-Un village sur la côte turquoise algéroise :CASTIGLIONE
École de pêche
.Il s'agit de la station expérimentale d'aquiculture et de pêche, créée en 1921
:« ..que pensez-vous de notre pays (ndlr: ce sont des Suisses installés à Casti qui écrivent) , hein, la belle plage..bien sûr auprès de la Suisse c'est des gourbis, ici........» Les cartes 2-8-9 ont été écrites le même jour par la même personne.s
ur site le 9-03-2004


2.-
La Station expérimentale d'Aquiculture et de Pêche à Castiglione
Afrique illustrée du 12-10-1929 - Transmis par Francis Rambert
fév.2021

900 Ko -
retour
 

École de pêche.Il s'agit de la station expérimentale d'aquiculture et de pêche, créée en 1921


*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1929 . Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande

TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.


La Station expérimentale d'Aquiculture et de Pêche à Castiglione

La Station expérimentale d'Aquiculture et de Pêche à Castiglione La Station expérimentale d'Aquiculture et de Pêche à Castiglione

 

Deux visiteurs de la riante commune de Castiglione devisent paisiblement sur le rivage, en admirant la grande bleue qui n'a, ce jour, que des sourires.
- Tiens dit l'un, un château d'eau sur le bord de la mer ! serait-ce que les habitants s'alimentent en eau salée '?
- Non ! dit l'autre, c'est très spécial. Il y a là un organisation dont j'ignore le but et le caractère. Un jour la curiosité me poussant, j'ai demandé des renseignements et l'on m'a dit que c'était la station expérimentale d'aquiculture et de pèche. Cela m'a suffit pour en déduire qu'il s'agit d'un centre d'études, où un certain nombre de fonctionnaires a trouvé un refuge assuré contre le bruit, l'agitation des villes et les visites intempestives des supérieurs dont ils dépendent sans doute, à moins qu'ils ne soient des misanthropes libérés de toute servitude.
- Allons toujours voir, dit le premier.
- Ah ! non ! reprend le second, la mer est plus intéressante en ce moment... et les baigneurs aussi ! ! !

Bénissons ces deux promeneurs de nous avoir laissé surprendre cet échange d'idées, puisqu'ils nous ont orienté sans le vouloir, vers une curiosité intéressante, au plus haut point.

Ayant allumé notre lanterne, nous nous sommes mis à la recherche d'un homme qui.., d'un homme que... et voilà comment nous nous sommes trouvés tout récemment en présence du savant qui vient de présider pendant plusieurs années aux destinées de celle station si lointaine pour les Algérois.

Nous étions déjà heureux et flattés de cette bonne fortune. Nous le sommes bien plus après avoir écouté avec une attention soutenue ce que M. le docteur Gavart a bien voulu nous dire pour nous tirer de l'ignorance coupable dans laquelle nous pataugions :

" La station expérimentale de Castiglione est une fondation du Gouvernement général. Située à 45 kilomètres d'Alger, sur la plage de Castiglione, elle a été édifiée suivant les indications du docteur Bounhiol, professeur de zoologie générale à la Faculté des Sciences d'Alger, qui la mit sur pied en 1921.

Cette station, la seule de l'espèce en Algérie, s'occupe de tout ce qui a trait à la mer et à ses richesses. Elle possède une douzaine de grands aquariums d'une capacité de un à trois mètres cubes pour l'étude des poissons de mer, ainsi que des bassins extérieurs pour l'étude des poissons d'eau douce.

Toutes les questions se rattachant aux industries de la mer peuvent y être étudiées soit par le personnel, soit par les chercheurs scientifiques qui viennent y demander l'hospitalité. Les travaux ainsi produits sont publiés dans un bulletin, qui paraît régulièrement depuis 1926 ".
- Pourriez-vous nous éclairer sur la nature des travaux ainsi vulgarisés ?
- " Au premier plan, se présentent ceux relatifs au " Gambusia ". Ce poisson offre un intérêt particulier, en ce sens que, fort avide de larves de moustiques, il est un agent destructeur merveilleux de ce fiéa u. Ainsi fait-on à la station un élevage soutenu et qui n'est atténué que par la modicité des ressources. Des femelles prêtes à donner des alevins sont mises gratuitement à la disposition de tout demandeur qui a le souci de lutter contre le hideux paludisme en assainissant les mares ou nappes d'eau avoisinantes. Le " Gambusia " est un poisson d'eau douce, originaire de l'Amérique du Nord, importé en Espagne, puis en Algérie. Il y en a toujours plusieurs milliers en réserve à la Station.

Par ailleurs, je puis signaler deux études intéressantes du docteur Boutan sur le " centhophore granuleux ", petit squale dont la peau donne un cuir de plus en plus apprécié dans la mégisserie et sur l'organisation scientifique du transport de poisson en caisses frigorifiques jusqu'à Djelfa ; d'autres encore, poursuivies par M. Roses, de la faculté des Sciences, M. Lacoste, directeur de l'Inscription maritime, Dieuzeide, Argilas, préparateurs à la Faculté des Sciences... Pour ma part, j'ai étudié le phoque de la Méditerranée, qui n'est pas précisément aimé par nos pêcheurs, et pour cause ; enfin, j'ai examiné, dans un travail spécial, les moyens de développer notre petite pêche côtière, qui n'est pas ce qu'elle devrait être. "
- N'y a-t-il pas à l'heure actuelle, une question qui préoccupe plus particulièrement les dirigeants de cette intéressante organisation ?
- " Oui, et elle est d'importance. Il s'agit de la " Sardine ", qui est le sujet d'un problème presque angoissant.

Comment se fait-il que ce poisson si estimé est tantôt abondant, tantôt absent des lieux de pêche. Pourquoi des années de pléthore et d'autres de disette ?
Pourquoi y a-t-il des jours où la sardine apparaît en bancs immenses, tandis qu'il y en a d'autres où nos pêcheurs la cherchent en vain. Mystère ! mais mystère qu'il faut percer à jour. C'est le but que poursuit la station depuis longtemps et il est possible que la solution ne se découvre pas à brève échéance. L'étude entreprise porte sur toutes les causes possibles : courants, différences de température, salinité des eaux, vents, tension électrique, nébulosité... qui peuvent avoir une influence sur le vagabondage des bancs. Des expériences sont poursuivies de jour comme de nuit... "
- Et tout ce dévouement et toute cette science ont surtout pour témoins, le silence, si nous en jugeons par l'ignorance à peu près universelle que nous avons constatée ?
- " Non pas ! la situation reçoit de nombreux visiteurs, dont la foule s'accroît de plus en plus.. Certes, il y en a beaucoup qui ne se préoccupent guère que de ce qu'ils voient. Néanmoins, ils tirent de leur visite un profit certain, car le spectacle qui leur est offert gratuitement, les jeudis et les dimanches, échappe à la banalité.

Ils peuvent, en effet, voir évoluer sous leurs yeux, des spécimens de presque toute la faune marine de nos côtes. Derrière les glaces de nos aquariums, dans leur élément naturel, constamment renouvelé et même aéré, se promènent ou stationnent sargues, mulets, girelles, soles, rascasses, raies, tchalbas, oblades, loups, dorades, balistes, bogues, murènes, serrans, torpilles, méeots, cabots, congres, badêches, anémones de mer...
En somme, la salle des aquariums de la station est l'équivalent d'un jardin zoologique pour les animaux terrestres moins bien traités. "
- Et quelle est l'utilisation de cet imposant château d'eau qui signale si heureusement la présence de la station ?
- " Comme vous avez pu le constater, il renferme un moteur qui actionne une pompe à double effet, refoulant l'eau de la mer dans le bassin supérieur, d'où elle s'écoule dans les aquariums, afin d'assurer le renouvellement continuel du contenu.

En vous signalant que la construction basse qui est à proximité, sur la mer même, est la cale de halage pour nos embarcations, vous aurez ainsi fait le tour de la station. "

Constatant que nous avons vraiment abusé de la parfaite amabilité de notre savant interlocuteur, nous nous retirons, non sans lui avoir exprimé notre très sincère gratitude et avoir obtenu communication des deux études établies par ses soins. Nous croirions manquer à tous nos devoirs si nous ne procédions en profane convaincu, à une rapide analyse de ces deux éludes, dont la première a porté sur le phoque de la Méditerranée : il y a de tout dans cet intéressant travail, du roman, dans la pêche des sujets d'étude, et leur acheminement sur la station, de l'humour dans certains incidents que l'arrivée de l'un d'eux provoque à Alger, du danger, car cet animal se défend bien - M. le docteur Gavard, qui a été cruellement mordu par l'un d'eux, en a fait l'expérience - beaucoup de science, ce sur quoi il est inutile d'insister.

Mais il nous tarde d'arriver à la deuxième étude, qui traite du développement de notre petite pêche, et là vraiment l'intérêt général y est examiné et servi avec une maîtrise supérieure.

Nous y apprenons d'abord les raisons pour lesquelles la petite pêche ne donne pas en Algérie des ressources correspondant à celles très grandes des eaux côtières unanimement reconnues comme très poissonneuses.

M. le docteur Gavart remarque que les côtes algériennes sont peu hospitalières aux petites embarcations, aussi bien à cause de la rapidité déconcertante avec laquelle la mer devient dangereuse pour elles, que par suite de l'absence presque totale des petites plages offrant les possibilités de halage, susceptibles de les mettre rapidement à l'abri de la mer en furie.

Dès lors, nos petits pêcheurs sont tenus de ne pas trop s'éloigner des ports, en sorte que leur rayon d'action est très réduit. Bien mieux, il est de nombreuses régions côtières qui ne sont même pas alimentées en poisson, alors que leurs eaux en foisonnent.

L'auteur ne se contente pas d'ailleurs de signaler le mal : il sait aussi indiquer le remède, qui consisterait simplement à construire en des points bien choisis, tous les 15 kilomètres environ, de petits blocs de ciment, d'une largeur au plus égale à huit mètres et qui constituerait pour les petites embarcations des cales de halage de fortune, à utiliser quand le gros temps les surprendrait en mer.

Cette étude s'illustre d'ailleurs d'un exemple :
" Port-Gueydon, petit village côtier de 300 habitants, n'a pas assez de poisson pour sa consommation, alors que le plateau sous-marin tout proche est, par contre, d'une richesse remarquable. Toute la faune de la Méditerranée y est abondamment représentée : seuls les pêcheurs y font défaut ou presque, puisqu'une seule famille de pêcheurs y est installée et de Sidi-Khaleb (Est de Tighzirt) au cap Sigli (Ouest de Bougie), soixante kilomètres de côtes d'une remarquable richesse ichtyologique restent absolument inexploités. "

Que nous sommes loin des aquariums de Castiglione, dira-t-on. Nous le reconnaissons et y revenons sans confusion. Si la station en question offre indiscutablement un réel intérêt à la curiosité fugitive du passant, cherchant à " tuer le temps ", il nous a paru opportun de faire remarquer qu'elle réserve, en outre, des satisfactions plus hautes : dans ce coin isolé, qui a toutes les faveurs de la mer et du vent, il est des hommes de science qui travaillent dans le silence pour se rendre utiles à l'humanité.

S'intéresser à leurs travaux est déjà une grande satisfaction : leur rendre hommage en est une autre.

C'est peut-être là une des joies les plus pures de la vie.