mise sur site le 15-08-2003
-Les grands soldats de l'Algérie
CHAPITRE PREMIER :
LES CONQUÉRANTS D'ALGER
Le général de Bourmont, le vice-amiral Duperré, le commandant Boutin
n.b : tous ces textes ont été passés à l'OCR, je ne les pas vérifiés minutieusement. Veuillez pardonner les erreurs éventuelles, vous pouvez même me les signaler.Merci
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------Charles X, dont le règne a été assez incolore, a un mérite qui ne doit pas être oublié. C'est lui qui a donné l'Algérie à la France. Quels que soient les motifs qui l'aient décidé à l'expédition d'Alger, et même s'il a voulu, comme ses adversaires politiques l'ont prétendu, chercher une diversion à une situation intérieure troublée et redonner quelque solidité à son trône chancelant, il n'en a pas moins, aidé par son ministre Polignac, montré une fermeté et une obstination remarquables.
------Sa fermeté ne peut être mieux symbolisée que par sa réponse à l'Angleterre, lorsque cette puissance lui demandait en juillet 1830 des explications sur la prise d'Alger qui venait d'avoir lieu et sur ses intentions futures à l'égard de cette conquête : " Pour prendre Alger, répliqua-t-il, je n'ai considéré que la dignité de la France; pour le garder ou le rendre, je ne consulterai que son intérêt ".

Le général de Bourmont et le vice-amiral Duperré

------Le général de Bourmont, que Charles X avait choisi comme ministre de la Guerre, et à qui il confia le commandement de l'expédition, de préférence à Marmont, Clauzel, Gérard, Gouvion Saint-Cyr et Molitor avait montré des qualités pendant les guerres de l'Empire et la campagne de 1823 en Espagne; il était brave et prévoyant. Mais il fut désigné pour des raisons politiques : l'avant-veille de Waterloo, le 15 juin 1815, il avait abandonné la division qu'il commandait, pour rejoindre Louis XVIII à Gand, et il avait ensuite contribué à la condamnation à mort du maréchal Ney; il était, pour ces raisons, peu populaire auprès de ses soldats.
------Le vice-amiral Duperré fut choisi pour commander la flotte, quoique connu pour ses opinions libérales, en raison de la renommée que ses brillants services lui avaient value dans la marine. Il était d'aspect un peu rude, autoritaire, peu loquace, tandis que Bourmont était séduisant, affable et brillant causeur. Pour éviter tout différend entre deux chefs peu faits pour s'entendre, tant en raison de leurs opinions politiques que de leur caractère, Charles X décida que, si Bourmont estimait que les circonstances l'exigeaient, il pourrait imposer sa volonté à Duperré.
------Le corps expéditionnaire, fort de plus de 37.000 hommes, avec 4.000 chevaux, de l'artillerie lourde et légère, et un matériel considérable, s'embarqua à Toulon, sur 645 bâtiments, la plus grande partie affrétés. Cette énorme flotte, de composition peu homogène, mit à la voile le 25 mai; elle dut aller s'abriter quelques jours aux îles Baléares, à Palma, contre le mauvais temps, et, grâce à l'habileté et à la prudence de Duperré, arriva sans encombre le 13 juin dans la baie de Sidi Ferruch.
------Le débarquement des troupes commença le 14 juin avant le jour. Bourmont constitua aussitôt dans la presqu'île de Sidi Ferruch une base bien approvisionnée; de là, il marcha sur Alger. Il mena fort bien ses opérations, ne laissant rien au hasard, avançant d'une façon relativement lente, mais absolument sûre; il arriva au but en vingt jours, forçant la ville à capituler le 4 juillet, avec le minimum de pertes pour les vainqueurs comme pour les vaincus. Il mérite d'être loué de ce résultat beaucoup plus que les historiens ne l'ont fait, car il avait rempli entièrement sa mission, sans éprouver aucun échec partiel capable d'émouvoir l'opinion.
------Bourmont fit d'ailleurs constamment preuve de sentiments élevés. Dans sa proclamation du 10 mai à ses troupes, avant leur embarquement, il leur disait :" La cause de la France est celle de l'humanité. Montrez-vous dignes de votre belle mission. Qu'aucun excès ne ternisse l'éclat de vos exploits; terribles dans le combat, soyez justes et humains après la victoire... Rendant la guerre moins longue
et moins sanglante, vous remplirez les vœux d'un souverain aussi avare du sang de ses sujets que jaloux de l'honneur de la France.
"
------La convention qu'il conclut au moment de la capitulation d'Alger, ne dénote pas moins de modération et de bonté à l'égard des vaincus, dans toutes ses clauses. La principale disait : " L'exercice de la religion mahométane restera libre; la liberté des habitants de toutes classes, leur religion, leurs propriétés, leur commerce, leur industrie, ne recevront aucune atteinte; leurs femmes seront respectées. Le général en chef en prend l'engagement sur l'honneur (1). "
------Si Bourmont n'eut pas d'autre politique à l'égard des Turcs que l'expulsion, et s'il commit des fautes dans l'administration des Indigènes algériens, c'est que, autant l'expédition était bien préparée au point de vue militaire, autant elle l'était peu au point de vue de ses conséquences.

  ------On connaissait les Turcs et les Juifs d'une manière bien imparfaite. On ignorait à peu près complètement les différences si importantes entre les tribus de l'Afrique du Nord d'une part, les tribus arabes, peu nombreuses, issues des envahisseurs musulmans venus d'Orient, et les tribus berbères arabisées; d'autre part, les tribus berbères constituant le fonds de la population, descendant des agglomérations locales, ayant une langue et une organisation à elles, et encore mal islamisées
-------On n'avait pas assez réfléchi aux moyens d'administration à employer vis à vis de cette masse disparate de tribus, qui constituait la Régence d'Alger, si on la découronnait soudainement des Turcs qui la commandaient.

Louis-Auguste-Victor DE GHAISNE, Comte DE BOURMONT

------Né le 2 septembre 1773, à Freigné (M.-et-L.)
------Pair de France le 9 octobre 1823
------Grand croix de la Légion d'honneur le 23 mai 1825
------Ministre secrétaire d'État de la Guerre, le 8 août 1829 Commandant en chef de l'armée d'expédition en Afrique du 11 avril 1830 au 12 août 1830
------Maréchal de France le 14 juillet 1830
------Décédé le 27 octobre 1846, au château de Bourmont commune de Freigné (M.-et-L.)

-----Bourmont n'eut pas le temps d'expérimenter une solution, puisque la Révolution de 1830 vint lui enlever son commandement, et qu'il apprit, dès le 20 août, son remplacement par le général Clauzel. Il eût, peut-être, pratiqué une sage politique vis-à-vis des Indigènes, comme le prouvent les dernières instructions qu'il donna, car il comprenait la nécessité d'une administration adaptée aux mœurs, aux habitudes et à la religion de populations très différentes des populations européennes.
------La dignité de maréchal a récompensé à juste titre Bourmont de sa conquête. La France lui conserve de la gratitude pour cette glorieuse et fructueuse expédition, dans laquelle il eut la douleur de voir mourir de sa blessure un de ses quatre fils, qui combattaient sous ses ordres; mais elle ne peut pas le classer au rang des soldats illustres, parce que tout Français sent bien qu'un général ne doit pas, en présence de l'ennemi, même pour des raisons politiques, abandonner le drapeau qu'il a accepté de servir et les hommes qu'il a l'honneur de commander.

Le commandant Boutin

------C'est à un modeste officier supérieur, qui eut le mérite de faire sous le Premier Empire la reconnaissance d'Alger, qu'ira plutôt l'hommage de la nation. Le chef de bataillon Boutin, envoyé en mission par Napoléon qui pensait alors à une expédition, était resté à Alger du 24 mai au 17 juillet 1808; il avait non seulement dressé le plan de la ville, de ses fortifications et des environs; mais il avait conçu le programme de l'expédition tel qu'il fut réalisé, avec Sidi Ferruch comme point de débarquement pour l'armée et le Fort l'Empereur, dominant toutes les fortifications d'Alger, comme objectif à enlever.
------Tous ceux qui eurent connaissance de ce rapport, en particulier le marquis de Clermont-Tonnerre, ministre de la Guerre de 1827, se rallièrent à ses conclusions et les reproduisirent dans leurs projets. Il ne faut donc pas oublier le serviteur dévoué dont le nom est resté trop peu connu, parce que même ceux qui utilisaient ses travaux ne le citaient pas.
------Boutin est le type de ces héros modestes qui, sans ostentation et sans bruit, exécutent les travaux qui décident du succès et qui valent à d'autres gloire et honneurs. C'est d'après ses renseignements et suivant sa conception qu'a été réalisée la prise d'Alger. Il a bien le droit, à ce titre, de figurer dans le livre d'or de l'Algérie


1) Voir L'expédition d'Alger, par le général Paul Azan, librairie Plon. Paris, 1930, pour les détails de cette expédition. .