Marcel ETALIS Source:FIGARO Économique
Un enfant de I'Algérois parti à la conquête du monde
-----
-----"
Secouez-moi !Secouez - moi ! " Qui, aujourd'hui, ne connaît
pas la petite bouteille ronde ? Qui a résisté au plaisir
d'agiter frénétiquement la bouteille emplie de soleil avant
d'étancher sa soif avec ce délicieux breuvage ou de l'offrir
à sa famille? A ses amis?
-----Pourtant,
beaucoup ont oublié que la petite ORANGINA est une authentique
pied-noir. C'est même une Enfant de l'Algérois. Mais oui,
comme certains de nos amis adhérents, ORANGINA est originaire de
BOUFARIK.
-----BOUFARIK,
vous vous souvenez? Ce n'était pas seulement l'A.S.B., c'était,
dans la MITIDJA, à une trentaine de kilomètres d'ALGER,
une agréable bourgade où il faisait si bon vivre. La MITIDJA,
un petit paradis où, sous un ciel toujours bleu, embaumaient les
orangers. La MITIDJA où les oranges étaient plus douces,
plus juteuses que partout ailleurs.
-----La
" naissance d' ORANGINA " remonte bien loin. Aux années
trente. La France, alors en fête, était heureuse de célébrer
le centenaire du débarquement de SIDI-FERRUCH. Personne, en ce
temps-là, n'aurait osé dire que l'ALGÉRIE constituait
un fardeau dans la Métropole.
-----Il
y a donc près de 70 ans, un boufarikois, Léon BETON, commercialisait
des huiles essentielles. Une foire se tenant à Marseille, il s'y
rend et rencontre un pharmacien espagnol de Valence qui, de son côté,
a mis au point un concentré de jus d'orange. Il l'a dénommé
Narangina (petite orange).
-----De
retour au pays, avec le secret de ce nouveau produit, Léon BETON
entreprend de le commercialiser. La petite bouteille, déjà
ronde et ventrue, est surmontée d'une fiole renfermant les huiles
essentielles, extraites des écorces d'oranges, qu'il faut mélanger
au produit de base, avec de l'eau et du sucre, avant de boire le tout.
Ce jus de fruit, déjà pétillant, est amélioré
par la suite pour être livré prêt à boire ".
En 1936, il prend son nom définitif. Ce sera ORANGINA.
-----Après
la guerre, Jean-Claude BETON, fils du fondateur et ingénieur agricole,
succède à son père. Il ouvre à BOUFARIK une
usine où les oranges sont coupées et pressées à
la main.
-----COCA
COLA, SCHWEPPES sont encore inconnus en France quand ORANGINA fait son
apparition. Le "fruit attendu est arrivé " annoncent
alors les affichettes apposées dans les cafés.
-----Au
début, cependant, la forme si particulière de la petite
bouteille, le caractère innovant de cette boisson déconcertent
les cafetiers. Mais deux coups de génie vont contribuer à
la gloire d'ORANGINA.
-----Ce
fut d'abord VILLEMOT. le célèbre affichiste de l'époque,
qui dessina le logo d'ORANGINA: un zeste d'orange enroulé, comme
un parasol, autour d'une paille sur un fond aussi bleu que le ciel de
chez nous. Ce sera 1'emblème de la marque.
-----De
son côté, le publiciste Georges PETIT inventa le slogan "
Secouez-Secouez-moi ". La pulpe reposant au fond de la bouteille,
qui, jusque-là, pouvait être considérée comme
un défaut, tout relatif d'ailleurs, de la boisson, va contribuer
à la communication audiovisuelle et, désormais, du garçon
de café au jeune enfant, chacun reprendra gaiement le refrain en
agitant sa petite bouteille.
-----Se
développant sans cesse, ORANGINA fêtera, en 1957, ses 50
millions de cols. Mais arrive 1962. Comme tous les Pieds Noirs. Jean-Claude
BETON sera rapatrié. Il s'installera à Marseille où
la marque poursuivra son expansion.
-----Dès
1968, ORANGINA investit le petit écran et le garçon dc café,
secouant sa petite bouteille, obtiendra un Lion d'or au Festival de Venise.
Notre Boufarikoise. que plus rien n'arrête, s'offre le concours
d'artistes connus, tel Michel BERGER auteur du slogan O-RAN-GI-NA qui
sera scandé sur tous les rythmes, salsa, lambada, soca dance...
-----Le
cap des 500 millions de cols est franchi en 1975. Le marché français
étant devenu trop petit, ORANGINA part à la conquête
du monde. Elle en a les moyens, depuis son entrée dans le groupe
PERNOD-RICARD en 1984. 10 ans plus tard, c'est 10 milliards de bouteilles
qui seront vendues à travers l'Europe, l'Afrique, l'Asie, l'Amérique.
En tout, c'est maintenant dans une quarantaine de pays qu'on la réclame.
-----Comme
les grandes marques, ORANGINA se diversifie. 1988 voit le lancement d'ORANGINA
Plus et ORANGINA Light. En 1996, c'est au tour d'ORANGINA Rouge, à
base d'oranges sanguines et de guarana d'être proposée aux
consommateurs sans oublier les produits dérivés.
-----Si
ces nouveautés sont surtout destinées aux jeunes à
la recherche de sensations fortes, leurs aînés ne seront
pas oubliés. Depuis l'été dernier, les Givres, une
gamme de trois saveurs (citron vert, pamplemousse rose et exotique) s'adressent
à eux.
-----Quel
chemin parcouru depuis la petite usine de BOUFARIK. Aussi, cette réussite
n'a-t-elle pas manqué de susciter des convoitises. COCA COLA, le
géant d'Atlanta, lui fait la cour. Il veut adopter la petite Pied-Noir,
la faire entrer dans sa grande famille. A cette fin, il est prêt
à sortir de ses réserves quelques milliards. La France traîne
encore les pieds. Mais combien de temps pourra-t-elle faire attendre le
colosse américain?
-----Jean-Claude
BETON, de son côté, est partagé à l'idée
que cet élément du patrimoine français va certainement
s'expatrier. Il y a peu, il confiait au Figaro: " J'ai eu dans un
premier temps beaucoup d'amertume à l'idée qu'ORANGINA,
qui appartient au patrimoine français, passe sous pavillon américain.
Mais, à la réflexion, je serai très fier qu'ORANGINA,
le petit curé de campagne, entre au Vatican des boissons ".
-----Voilà
qui est fort bien dit. On est toujours triste quand s'éloigne quelqu'un
de proche, mais quelle fierté quand on sait que c'est pour convoler
avec un fiancé que le monde entier admire et recherche. Aussi,
n'oublierons-nous jamais que, même si un jour ORANGINA doit être
fabriquée avec des oranges de Californie ou de Floride, elle demeurera
toujours l'enfant de l'Algérois qui a conquis le monde.
Marcel ETALIS
Source: FIGARO Économique
|