mise sur site le 25-10-2003
-La pacification du Sahara et la pénétration saharienne (1852-1930)
CHAPITRE 2 : Les premiers rêves d'expansion saharienne- Le Cardinal Lavigerie
Cahier II du Centenaire de l'Algérie
par
le général O.MEYNIER
Directeur des Territoires du Sud
Publications du Comité National Métropolitain du Centenaire de l'Algérie
Alger, 1930
collection personnelle.

n.b : tous ces textes ont été passés à l'OCR, je ne les pas vérifiés minutieusement. Veuillez pardonner les erreurs éventuelles, vous pouvez même me les signaler.Merci
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CHAPITRE 2

-------C'est en 1864 qu'éclate l'insurrection des Oulad Sidi Cheikh, après la mort du bachagha Si Hamza Ben-Eddin. Elle débuta par l'anéantissement de la petite colonne de police du colonel Beauprêtre et dura près de vingt années. Comme notre alliance avec Si Hamza avait permis à celui-ci, en même temps qu'elle aidait notre pénétration, de consolider matériellement une autorité et un prestige jusque-là demeurés plutôt spirituels sur 1 e s régions situées au sud de Constantine, l'insurrection des Oulad Sidi Cheick se répandit comme une traînée de poudre jusque dans l'extrême Sud algérien et même vers Touggourt où elle allait demeurer endémique jusqu'à l'occupation militaire de ces oasis.
-------La guerre de 1870-1871 vint encore paralyser notre action et si elle n'empêcha pas les belles expéditions du général de Colomb et du général de Wimpffen (1870). poussées, pour l'un, jusqu'à
Figuig et pour l'autre, jusque dans l'Oued Cuir aux environs d'Abadla, et si, d'autre part, elle ne put arrêter la marche étonnante de Gallifet qui put atteindre sans trop de difficultés El-Goléa et rentrer par Ouargla (1873) - tout au moins empêcha-t-elle notre occupation militaire et notre mainmise économique de progresser au sud des limites déjà atteintes dans la précédente période
-------À l'intérieur de ces limites, continua toutefois notre œuvre d'organisation et d'équipement technique, notamment dans l'Oued Rhir qui prend, avec l'entrée en ligne des premiers planteurs européens, un développement inattendu. L'idée de la mer intérieure de Roudaire est lancée à ce moment et si elle se démontre, à l'étude, dépourvue de bases pratiques, du moins, témoigne-t-elle de l'intérêt que l'on commence à porter en France aux contrées sahariennes.
-------Parmi les initiatives individuelles qui s'attachèrent dans cette période à encourager la reconnaissance du Sahara et son attraction vers la France, on ne saurait sous-estimer celle du cardinal Lavigerie, qui domine les autres de toute l'ampleur de sa vaste intelligence et de son idéalisme chrétien.
-------Le cardinal Lavigerie a été, pendant le XIXè siècle, la personnalité la plus forte et la plus marquante du monde catholique français. À une âme d'apôtre, imprégnée d'un esprit de prosélytisme qui pouvait n'être pas toujours sans danger, il joignait le caractère d'un soldat conquérant. Avec son esprit clairvoyant de grand Français, il avait deviné l'importance de premier ordre qu'aurait pour la France la possession de l'Afrique noire de l'ouest et, par delà le Sahara, il entrevoyait les riches plaines soudanaises comme devant former le complément de l'Algérie. Il croyait, par sa formation de prêtre, que le principal obstacle à sa pénétration, la France le trouverait dans l'islamisme; il voulait lancer des missions parmi les populations musulmanes et dans les tribus païennes, missions qui, en même temps, conquerraient pour la France de vastes territoires; et il se flattait d'amener au culte catholique des hommes acquis à l'islamisme. On sait que sur ce point le gouvernement dut nettement limiter son activité spirituelle.

 


-------L'idée première des Pères Blancs du Sahara résulte de ces conceptions - et puisqu'aussi bien l'initiative gouvernementale, à ce moment assoupie, paraissait se désintéresser des régions méridionales de l'Algérie, il pensa pouvoir, avec le corps ardent des missionnaires qu'il avait formés à son image, faire précéder les armées du gouvernement de la France par les soldats du Christ.
-------Il pensait peut-être, d'après certains récits de Barth, de Vogel, de Duveyrier, que ses missionnaires rencontreraient partout un accueil favorable ou tout au moins qu'ils ne se heurteraient pas à des hostilités déclarées. Or, aussitôt que les premières de ces missions, quittant les régions occupées, s'enfoncèrent dans le Sahara, leurs projets furent dénoncés par les marabouts musulmans; il n'était guère nécessaire d'exciter l'ardeur guerrière des pillards sahariens qui accueillirent avec joie cette manière de gagner le ciel en réalisant de fructueux pillages. Les premiers, les pères Paulmier, Minoret et Bouchard, furent assassinés tout près d'Hassi Inifel. Quelques autres meurtres, survenus après le succès du voyage à Ghadamès et aux régions Ajjers des Pères Richard et Kermabon, vinrent sinon éteindre, du moins rendre plus circonspect le zèle de ces néophytes. Mais les travaux qu'ils rapportèrent, et le bruit même fait autour de leur mort, servirent la cause de la pénétration française à laquelle d'autres explorateurs comme Soleillet, Dournaux-Duperré, les capitaines Mircher et de Polignac, l'explorateur Largeau, apportèrent aussi leur contribution.

-------L'esprit primitif de propagande religieuse et de conquête morale qui avait soulevé la grande âme du cardinal Lavigerie n'a pas été perdu. Les vocations pour la congrégation qu'il a fondée se manifestent chaque jour plus nombreuses et les Pères Blancs ont repris avec méthode et circonspection œuvre de pénétration morale entreprise par le fondateur de leur ordre.
-------Il me souvient d'avoir connu vers 1896, à Tombouctou, un Père Blanc, à l'esprit fougueux et à l'âme généreuse, qu'on fut obligé d'arrêter au moment où, un fusil à la main, il poursuivait un notable musulman qu'il accusait d'avoir vendu une de ses esclaves noires. Dans un autre ordre d'idées, il suffit d'entendre les paroles du grand chef actuel de l'ordre, le R. P. Voillard ou bien du Métropolite de Carthage, Mgr Lemaître, pour se rendre compte que la bonne semence n'a pas été perdue. Toutefois il faut rendre cette justice aux Pères Blancs qu'ils ont désormais et depuis longtemps renoncé à tout esprit de propagande confessionnelle pour se réfugier dans des œuvres de charité et d'enseignement professionnel et agricole, et que, admirablement secondés par les Soeurs Blanches de Notre Dame d'Afrique, ils ont repris sur d'autres bases les projets du grand Cardinal. Par leurs œuvres d'éducation surtout professionnelle, de développement économique, de pure charité ils ont conquis des droits à l'estime de l'administration et à la reconnaissance des populations même musulmanes. Ces résultats sont bien de l'inspiration du grand prélat français