CHAPITRE
5
-------Au
fur et à mesure que le champ d'action des troupes algériennes
s'était accru, il avait fallu davantage de forces pour, occuper
les régions nouvelles : les militaires réguliers avaient
dû remplacer les goumiers du début ; ces troupes comprenaient
une bonne partie d'Européens et pour assurer leur entretien, l'intendance,
fidèle à ses méthodes journalières et au barème
habituel du taux des rations, avait acheminé vers le Sud des troupeaux
innombrables de bufs et de moutons dont les cadavres couvraient
les routes des hammadas dépourvues d'eau et de pâturage.
Les convois de chameaux réquisitionnés se multipliaient
et eux aussi éprouvaient des pertes énormes. Cependant les
divisions militaires qui organisaient et entretenaient ces colonnes au
compte du budget de la guerre, payaient honnêtement à bureau
ouvert. Peu à peu, les dépenses s'enflèrent en même
temps que des faits d'armes retentissants (dont tous n'étaient
pas des succès) attirèrent l'attention du gouvernement et
du parlement sur la politique hardie qui se poursuivait là et sur
les dépenses énormes qui en étaient la conséquence.
-------Ce
fut un beau scandale ! Des interpellations signalèrent les "
abus de pouvoir ", les initiatives dangereuses des chefs militaires,
" leur prodigalité qui menaçait de ruiner le trésor
". Bref, le Parlement veut voir clair dans la maison, ordonner les
dépenses, dont aucune récapitulation authentique n'a pu
être faite, tant elles sont dispersées dans les différents
chapitres du budget de la guerre.
-------Aussi
veut-il d'une colonie purement civile dans laquelle, les pouvoirs politiques
et même militaires les plus étendus seront exercés
directement par le gouverneur général civil en personne.
-------Pour
permettre de vivre à la nouvelle unité administrative, on
ne l'a pas uniquement formée avec les régions d'extrême
sud, désertiques et d'aucun rapport. -------On
a adopté une limite que d'aucuns trouvèrent arbitraire au
début, mais qui, de fait, s'est révélée à
l'usage singulièrement objective. C'est celle au sud de laquelle
la colonisation et la mise en valeur du sol par l'européen sont
impossibles. En fait sur les 550.000 habitants environ qui peuplent les
Territoires du Sud, il y a tout juste 4.500 européens, soit moins
de 0,01 %.
-------Et,
dans ces limites, se trouvent néanmoins un certain nombre d'annexes
où la culture du palmier (Biskra, Touggourt), l'élevage
du mouton et l'exploitation de l'alfa (Djelfa-Laghouat-Géryville-Méchéria)
donnent au trésor des ressources très appréciables
par l'impôt. Grâce aux produits de celui-ci, il sera possible
au Gouverneur général de subventionner très généreusement
les annexes purement sahariennes dans lesquelles palmiers et troupeaux
donnent à peine aux tribus qui les habitent le moyen de ne pas
mourir de faim.
------Ainsi
la Colonie du Sud pourra avoir son budget propre, lui permettant de poursuivre
des programmes d'assistance et d'instruction des populations, le développement
économique, l'exploitation et l'extension de ses richesses.
-------Avec
son seul budget civil surtout alimenté par les impôts levés
dans les circonscriptions du Nord, la nouvelle colonie ne pourrait bien
entendu subvenir à des dépenses d'ordre impérial
et surtout à ses dépenses militaires. On décide qu'une
subvention annuelle lui sera globalement attribuée, au titre du
Ministère de la Guerre, pour couvrir les dépenses de solde
et d'entretien des forces d'occupation et assurer le fonctionnement des
divers services du génie de l'artillerie, etc... Dans ces conditions
il deviendra possible de suivre les dépenses militaires engagées
puisqu'elles figurent désormais dans un seul chapitre du budget.
-------À
vrai dire cette création rencontra surtout en Algérie de
nombreuses oppositions. Les Délégations Financières
ne, voyaient pas sans regret échapper à leur contrôle
financier de vastes contrées dont on pensait - à tort -
que les ressources pour la colonisation pourraient être considérables.
-------De
leur côté les trois départements avaient pris l'habitude
de voir leur budget enflé de recettes appréciables provenant,
à leur profit, de certaines circonscriptions des Hauts-Plateaux
et il leur semblait dur d'y renoncer.
-------Les
Délégations reçurent tout apaisement en ce qui concernait
la colonisation les départements obtinrent d'importantes compensations
pour les recettes perdues et la loi du 24 décembre 1902 qui est
la charte des territoires du Sud, fut ainsi votée. On verra, par,
la suite même de cet exposé, combien jusqu'à ce jour
cette création s'est révélée efficace.
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