CAGAYOUS CONTRE
CAGAYOUS
La rimille million de... sa grand'mère,
de sa mère et de sa cousine, à çuilà qu'il
a envoyé l'argent qu'il est à moi à ce fant d'Apolitain
de m... qu'on l'y dit Cagayous et qui s'appelle pas comme ça !
Oilà ce qui m'a dit un homme que jamais il a sorti une tchalèfe
ni aucun embrouillage de sa bouche.
Ce mesloute là il a pris le billet dans la loterie spagnole qui
s'a gagné 1.700 douros et y s'a empoché l'argent dedans
sa boudjaque à lui sans dire rien à personne.
Le numéro y s'appartient à Cagayous et Cagayous c'est moi,
basta, pourquoi mon père et ma mère y s'en a pas fait un
autre.
--- C'est volé ça, oui ou non ? Allez, parlez !
Moi, quand c'est on m'a dit ça, le sang de la tête y me descend
dans les boyaux, vlou ! Tout de suite j'a été à trouver
le commissaire de poulice et j'y parle qu'on me fait rendre l'argent.
Alors le commissaire y s'écrit mon nom dessur un papier et y commence
me demander où je reste, ça que je travaille, combien j'ai
des ans et je sais pas quoi.
- Ho ! vous savez, vous faisez pas procès- verbal à moi
que je fais rien. Empoignez l'autre, je dis pas, et f... le à la
boîte, ça me régarre pas. Moi, ça que je veux,
c'est qui me rend l'argent qui s'a gagné pour moi à la loterie.
- Vous aviez un billet ? qui me dit le commissaire.
Qué, un billet ! Moi j'a rien. C'est lui qui s'a pris un numéro
dessur le nom qu'il est à moi, et à cause de ça,
il a sorti premier coup.
-- Voyons, spliquez-vous, y me parle ce commissaire de misère,
qu'il a la tête pareille un bourro d'Espagne.
- Attendez. Moi je m'appelle Gagayous, vous pouvez demander à tous,
bon. Lui, l'Apolitain, y s'appelle je sais pas comment, et à cause
que ce nom-là il est taïeb, chouette et tout, y se l'a raboté
sans que personne il y donne la permission.
- Très bien. Et puis après ?
-- Après, y s'a pris un billet dans la loterie spagnole, qu'il
a gagné 8.500 francs et y s'a gardé l'argent pour faire
la fête. Maintenant
y s'a acheté un paletot comme un Anglais, chapeau neuf, la canne
grosse qu'en dessus c'est du liège, bottines de lastique, et encore
des autes choses. A tous ceuss-là qui travaillent à la Pêcherie,
y paye tant qu'on veut à boire à la cantine qu'elle est
à côté de la porte...
- Mais c'est son droit ! qui dit ce calamar de commissaire en m'embaraquant
la bouche.
- Atso ! quel droit qu'il a de boulotter l'argent de le monde. Une supposition
que moi je m'en vais à le bureau où c'est qu'on vous paye
la quinzaine, et que je dis que c'est moi le commissaire d'ici. Ça
c'est le droit. Troisquatre-cinq c'est, pas pluss.
- Ce n'est pas la même chose, qui parle ce fatche de rotancoul,
que si je me retiens pas à cause qu'on me colle au bloc, j'y fais
rentrer la pipe dedans la paillasse.
- Alors, quoi c'est je gagne moi ? Peau de balle ?
Laissez, ça va bien. Pisque vous voulez pas qui me rend l'argent
qui s'a volé, moi j'envoie une lettre à le Président
de la République, et si on s'attrape pas l'Apolitain que je dis,
moi tout seul j'y fais ch... la monnaie.
Allez, arobar !
LE RHUME
L'aut' jour je me vois un' gonzesse,
Rouge pareille un abricot.
Du premier coup, je me l'encaisse.
Atso !
L'argent il est dedans la poche ;
Qui c'est qui dit je connais pas ?
Avec un oeil je me l'accroche.
Vingà ?
J'y parle : viens, faisons la fête
Dans la calech', dans le bateau,
Moi je te sors une cachette,
Gousto !
Elle y se met à dir' des choses
Qu'on vient maboul, tonto, baba ;
Y me parle des plum's, des roses,
Saouna !...
Aile ! pas besoin on se gêne,
Je m'ai trouvé un chic hôtel
Où c'est qu'on couche à Saint-Ugène,
Batte! !
Après je fais demi-courage,
Je me l'engantche par en bas
Et tous les deux côté la plage
Scapa !
Nous rentrons dans un' magataille,
Oùsque personne rien y voit,
Je me commence une bataille...
De quoi ?
J'ai pas le droit sucer la pomme
Une miquett' quand c'est j'ai chaud
Qu'est-ce que je suis ? j'suis pas un homme ?
Christo !
Aï que rire ! Ell' s'a mis tout' nue
Pour nager dans la mer, ouapa !
Et le soir ell' s'a revenue,
Tchispa !
Maint'nant rien je bois, rien je fume,
Pourquoi le méd'cin y veut pas
A caus' que je me tiens un rhume...
Taïba !
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GRAND KOUSKOUS
Un nouveau débarqué que je
l'avais emmené voir les rues de la Casba, les cafés maures
et tout, il a voulu nous payer le kouskouss à tous chez un Arabe.
Y avait moi, Gasparette, Embrouilloun, Bacora et le mecieu que je dis.
- Aoùsque nous allons ? y demande l'homme, moi je connais pas les
endroits de ce pays, pourquoi jamais j'ai venu ici.
Embrouilloun qui se tient une langue que toujours il y chatouille la pointe,
y commence parler, parler, pareil une...
D'un coup de coude dans la potrine je me l'embaraque et j'y dis au mecieu
que je me connais un restaurant arabe véritable, là oùsqu'on
mange tout ça qu'on veut, pluss mieur que dans n'importe quel hôtel
osquinfe d'Alger.
- Allons ! y dit l'homme que je sais pas son nom, mais que pour sûr
il est riche la même chose un mylord.
Oilà nous marchons par en bas et nous rentrons après en
dessous les arcades de la rue de la Marine, chez El Hadj, que tous ceuss-là
qui font le goût y savent.
- Saha Cagayous !
- Ho ! El Hadj. Ça va bien aujourd'hui. Le ventre y rentre plus
de l'eau ?
(J'y parle comme ça pourquoi le pôvre y se tient une maladie
qu'on l'appelle dropique et que l'eau jamais elle sort.)
Lui y fait b'cliouya, comme ça, vec la main, et pis après
y demande quoi c'est qu'on veut manger.
Moi, d'un coup de j'y fais voir le Mecieu qu'il est vec nous autres, et
j'y dis qui nous sort quèque chose de première classe, serviettes,
verres, bouteilles de vin, la glace, syphons et toute la rochilderie des
casseroles.
---- Ti as pas peur, nous faisons un coup de la " Régence
". Rien y manque. Monte la carte, toi, Cagayous. Tout ça que
tu veux, tu manges.
Alors moi, je commande kouskouss au beurre, complet, fort qu'on se lève
les cheveux en l'air et pis... (mais ça ça vous régarre
pas !) Après une chlithra, un coup de poissons frits, bazougs,
mendjacaga, sardines, un concombre naturel chacun, des olives, six tranches
de pastèque, sept ou huit douzaines de figues Barbarie, cafés
maures et après marche la route.
- Ça va bien, y dit El Hadj.
Nous attrapons une table grande et un garçon arabe y vient mettre
les assiettes, les forchettes et les autres choses, et oilà le
kouskouss qui s'amène que l'odeur y vous fait la Saint- Joseph
dedans le nez. Par force on jouit.
Pour faire l'honneur, moi je remplis, premier l'assiette du Mecieu ; je
m'arrange une bouzaria dessur la mienne et je laisse que les autres y
se sert comme c'est qui veut.
Tout d'un coup, ces crève de faim de Bacora et d'Embrouilloun,
qui t'ont pas honte de rien, y se mettent à faire dispute pour
attraper la marmite à cause qu'y en a pluss.
- Vous avez pas fini faire le potin, spèces de voyous ! Apariez
qu'aucun de vous autres y mange, si je veux pas !
- Moi j'a dit : " dernier " avant lui ! y parle Bacora.
- C'est pas vrai, c'est moi ! y dit Embrouillotin, tous y sont témoins.
- Allez ! basta ! Faisez demidjès toi et lui, et laissez que cet
homme-là y mange tranquille, autrement moi je vous jette. Vous
avez compris, hein ?
.Le mecieu, quand y s'a mangé trois ou quatre cuillers de kouskouss,
y commence à venir rouge, à faire hâââ,
hâââ, ouvrir la bouche et sortir le mouchoir.
- Vous aimez pas le kouskouss ?
Y me répond qu'il aime un peu, mais que ça li brûle
la peau de la bouche pourquoi il a pas l'habitude.
- Faisez demi-courage, que !
Aouah ! Lui y veut rien savoir et y demande qu'on y donne une autre chose.
J'y appelle à El Hadj pour qui porte une assiette de chtithra au
mecieu, et minute après le garçon arabe y vient avec.
Pendant ce moment-là, Gasparette y s'embrouille doucement le kouskouss
de l'homme et vingà de se l'enfiler grande vitesse pour pas que
Tape-à-l'oeil y li en vole.
Justement moi que je voulais me le prendre !...
Challah qui s'étrangle vec un os !
Je sais pas ça qu'il avait le mecieu que je parle, rien il a voulu
manger. J'y dis qui se goûte le concombre, y veut pas ; la pastèque,
y veut pas. Amane !
Tout d'un coup il y vient le mal à la tête et y demande la
permission partir. Oilà qu'il appelle El Hadj, il y donne un billet
de 20 francs, y me touche la main et adios !
Qué type c'est çuilà-là ?
- Pourquoi ce Parisien de fantasie il a pas faim, nous mangeons pas nous
autres ? Alors oui ! El Hadj ! donne la monnaie ici et porte à
bouloter, porte !
El Hadj y m'aligne douze francs et huit sous et nous recommençons
à caler les joues.
Après le kouskouss, nous avons bu un pot de l'eau fraîche
pour qui descend bien. Mais quand il a venu les autres choses, le vin
tout le temps y marche !
A la fin, Embrouilloun y se f... à dormir dessur la table.
Tape-à-l'oeil et Bacora y chantaient des chansons de la marine,
et ce fant de garce de Gasparette est-ce qui commence pas à pleurer
comme si son père y serait mort !
Reusement tout le Inonde il était parti de le restaurant pourquoi
minuit il était pas loin.
Pour qu'aucun y soye jaloux, j'y allonge une castagne à Embrouilloun,
une castagne à Bacora qu'il y ferme la boîte, une à
Tape-à-l'oeil qu'il y bouche l'autre oeil. Et auprès je
m'empoigne Gasparette par la peau du... et je me l'envoie de tête
milieu les arcades.
- Allez, bonsoir El Hadj et la compagnie.
Embrouilloun, Tape-à-l'oeil et Bacora y z'ont parti par en bas,
et moi et Gasparette par en haut.
En route, Gasparette que tout le temps y pleurait, y me parle que la pantcha
elle lui fait mal et qui se tient envie de...
- Pour ça que tu pleures ? Rentre dans une maison et lâche-toi
tout ça que tu veux, spèce de... !
-- Si la poulice y m'empoigne après ?
- Moi je te siffle si elle vient. Allez, ya, naz de carcan !
- Non, je veux pas ! Marchons dans la rue Trois-Couleurs, je me connais
un endroit, taïba.
Je vais comme y dit lui.
A côté une porte, Gasparette y se pose vite, et comme il
avait la tasse, y s'attrape une corde que c'était une sonnette.
Aïe, aïe, aïe ! qué coup !
Un homme y rouvre la porte en dedans et mon Gasparette qui se tenait plus
en errière, y s'engalife en plein, de c... dans sa gargaria.
Moi, je m'ai cavalé pour pas qu'on me serche des histoires que
ça me régarre pas.
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