CHAPITRE
4
-----Les
temps approchent cependant où la constitution d'un empire africain
français, comprenant et rassemblant les groupements épars
en Afrique du Nord, au Soudan et vers le Congo, apparaîtra comme
un objectif possible et guidera les efforts de tous les explorateurs,
des soldats et des administrateurs.
-----Tandis que Fernand Foureau,
au prix de neuf explorations dangereuses, prépare les voies et
les hommes à une nouvelle avancée dans le Sahara, - du côté
du Congo le comte Savorgnan de Brazza conquiert à la France de
vastes territoires sur les rives de l'Oubangui et du Chari, et il pousse
plus au Nord, jusque dans la haute vallée de la Sangha où
il entré en contact avec les Etats foulbés de l'Adamaoua.
-----Vers la même époque,
les généraux Borgnis-Desbordes, Archinard et Galliéni,
après avoir atteint la vallée du Niger en partant du Sénégal,
lancent des explorateurs d'avant-garde, les Monteil, les Binger, vers
l'intérieur de la Boucle du Niger et jusque vers le Tchad.
-----Toute cette fermentation,
d'initiative individuelle plus encore que de direction gouvernementale,
se traduit par un état d'esprit spécial. Le seul examen
de la carte indique l'objectif commun à atteindre pour les trois
groupes de possessions qui dans le même temps s'organisent, notamment
après la prise de la Tunisie, les campagnes du Dahomey et la pénétration
pacifique en Guinée, en Côte d'Ivoire et au Soudan. C'est
le lac Tchad qui marque le point de convergence virtuel de toutes ces
lignes de forces. Le grand explorateur Crampel, dans une lettre écrite
peu de jours avant sa mort, caractérisait ainsi l'objectif à
atteindre pour tous : " En dehors des résultats
directs qu'il peut avoir, mon voyage - que je réussisse ou que
je meure - sera le symbole de ce que la France doit exécuter dans
l'avenir... Il faut une formule simple et un fait qui la synthétise,
la concrète, pour ainsi dire. Eh bien ! la réunion sur les
bords du lac Tchad de nos possessions de !'Algérie-Tunisie, du
Soudan français et du Congo, sera cette formule et mon voyage sera
le fait symbolique. "
-----À Paris, le même
idéal commençait à se faire jour dans le magnifique
milieu colonial du moment dont Gabriel Hanotaux et M. Etienne, député
d'Oran et plusieurs fois ministre des Colonies, furent les directeurs
moraux et dont le Comité de l'Afrique française, créé
en 1890 par le prince d'Areriberg et Harry Alis et dirigé depuis
par ce secrétaire général incomparable qu'est Auguste
Terrier, fut le propagateur, par le moyen du célèbre bulletin
du Comité.
-----Des missions s'organisèrent
dans un esprit de fièvre ardente et déjà l'on indiquait
à chacune que l'idéal à atteindre serait la convergence
de tous vers le Lac Tchad.
-----Ce vaste mouvement d'opinion
donna naissance en 1898 à l'organisation simultanée de trois
grandes missions auxquelles était réservé l'honneur
d'aboutir au triomphe de l'Idée. C'étaient au départ
de l'Algérie la mission saharienne Foureau-Lamy - issue de Dakar,
la mission Afrique Centrale (d'abord mission Voulet-Chanoine) - enfin,
en provenance du Congo, la mission Gentil qui, dès 1897, avait
déjà réussi à faire flotter sur les étendues
du Tchad le pavillon français.
-----La mission Foureau-Lamy
eut un rôle essentiel dans la pénétration au Sahara
algérien. Elle démontra qu'au prix d'une organisation militaire
sévère et disciplinée, une petite troupe de 300 hommes
bien armés pouvait affronter sans crainte les pires périls
du désert.
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-----Les
deux chefs, Foureau, déjà connu par ses explorations dans
la région du Grand-Erg et de Temassinin ; le commandant Lamy, âme
d'explorateur et de soldat, animé par un noble amour de la gloire,
se rencontrèrent à Paris. Leur choix se porta sur des collaborateurs
d'élite : le capitaine Reibell, les lieutenants Rondenay, Britsch,
Métois, Verlet-Hanus, et tous ensemble partirent d'un cur
ferme vers la grande aventure où étaient tombés tant
de leurs prédécesseurs.
-----On sait au prix de quelles
fatigues et de quels dangers leur hardie tentative réussit finalement.
Les trois missions F'oureau-Lamy, Voulet-Chanoine, Gentil, parties vers
la fin de 1898 de leurs ports d'origine, Alger, Dakar, Libreville, trouvèrent
des embûches variées, eurent à livrer de nombreux
combats qui ne furent pas tous des victoires. En fin juillet 1899, en
particulier, il semblait bien que leur destin était réglé
dans le sens du plus misérable des échecs la colonne Foureau-Lamy,
égarée dans la plaine d'Irhaïen, était sur le
point de mourir de soif - l'avant-garde de la mission Gentil était
anéantie - la mission Afrique Centrale était arrêtée
par la plus horrible des tragédies.
-----Cependant, deux mois
après, la marche des colonnes reprenait vers le but, le lac Tchad,
et quelques mois plus tard, le 22 avril 1904, le commandant Lamy, chef
des troupes des trois missions enfin reconstituées et regroupées,
remportait à Kousseri, à quelques kilomètres du Tchad,
une victoire décisive qui soulignait de ses traits sanglants la
réussite finale.
-----Désormais la
question saharienne est entendue, Foureau et Lamy n'ont fait sans doute
que traverser le désert, mais derrière eux, la conquête
presque toujours pacifique des oasis sahariennes va être entreprise
par le capitaine Pein, les Cauvet, les Laperrine.
-----Derrière le premier,
après son entrée à In-Salah, d'autres colonnes d'occupation
se forment. Le Tidikelt tout entier est occupé en 1900 et dans
les années qui suivent le Touat et le Gourara tombent à
leur tour en notre possession après des combats insignifiants.
De telle sorte que dès 1902, l'Hinterland saharien de l'Algérie
se prolonge jusqu'à hauteur du Tidikelt, et qu'une vaste ceinture
de postes se constitue, joignant Colomb Béchar à Ouargla
par la Saoura, le Touat, le Tidikelt et Temassinin devenu Fort-Flatters.
-----C'est en 1902, que le
lieutenant Cottenest, après avoir fait, à la tête
d'un goum de quelque cent méharistes, une rapide reconnaissance
du pays Hoggar, est attaqué lors de son retour à Tit par
les troupes réunies de la confédération touareg et
leur inflige un sanglant échec.
-----Ainsi est dessiné
le canevas sur lequel vont être appelés à travailler
désormais les ouvriers de la deuxième heure, dont l'oeuvre
d'apprivoisement, de conquête morale, et d'organisation objective
est restée un modèle, nous voulons parler notamment du commandant
devenu plus tard général Laperrine, de ses auxiliaires du
début, commandant Cauvet, les Nieger, les Saint-Martin, etc.
-----Leur uvre, est
facilitée par une réforme capitale qui date de 1902 et à
laquelle nous devons ici consacrer un paragraphe à savoir la création
d'un organisme administratif nouveau : les Territoires du Sud algériens
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