un dîner-concert suivi d'une sauterie réunissait de gais convives, l'orchestre Demanche - Desbrosses charmait de sa musique impeccable les couples de danseurs tourbillonnant sous la clarté des plafonniers électriques.

Tout était à la joie, lorsque l'horrible nouvelle parvint.

Ce fut une minute de consternation. Le bal prit fin. L'allégresse faisait place au chagrin, et tandis que la foule s'écoulait lentement, les exécutants de l'orchestre Demanche et Desbrosses, amis personnels du défunt, se rendaient au chevet du maître pour veiller, la nuit entière, sa dépouille.
Sur son lit de mort, l'auguste vieillard reposait, les traits calmes, aussi purs et aussi nets que si la vie n'avait pas encore quitté ce corps inerte.

Le piano, sur lequel restait encore ouverte une partition inachevée, fut voilé de crêpe.

Le lendemain, le corps du maître disparaissait sous un amas de ces fleurs odoriférantes qu'il aimait, de son vivant, avec toute sa ferveur d'artiste épris de la nature.

Une foule émue et pieusement recueillie a tenu à apporter un dernier hommage au maître en l'accompagnant jusqu'à la chapelle ardente édifiée sur les quais, où son cercueil attendit le départ du courrier qui devait le ramener en France.

Qu'il nous soit permis d'ajouter encore à la fin de ces lignes, un détail que beaucoup de ses admirateurs ignorèrent toujours : c'est l'immense bonté de Saint-Saëns.

Sous l'anonymat le plus absolu et le mieux gardé, on ne peut s'imaginer combien d'infortunes et de détresses furent soulagées de sa main.

Un seul homme, qui l'approcha de très près, peut dire la grande pitié du maître envers les déshérités de la vie : son intendant dévoué qui le surprit souvent, se cachant pour faire le bien.
Et cette qualité, méritait d'être connue du grand public... Celui qui se cache pour faire le bien ne meurt jamais, son nom reste toujours gravé au fond des cœurs.

Ch. BROUTY.