mise sur site le 10-08-2003
-L'Algérie touristique : chapitre 3
EAUX THERMALES EN ALGÉRIE
Cahiers du Centenaire de l'Algérie, n°V
Publications du Comité National Métropolitain du Centenaire de l'Algérie
Alger, février 1930

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CHAPITRE III

EAUX THERMALES EN ALGÉRIE

------La prodigieuse richesse de l'Algérie en eaux thermominérales est connue depuis bien longtemps et l'efficacité de ces eaux est bien établie. Des sculptures découvertes à Hammam Meskoutine établissent nettement qu'à l'époque punique un établissement balnéaire important existait à cet endroit.
------Mais ce sont surtout les Romains qui tirèrent parti des sources thermales et minérales existant en Algérie. Les ruinés multiples, dont quelques-unes sont grandioses, que l'on trouve au voisinage des sources, indiquent l'importance que les Romains ont donnée aux thermes qu'ils ont construits. L'on sait qu'ils attribuaient de grandes vertus thérapeutiques à l'usage des bains et plus spécialement des bains chauds; aussi ont-ils souvent bâti des villes importantes à proximité des établissements thermaux qu'ils utilisaient. Dans l'art de la captation et de la canalisation des eaux, ils sont restés incontestablement nos maîtres, sur cette terre africaine..
------Après la chute de l'Empire, les thermes furent abandonnés ou même démolis par les envahisseurs, qui en utilisèrent les débris pour construire des habitations. Pas une seule piscine n'a été créée ou réparée par eux.
------Pendant l'occupation française, les médecins militaires, frappés de l'abondance des eaux thermales et minérales, cherchèrent à utiliser ces sources pour leurs soldats malades, fiévreux ou blessés. Sur leurs instances, le Génie Militaire répara plusieurs piscines anciennes. Des constructions en planches furent aménagées et l'on créa, autour de certaines
sources, un véritable camp, où les malades et le personnel couchaient sous la tente.
------Plusieurs médecins militaires s'attachèrent tout spécialement à l'étude de cette importante question. Les noms des docteurs Rotureau et Bertherand sont bien connus. Ce dernier notamment étudia et classa, dès 1860, 90 sources thermo-minérales en Algérie.
------Ces travaux de recherches furent repris par le Service des mines qui indiqua 174 sources. En 1911, le Gouvernement Général de l'Algérie chargea le docteur Hanriot, professeur agrégé de la Faculté de Médecine, d'étudier, sur place, les eaux minérales, de les analyser et d'en préparer l'utilisation. Un important mémoire, abondamment illustré et publié par les soins du Gouvernement Général, fit connaître les travaux effectués par le Docteur Hanriot.
------Il est juste de dire que si les Arabes n'ont rien fait pour aménager les sources et créer des piscines, ils ne méconnaissent pas pour cela l'utilité et les bienfaits des eaux minérales. Ils les ont utilisées pour suivre des cures faites à leur façon, tout en se conformant à des pratiques religieuses ou superstitieuses remontant au moyen âge. Ils brûlent des cierges en l'honneur du marabout qui est le protecteur vénéré du lieu. A proximité immédiate de chaque source, il y a presque toujours un arbre sacré " marabout ", aux rameaux duquel ils suspendent des lambeaux d'étoffes de toutes les couleurs, qui donnent à cet arbre un aspect singulier.
------Presque chaque source a sa légende particulière, mettant en lumière la puissance du marabout honoré en cet endroit et indiquant les miracles qu'il a effectués en ce lieu. Il faut ajouter que l'Arabe estime que le traitement thermal est tout aussi indiqué pour ses animaux malades que pour lui-même et les membres de sa famille. On voit donc fréquemment des animaux pelés, galeux, très bas d'état, conduits, avec une amulette au cou, dans la même piscine que les hommes.
------Les Arabes ne s'intéressent qu'aux eaux minérales chaudes ; ils dédaignent les eaux minérales froides. Il y en a cependant en Algérie un bon nombre, qui pourraient être utilisées comme eaux de table et qui se perdent dans la rivière, sans que personne s'en occupe.
------La répartition des eaux thermo-minérales, en Algérie, est très irrégulière. Ces sources augmentent en nombre au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'est. Cette répartition semble suivre celle des gîtes métallifères. C'est ainsi que l'on compte une vingtaine de sources minérales dans le département d'Oran, environ 40 dans celui d'Alger et 150 dans le département de Constantine.
------Le service des Mines a classé les sources des trois départements en sources sulfureuses, ferrugineuses, alcalines, salines, chlorurées sodiques, sulfatées, ferrugineuses, carbonatées sodiques, etc... ------Cette classification n'a d'ailleurs rien d'absolu et le classement de certaines sources peut varier selon l'importance que l'on attache à tel ou tel sel minéralisateur.
------Dans une étude aussi sommaire sur l'Algérie, il est impossible de passer en revue toutes les richesses thermo-minérales de la colonie. Je me bornerai à indiquer les sources les plus connues, les plus réputées et celles qui pourraient être utilisées immédiatement. Je les classerai par espèce, et, dans chaque espèce, par département.

I. - Eaux sulfureuses
Département d'Oran

------Source d'Aïn Nouy, à 14 kilomètres au sud de Mostaganem, sur la route de Perrégaux. Très fortement minéralisée. Les indigènes l'appellent " Eau miraculeuse ". Établissaient ancien, insuffisant.

Département d'Alger

------Hammam Berrouaghia. Sources très importantes à 6 kilomètres de la gare de Berrouaghia. Une route carrossable relie la source à la gare. Les sources sont dans une gorge profonde, très boisée, à l'altitude de 900 mètres. La principale source a une température de 44° et un débit de 60 litres à la minute. Eau sulfureuse sodique, fortement alcaline - très efficace dans les affections cutanées.

Département de Constantine

------Hammam et Biban: non loin du fameux défilé des Portes de Fer et à 6 kilomètres de la gare. Très sulfureuse, très abondante, à une température de 90°, est supérieure à celle de Barèges. Très appréciée des indigènes.
------Hammam Salahin : source très importante à 8 kilomètres de Biskra. A un débit d'environ 1.400 litres à la minute ; sa température est de 45°. Est appelée à devenir une station thermale de tout premier ordre, en même temps qu'un centre d'hivernage très fréquenté.
------Il existe une piscine pour les Européens et une pour les indigènes. Est incontestablement supérieure à Barèges. Deviendra une station à la mode quand elle aura été aménagée.

II. - Eaux ferrugineuses

Département d'Alger

------Sources de Teniet-el-Had : Dans la magnifique forêt de Cèdres de Teniet-el-Had, on trouve quantité de sources ferrugineuses qui peuvent être employées comme eau de boisson. L'une des plus minéralisées est celle de la maison forestière de Ourten. Étant donné la beauté exceptionnelle du paysage, la salubrité du site et la facilité d'accès, on peut prévoir la création, dans cette forêt, d'une station estivale qu'un établissement thermal pourrait compléter ultérieurement.

III. - Eaux alcalines

Département d'Oran

------Hammam Bou Adjar : Centre important relié à Oran par un tramway (72 kilomètres) et à 21 kilomètres de Aïn Témouchent. Ses eaux jouissent d'une réputation justement méritée, pour le traitement des rhumatismes, névralgies, sciatiques, etc. Les sources sont très nombreuses et disposées en amphithéâtre autour d'une ligne de collines placées en fer à cheval.
------Hammam Bou Hanifia : à 20 kilomètres de Mascara. Sources très appréciées et très fréquentées. Sont visitées, chaque année, par une vingtaine de mille Arabes et 4 ou 5 mille Européens. Cette station a de l'avenir.

 

 

Département d'Alger

------Bou Haroun : à 8 kilomètres de la gare de Dra-el-Mizan. Sa température n'est que de 16 degrés; l'eau peut ainsi être embouteillée. C'est une des eaux alcalines les plus actives de l'Algérie.

Département de Constantine

------Takitount: à 41 kilomètres de Sétif, sur la route de Sétif à Bougie. C'est la plus intéressante des eaux alcalines froides de l'Algérie. Elle présente la composition de l'Eau de Vichy réduite de moitié. Elle est utilisée à peu près uniquement comme eau de table. L'eau de Takitount est réellement médicamenteuse et combat avec succès les troubles gastriques provoqués par les chaleurs estivales.
------Aïn Sennour : à 11 kilomètres de Souk Ahras. Eau froide alcaline, excellente ; elle est utilisée comme eau de boisson dans les hôtels.


IV- Eaux chlorurées sodiques
Département d'Oran

-----Bain de la Reine : C'est peut-être le plus ancien établissement de l'Algérie. Il est situé à Mers-el-Kébir, à 3 kilomètres d'Oran. La source débite 60 litres à la minute. à une température de 550. Ces eaux sont très efficaces contre le rachitisme. Suivant la légende, le nom de " Bain de la Reine " proviendrait de ce que la mère de Charles-Quint, Jeanne la Folle, y a séjourné.

Département d'Alger

-----Hammam Melouan : C'est la station thermale la plus proche d'Alger. Elle en est distante de 40 kilomètres et est à 7 kilomètres de Rovigo. Cette source peut 'facilement remplacer les eaux de Salins-Moutiers et de Brides-lesBains. On y soigne avec succès les mêmes affections. Elle offre toutes les ressources thérapeutiques de l'hydrothérapie chaude et salée. Une fois convenablement aménagée, cette station deviendra certainement une des principales stations thermo-minérales de l'Algérie.

Département de Constantine

-----Sidi M'Cid : A l'entrée du ravin de Rummel, aux portes mêmes de Constantine. Son débit est de 4.000 litres à la minute et sa température d'environ 30°.

V. - Eaux sulfatées
Département d'Alger

-----Hammam R'hira : Cette station est à 12 kilomètres de la gare de Bou Medfa et à 100 kilomètres d'Alger. C'est certainement l'une des plus connues et des mieux aménagées. Il y a un grand nombre de sources, la plupart thermales, d'une température variant de 42 à 50 degrés. On trouve aussi deux sources froides ferrugineuses et gazeuses, utilisées comme eau de table à l'établissement. Il y a plusieurs hôtels, des piscines, des salles de bains aménagées. Ces eaux sont indiquées dans toutes les maladies comportant le ralentissement de la nutrition, dans les manifestations arthritiques et goutteuses, dans les rhumatismes, les paralysies, etc... Hammam R'hira reçoit chaque année au moins 20.000 baigneurs tant européens qu'indigènes.

VI. - Eaux ferrugineuses carbonatées
calciques

Département de Constantine

-----Hammam Meskoutine : Cette station est actuellement la plus florissante de l'Algérie et ses eaux sont les plus chaudes (950). Elle est située à 18 kilomètres de Guelma, sur la voie ferrée de Constantine à Tunis. Les Carthaginois, puis les Romains, ont utilisé ses eaux ; ils ont construit des thermes, des piscines et des villas.
-----Il y a huit groupes de sources. Leur trop plein forme une superbe cascade qui a plus de 100 mètres de long et 30 mètres de hauteur. Le débit total des sources est évalué à 3.600 litres à la minute. Ces eaux sont particulièrement efficaces dans le traitement des rhumatismes, de l'arthrite, des névralgies, des sciatiques, etc. De nombreux baigneurs fréquentent cette station; on y remarque beaucoup d'étrangers qui y viennent passer l'hiver, le climat y étant relativement doux et l'altitude modérée.

-----Ainsi qu'il est facile de le constater, l'Algérie contient en abondance des sources thermo-minérales de compositions très variées et répondant à tous les besoins de la thérapeutique moderne. Il est infiniment probable que la plupart de ces sources sont radio-actives : les études, à peine ébauchées, permettent de le croire. Il est donc évident que la plupart des habitants de l'Algérie pourraient trouver, sur place, dans la colonie, les eaux minérales dont ils ont besoin, sans être tenus à un déplacement long et coûteux pour se rendre en Europe. D'autre part, il serait possible aux malades, n'habitant pas l'Algérie, de venir, ici, suivre au cours de l'hiver, les traitements auxquels ils sont obligés de renoncer à cause de la saison, toutes les villes d'eaux de la Métropole et de l'Europe fermant leurs établissements pendant la saison froide.
-----L'Algérie possède donc une source importante de richesses avec ses eaux minérales, qui peuvent compléter, voire même suppléer, les eaux minérales du continent européen, au cours de la mauvaise saison.

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N. B. - Les renseignements contenus dans ce chapitre ont été puisés dans une étude de M. Ehrmann, préparateur de géologie à la Faculté l'Alger.
-----Cette étude, à laquelle de fréquents emprunts ont été faits, a paru dans le Bulletin de la Société de Géographie d'Alger et de l'Afrique du Nord, 1er trimestre 1922, n° 87.