--------------La
Casbah d'Alger, c'est pittoresque comme tout pasqu'en pluss du pittoresque
classique de toutes les autres casbahs du monde arabe, les rues là,
rien qu'elles montent, elles montent ou elles descendent, elles descendent,
Ça dépend comme vous les prenez.
--------------Moi,
comme j'les prenais jamais (après je vous dirai pourquoi), comme
j'les prenais jamais, bien sûr, rien qu'elles montaient, elles montaient,
puisque de la rue Bab-Azoun d'où je les voyais, la rue Bab-Azoun
elle était plus basse que les rues de la Casbah, vous me suivez?
--------------
--------------Donc,
elles montaient, elles montaient, et moi, pourquoi j' allais descendre
du tram puisque la Casbah elle était off limits? C'est vrai, à
cette époque, j'étais à l'âge où la
libido elle commençait à me travailler sec, et des M.P.
balèzes comme tout et américains (la Military Police des
troupes alliées du débarque-ment en 1942) y faisaient le
cordon sanitaire autour de la Casbah, qui c'est qui rentre à part
les patrouilles?
--------------C'est
ça, l'off limits.
--------------Que même pour bien leur faire
comprendre le rapprochement qqu'on voulait
faire, on leur disait : « How do youyou do? », aouah! un mur
y vous répondait!
--------------Après
le débarquement américain et le rembarquement d'après,
comme bien sûr j'avais plus l'alibi de la libido, la Casbah, hein,
ça m'en touchait une sans remuer l'aute !
--------------J'avais
d'autes débouchés, quoi! D 'autes chats à fouetter,
ou à souhaiter, c'est ça les subtilités de la langue!
--------------Enfin,
bon, bref le temps y passe, je passe le temps et juste quand l'idée
elle me vient d'aller dans la Casbah (que c'est bête, c'est vrai,
d'habiter tout près et de pas connaître ) eh ben, paf! la
bataille d'Alger!
--------------Toute
la Casbah, des kilomètres de fil barbelé autour, vous passez
pas si vous avez pas le coupe-fil!
--------------Et
encore à travers des chicanes !
---------------
A/ors, comme ça, la Casbah, elle est bouclée ?
---------------
Et alors ça vous défrise?
--------------Oilà
pourquoi, oilà comment, encore aujourd'hui je vous parle, la Casbah
d'Alger je l'ai vue rien que dans le film Pépé le Moko,
que les décors on les a tous montés à Joinville-le
-Pont, demandez à Marcel Carné, vous verrez.
--------------Ça
n'empêche pas que les rues, dans la Casbah, les trois quarts elles
sont en escalier et étroites comme tout.
|
|
-------------Tellement
étroites que c'est pour ça que vous en menez pas large.
--------------Les
coupe-gorge et les coupe-jarrets qu'y a, purée!
C'est plein de bordels, y a des maquereaux, les maquereaux y z'attirent
la police comme des mouches, qu'est-ce vous voulez de pluss pour faire
des bons faits divers?
Couffins rebondis et
belles Aïcha
--------------Si
les rues de la Casbah elles sont tellement étroites, c'est qu'au
départ elles ont été construites pour que le soleil
y soit trop à l'étroit pour pouvoir rentrer dans les maisons.
--------------Le
soleil, chez nous, on en a tellement par-dessus la tête que c'est
logique qu'on en prenne ombrage, vous comprenez?
--------------Bon,
vous rentrez dans la Casbah, vous prenez la rue Kataroudjil, la rue du
lion ou une aute, vous êtes libre, les maisons mauresques, elles
sont de deux sortes.
--------------Ou
bien c'est la maison mauresque pauvre, bâtie de toutes pièces,
toutes pareilles, toutes petites, toutes moches, pluss des pièces
à conviction que des pièces de collection, ou bien c'est
la maison mauresque riche.
--------------Alors
l à, c'est simple! Vous sortez du salon mauresque, des tentures,
des tapis, des aiguières, des narguilés, des coussins rebondis
des belles Aicha, pour entrer dans la mosaïque bleue de la cour intérieure
où la fontaine elle se plaint dans la vasque de cette chaleur qu'y
fait, parole, elle est en nage.
Et quand vous êtes fatigué de vous promener tranquillement
vous allez vous allonger un peu dans la chambre à coucher des Mille
et Une Nuits. Allez Aicha, tu viens?
--------------A
part ça, dans toutes ces rues qui montent et qui descendent qu'est-ce
qu'y a dû avoir comme « Un monsieur monte! » et comme
types descendus! Comme coups montés et comme descentes de police!
--------------Je
sais, vous auriez voulu saoir, mais c'est ma faute, moi, si le généra/
Massa y voulait rien saoir?
Roland BACRI
|