BOU-SAADA dans le Titteri
CHEF-LIEU D'ARRONDISSEMENTS DE LA RN 8
1.- mausolée du peintre Dinet
mise sur site : juin 2013

Les obsèques d'Étienne Dinet

Dinet est mort. Comme un puissant écho la nouvelle s'est répandue, jetant la consternation parmi ceux qui furent et qui demeureront ses amis.

Mais c'est surtout en Algérie, dans ce pays qui l'avait depuis longtemps adopté, et dont il était l'admirateur passionné et sincère, qu'elle fut accueillie avec le plus de tristesse ; Dinet était nôtre, et intégralement. Des critiques - aveuglés par quelque méchante jalousie ou simplement pour étancher certaine soif de verbiage et de préciosité - le traitèrent de " pompier " Il sourit aux attaques de ces " orientalistes désorientés ". Il savait que nous, Algériens, nous le comprenions et l'aimions : cela lui suffisait.

Car nous l'aimions. Il était pour nous en même temps le poète et l'historien. Le seul poète qui ait su chanter toutes les beautés de notre terre et particulièrement de ce Sud si plein d'attraits et de charmes. Le seul historien qui soit arrivé à nous tracer un tableau exact et vivant d'un passé riche en faits héroïques ou légendaires.

Le reproche que l'on peut faire à Dinet, c'est d'avoir délaissé complètement les nouvelles tendances de l'art pictural. Ce reproche, je ne le fais pas. Je connais trop les Montparnos modernes et ces " résidus d'ateliers " pour qu'ils puissent m'inspirer la moindre admiration. Bien peu ont du talent, les plus connus appellent la pitié. Quelle marge entre Dinet et Van Dongen !

L'auteur d'" Antar " était resté dans la tradition des Anciens. Il observait et confiait à la toile ses impressions, franchement, sans emphase. Son " Homme du Désert ", qu'il a si souventes fois représenté dans ses attitudes familières, est, pour employer l'expression de M. Léonce Bénédite, " tout près du type ", dépouillé de l'apport complexe des âges successifs, représentatif d'une humanité générale : il est plus proche sans doute de l'animalité, mais il est aussi plus proche de la nature et de la vérité éternelle.

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2.-Les obsèques de Dinet à Bou-Saâda
Afrique du nord illustrée du18-1-1930 - Transmis par Francis Rambert
avril 2021

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bou_saada,mausolee du peintre dinet


-Les obsèques de Dinet à Bou-Saâda
-Les obsèques de Dinet à Bou-Saâda
Les obsèques d'Étienne Dinet

Dinet est mort. Comme un puissant écho la nouvelle s'est répandue, jetant la consternation parmi ceux qui furent et qui demeureront ses amis.

Mais c'est surtout en Algérie, dans ce pays qui l'avait depuis longtemps adopté, et dont il était l'admirateur passionné et sincère, qu'elle fut accueillie avec le plus de tristesse ; Dinet était nôtre, et intégralement. Des critiques - aveuglés par quelque méchante jalousie ou simplement pour étancher certaine soif de verbiage et de préciosité - le traitèrent de " pompier " Il sourit aux attaques de ces " orientalistes désorientés ". Il savait que nous, Algériens, nous le comprenions et l'aimions : cela lui suffisait.

Car nous l'aimions. Il était pour nous en même temps le poète et l'historien. Le seul poète qui ait su chanter toutes les beautés de notre terre et particulièrement de ce Sud si plein d'attraits et de charmes. Le seul historien qui soit arrivé à nous tracer un tableau exact et vivant d'un passé riche en faits héroïques ou légendaires.

Le reproche que l'on peut faire à Dinet, c'est d'avoir délaissé complètement les nouvelles tendances de l'art pictural. Ce reproche, je ne le fais pas. Je connais trop les Montparnos modernes et ces " résidus d'ateliers " pour qu'ils puissent m'inspirer la moindre admiration. Bien peu ont du talent, les plus connus appellent la pitié. Quelle marge entre Dinet et Van Dongen !

L'auteur d'" Antar " était resté dans la tradition des Anciens. Il observait et confiait à la toile ses impressions, franchement, sans emphase. Son " Homme du Désert ", qu'il a si souventes fois représenté dans ses attitudes familières, est, pour employer l'expression de M. Léonce Bénédite, " tout près du type ", dépouillé de l'apport complexe des âges successifs, représentatif d'une humanité générale : il est plus proche sans doute de l'animalité, mais il est aussi plus proche de la nature et de la vérité éternelle.

Dinet ignorait le snobisme. Bon et généreux, le meskine ne frappait jamais vainement à sa porte. Les Arabes, dont il était la providence, lui vouaient presque un culte. Ils le considéraient un peu comme un saint, un envoyé du Très-Haut, qu'ils entouraient de leur respect et de leur dévouement. Plus tard, séduit par la simplicité et la noblesse de la religion musulmane, il se convertit à l'Islamisme (Il fit, l'an dernier, le pèlerinage de la Mecque). Et désormais, avec son fidèle compagnon et précieux collaborateur Sliman ben Ibrahim, il vécut à Bou-Saâda, loin de l'Occident, de ses intrigues et de ses vilenies. Il passa son temps à rêver, à peindre et à écrire. Ardent patriote, il s'attacha encore à faire connaître la France aux indigènes et leur révéla son véritable visage.

Artiste prestigieux - il restera le plus grand peintre de l'Algérie - Dinet a également sa place parmi les vrais colonisateurs, tout près des Foucault et des Duveyrier. Son influence sur toutes les populations des environs de Bou-Saâda est inimaginable. Je m'en suis rendu compte dès mon arrivée dans cette oasis. C'est d'abord un gamin qui, me désignant une photo du défunt, me dit d'une voix émue :
- Tu vois le pauvre, le pauvre monsieur Dinet…
Et puis le groom de l'hôtel où je suis descendu qui, répondant à une question, me déclare fièrement:
- Oui, je m'appelle Hadj... comme M. Dinet !

Les obsèques d'Étienne Dinet doivent avoir lieu à 10 heures, mais dès 9 heures une foule énorme se presse aux abords de l'humble maison du maître. Spectacle pittoresque au possible, émouvant surtout, que ces innombrables Bédouins venus pour la plupart de très loin et qui attendent là, impassibles, de voir passer le corps du vénéré " roumi ". Et quand le cortège s'ébranlera, précédé d'un peloton de spahis, c'est au moins six mille personnes qui le suivront.
Le deuil est conduit par Mme la Générale Dinet-Rollince, Sliman ben Ibrahim, M. Lung et M. Pierre Bordes, Gouverneur Général, qui a tenu à apporter à Dinet l'ultime hommage de la Mère Patrie. Sur tout le parcours, les curieux se pressent. Dans le quartier arabe, la bière, supportée par dix hommes, émerge d'un véritable flot humain

Obéissant dernières volontés du peintre, on lui fait faire, pour la dernière fois, sa promenade favorite. La chose n'est pas toujours facile : pour passer la porte du Jardin de l'Oasis, l'opération est des plus délicates, mais la force et l'énergie des porteurs triomphent de la difficulté.

A quelques mètres du mausolée que s'était fait construire le maître - où est déjà enterré la femme de Hadj Sliman ben Ibrahim - le cortège s'arrête. Le cercueil est déposé sur une plate-forme spécialement aménagée, et le marabout de Chahmel récite les prières rituelles. Dans un silence impressionnant, il lance un long appel, La voix d'un muezzin lui répond.

Puis c'est la prière générale. Alors tous les visages se tournent vers la Mecque et un murmure formidable et lugubre s'élève de cette foule recueillie.
Après les vibrants discours - prononcés en Arabe - de Si Mostefa, Ahmed Loufik, Laamoudi Samin El-Hadj, Lleb El-Aghi (directeur du journal " El Islah ") et du fils du cadi de Sidi-Okba, M. Duffau, administrateur à Bou-Saâda, et M. le Gouverneur Général exaltent à leur tour les qualités du cher disparu.
- " Et maintenant, maître si noble et si bon, termine M. Pierre Bordes, qui, par votre talent et votre labeur, avez honoré l'art ainsi que votre patrie, prenez le repos que vous avez si bien gagné. "

La cérémonie est terminée.

Dinet repose maintenant dans sa petite kouba blanche. Des talebs chantent encore. Dehors, vieillards, femmes, enfants, écoutent attentivement. De joyeux youyous retentissent, par intermittences : un nouveau saint entre au Paradis d'Allah, Noël ! Noël !

Midi. Le vent glacial qui n'a cessé de souffler depuis hier soir, redouble de violence. Les burnous flottent mollement et leurs ombres démesurées semblent de grands oiseaux noirs au vol lourd et rythmé. En bas, les dattiers échevelés frissonnent et gémissent...

... On dirait la voix douloureuse d'une mère qui pleure son enfant !