CANDIDAT
Voir moi combien du monde y se mêle
à présent de vouloir commander à les autres dedans
les affaires qu'on se travaille à la Mairerie ! Tous y se croyent
capables de marcher à côté le Maire, et pas un il
est f...0 de dire quoi c'est : c'est un zocco de carnation !
La blague, basta !
L'aute dimanche, quand je m'ai lu les affiches, qu'elles étaient
pluss rouges que je sais pas quoi, ma parole du vinaigre y me monte dans
le nez de tant que j'avais le boeuf.
Amane ! d'oùsqu'y sortent ceuss-là qui se mveulent aelneg.
engantcher à le timon de la gossette municipale.
Apariez tout ça que vous voulez qu'aucun y sait, sans traboquer,
voguer un coup ou deux dans sa pastéra à lui ! Maintenant
ceuss-là
qui font les chapeaux, ceuss-là qui coupent les douilles aux hommes,
ceuss-là qui font cuire les tomates - quand c'est le temps - dedans
la casserole, y z'ont le goût de monter gouverneurs.
- Tiens ! (Un geste.) Attrape çuilà, mets- toi dans les
dents et cours avec!
Faisez entention à ça que je dis, moi : A l'aute coup des
élections, n'importe pour quoi ça sera, touss les marchands
de fromadgeots et des oursins, les fourachaux des blocs, les espartéros
et pis ceuss-là qui se tortillent les mèches de fouets vec
les cheveux des loès, y se sortent des affiches pour qu'on se les
nomme grands Salaouetches du Gouvernement.
Pourquoi non ! Qui c'est qui l'empêche à eusses ?
Moi aussi, allez ! je me sarge une affiche pour moi tout seul, vec un
tas de tchaliffes que tous par force y m'envoyent à la Chambre
des
Putés premier coup
A ceuss-là qui se veulent pas que les fortifications y soyent cassées,
à cause que le gargal plus fort y souffle dessur les maisons, j'y
laisse un morceau tant grand qu'on voudra.
A les autres que tout le temps y gueulent qu'on s'enlève pas ces
murs qui sert à rien du tout, j'y f... un coup de la dynamite par
en dessous, toc ! que toutes les pierres elles sautent en l'air et que
jamais personne y sait oùs?
qu'elles seront f...u le camp.
Après à tous j'y dis qu'on y met de l'eau dans la maison,
battel !
Que la poulice y donne la permission qu'on joue à l'argent : à
la tchappe, à la raie, à la mora, au tchik-tchik, aux cartes
spagnoles, au tourniquet, comme on veut
Que le tréàtre pour rien y joue.
Que çuilà qui veut rester dans une maison du Boulevard,
pour une pièce de trois ou quatre francs par mois reste tant qui
lui fait plaisir.
Que çuilà qu'il a pas le pantalon, la chemise ou le chapeau
pour les dimanches, le gouvernement il y achète tout ça
qui faut.
Que ceuss-là qu'il y passe ar la tête de se goulper un verre
ou deux dep la crème, per- sonne y l'empêche et que rien
ça coûte.
La même chose pour ceuss-là qui z'ont envie bouloter un khoubisa,
un ou deux bougnols des arabes, des zlabias, des blabis, de la m... de
cheval que c'est bon pareil le miel, un morceau de foie, des ventails
de sardines, un cornet de patates frites et tout ça qui font cuire
les juifs et pis les arabes en dessous le passage Mantout et dans les
autres endroits que tous y connaissent.
Je me sors encore beaucoup des autes choses que je m'en rappelle plus,
mais que bessif le sucre y vous monte dessur la langue, de goût.
Après, quand je serai été nommé dans la place
que j'ai dit moi, j'y lâche un p... à tous et vingà
de faire le kif moi tout seul dedans Paris.
Oilà la polétique de nous autes ?
EN ESPAGNE
Grand kif ! Nous sommes été
à Valence moi et un tas des autes et six jours nous avons fait
la fête dans l'Espagne.
Allez ! vous voulez que je vous raconte tout ça que nous avons
fait ? Disez : chiche ! De tant de goût qui vous monte dedans la
tête, par force vous partez par là-bas quand le bateau y
va core une aute fois.
Valence c'est un pays qu'il est grand le même chose que si vous
mettez ensemble Alger, Blida, Moustapha, Boufarik et pis encore trois
ou quatre des autes villes d'ici. Seurement les maisons elles sont pas
tant serrées, ça fait que les rues plus grandes elles sont.
La terre elle est toute plate et à chaque moment y vous sort une
église que la plus fouraïne elle se mange la Cathédrale
d'Alger.
Mais ça qu'il est pluss joli de tout et que
jamais les mesloutes qui se commandent ici y sont f... de faire, c'est
la chose qu'on l'y dit la féria.
Saouna ! que riche ! Des maisons que celles là du Gouverneur y
peuvent se taper à côté d'eusses, pleines de chiffons
en soie, avec des osquinferies en or, des herbes qui coûtent cher,
de rectricité par en haut, par en bas, par en côté,
que vous avez honte monter dedans si vous avez pas le gibus et la rnontre.
Après y a la course de taureaux véritable, où c'est
qu'on s'escarminte des chevals à coups de corne en dedans la pantcha,
que même les boyaux y se f... le camp la même chose un paquet
de la corde.
Moi, si ça serait pas été à cause que ça
coûte trop cher, tous les jours je m'amène à la Plaza.
Pas pour dire, hein ? les toréros de ce pays-là y s'en sortent
pour travailler 1
Y en a un qu'on l'y dit Guerrita qu'il a gagné trois millions
avec les taureaux. L'aute qu'on rappelle Bombita et qu'il est jeune,
il attaque qui y veut pour le courage et la malice.
L'ante jour d'un peu de plus le taureau y me l'ouvre comme une carabasse.
Aïe qué rire ! Sa chemise elle a été déchirée
par en devant et tous y s'a f... à crier : Bravo toro Mais
ce fant de... de Bombita quand même il a marché dessur le
taureau et premier coup y me l'a étendu.
Vous parlez des taureaux qui sont méchants, gros et tout !!! Caramba
! je fais le pari avec çuilà qui veut qu'un taureau de Miura,
un,
basta, si on le fait rentrer dedans la cage de M. Massérini, y
reste pas un lion ni une panthère dans une minute. Qu'est-ce que
c'est un lion à côté, un lion encore qu'il est apprivoisé
pareil un chien ? D'un coup de corne, le taureau que je dis moi, y me
l'envoie par dessus la Bouzaria.
A peine y s'a sorti de le toril, brrrou ! brrrou ! y baisse la tête
et y commence enlever trois chevals avec les picadors dessur et y me les
f... à dix mètres en l'air. Qué bouillabaisse : les
hommes y s'avaient engantchés dedans les boyaux et les chevals
y tapaient des coups de pied avant mourir. Après le taureau y saute
contre las planchas et y m'y colle un asting qui l'y fait un trou que
la main y rentre.
Vingà ! demi-tour, y se voit les chevals par terre et comme y se
croyait qui z'en avait pas assez, toc ! dans le c... à çuila-là
; toc ! dans la potrine de l'autre ; tchof ! una cornada numéro
ouahad dans la barique crevée du cheval d'après, qui s'en
a fait une marmelade !
Touss les toréros qui s'avaient f... le camp y rentrent et y jettent
la cape au taureau pour qu'il y tourne la tête et qui se fatigue.
Çuilà là c'est Bomba qui l'a tué.
Amane qué goût !
Moi, si un y veut m'apprendre travailler bien le taureau, je vous jure
je reste tout le temps en Espagne, pourquoi j'aime !
Les filles elles sont plus ouappettes qu'ici, et un qui connaît
le coup y peut s'en faire tant qui veut, pourquoi as filoutes comme ces
fants de rosses de Bablouett qu'a peine vous y parlez tout de suite y
vous demandent payer la crème, le bracelet, les boucs-d'oreilles
et tout plein de choses. Moi, si j'aurais voulu, vec le costume neuf et
le mouchoir jaune qui faisaient enretourner tout le monde, combien des
caprices je me paye Tsss !
Dans la rue qu'on dit : Calle del Rey Dom Pedro, côté le
" Téâtro principal ", à cause d'une femme
grande, pareille M. Samary, mais pluss grosse, jolie et tout, j'ai f...
une tannée à un Spagnol de la campagne qui se tenait un
mouchoir dans la tête et des espardaignes de l'alfa.
La femme elle m'appelle à moi et lui
y marche. Alorss oui 1 J'y trappe la chemise de les deux mains et toc
d'un coup de tête, j'y mets la gargoulette tout rouge.
La poulice elle a fait semblant m'emmener au bloc ; mais au milieu le
chemin, elle m'a lâché, pourquoi elle a vu je connaissais
pas bien les habitudes de ce pays.
Pour que la force y vient et que je me fais neuf, chaque jour je mange
du taureau dans les restaurants qu'on paye pas beaucoup. La viande de
les taureaux elle est la même chose de l'astique, mais ce qui paraît
ça fait venir costo et dégourdi.
La première fois que je m'ai mordu dedans le bifteck que l'homme
y m'avait porté un hameçon de banderille que d'un peu y
me reste dans la garganta.
La... de sa soeur !
* *
Reusement que Gasparette il a pas venu, pourquoi
y se serait mouru de tant de la crème qui s'arait mangé
dans Valence.
Mare de Déo ! Là-bas les hommes
et les femmes bien habillés y z'ont pas honte, comme à Alger,
sucer la glace. Tout le temps on s'en lèche dans les cafés,
dehiors, partout.
Horchatas, hélados, montécaos, chouffas, de tout j'ai pris
vec un morceau de paille qu'on fait les ballons de savon.
Dans les grands cafés aucun y boit l'anisette. A force, à
force chercher et demander à le monde, je m'ai trouvé une
magataille où c'est qu'on fait la miquette. On se commande pas
comme ici ; là-bas faut parler : aguardiente anisado, triple
anis ou lèche-anis. Elle est pas bonne beaucoup, seurement
on fait plus bonne mesure qu'Alger.
Pour quatre sous on se prend une " tasse " bien, juste que la
poulice y vous laisse tranquille.
A Valence, quand c'est vous voulez écrire une lettre, vous achetez
un timbre et vous allez dire à ceuss-là qui travaillent
à la poste (pti vous posent le cachet dessur.
Si vous faites pas ça, eusses y s'enlèvent le timbre et
y se le gardent. En Espagne tous on connaît le coup et y font comme
je dis moi.
A cause de ça j'ai pas voulu écrire à Embrouilloun.
Dans les bains de mer, les hommes y vont pas beaucoup ; mais les femmes
y zn a comme des mouches.
Ces chouarris là elles s'habillent vec robe longue qui se ressemble
un carnaval et rien on voit !...
Dessur la plage du Grao, à Cabanal,
c'est pourri des maisons de bains. Quand on a fini nager, on se mange
des spingès, des olives, des câpres, des poivrons, des soubressades
vec du pain ou des rosquillas.
Une fois, basta, j'a été à le tréâte
qui s'appelle Teatro Apollo. Six sous, un acte.Tréate de
misère ! personne y comprend quoi c'est on chante. A la mer ! A
la mer !
L'année prochaine si on me fait cadeau la carte pour aller en Espagne,
ma parole je viens plus Alger : je me mets toréro ! Adios !
LA REFORME DE L'ORTHOGRAPHE
Un homme qu'on se
l'appelle M. Renard, je sais pas pourquoi, y s'a sorti la fantasie de
sanger tous les mots que dans le temps on s'écrivait d'une manière
pour qu'on les fait pluss petits à cause que les enfants mieux
y s'apprennent l'octografe.
Pour dire la vérité, moi j'aime pas qu'on traboque tout
ça que les anciens y s'avaient des enrangé avec des h, des
p, des m et pis encore
autres lettres, pourquoi eusses y connaissaient bien écrire et
tout qu'aucun aujourd'hui il est capable de s'aligner à côté.
Alorss, vous vous croyez je sais pas, moi !
Çuilà qu'on y dit M. Renard, esprès pour que tous
y se croient qu'il est louette, il a de la tête, du compass, tout
ça qui faut ; je dis pas.
Mais quand même, si on fait ça qui dit, lui, par force le
monde y vient fou avant en qu' il y vient l'habitude pour écrire
les mots en carnaval.
Moi que je m'ai esquinté à l'école des Frères
pour connaître bien tout ça qu'y a dedans la grammaire et
des autres livres que je me garde encore à la maison, même
que des fois, à la dictée, zéro faute j'avais - demandez-y
si c'est pas vrai à Embrouilloun, à Pasqualette, à
Bacora, à Gasparette et à tous -- oilà qui faut que
je me rentre des autes mots dedans la carabasse pour qui z'y fait f...
le camp à les vieux !
Amane ! que broumitche ! Bouillabaisse véritable !
Ma parole, les mots vieux et les mots stropiés y vont se faire
une barouffe que pas un y sort vivant.
Moi si je veux écrire mendja caga, tchalifes, salaouetche
bien comme y commande le dictionnaire, qui c'est qui m'empêche,
allez !
Pourvur que tous y comprennent c'est tout
ça qui faut.
Des fois quand on s'écrit des mots difficiles, on tombe juste ;
des autes fois, il y manque un peu, une miquette d'm, un ou deux
p, une demi-douzaine des r.
Pour que les mots y soient propes, moi je me connais un truc que pas un
il a encore endeviné.
Quand vous savez pas bien un mot, vous y comptez les lettres, et si une
elle s'a tiré du milieu, vous vous la mettez à la queue
ou à
la tète. Comme ça soi-soi et personne y peut rien dire.
Mais moi à présent je laisse que les lettres elles s'arrangent
comme ça l'y fait plaisir. C'est mieur que tout.
Çuilà qu'il est pas content, qui parle ; j'y sors les rognons
qu'il a dedans la pantcha !
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