Bibliothèque nationale d'Alger
Ancienne résidence des deys d'El Djezaïr
puis
Parc des Sports des Tagarins, au-dessus du stade Leclerc.
par Germaine Lebel - Administrateur de la Bibliothèque Nationale d'Alger

----------Créée cinq ans seulement après la prise d'Alger, la Bibliothèque Nationale se trouve être le plus ancien établissement culturel de l'Algérie. C'est à Genty de Bussy, intendant civil de la Régence d'Alger, ami des livres et poète à ses heures, qu'on doit l'idée première de sa fondation - idée féconde, mais dont la réalisation devait exiger plusieurs années. " Nous allons bientôt posséder une bibliothèque ", annonçait, optimiste, le Moniteur Algérien, du 3 novembre 1832. Il fallut néanmoins attendre le 13 octobre 1835 pour qu'à la demande du maréchal Clauzel, une décision du Ministre de la Guerre vînt charger Adrien Berbrugger " de la fondation et de la conservation d'une bibliothèque à Alger ".- Algeria, mars-avril 1953, pages 27 à 36 , édition de l'OFALAC

Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, mars - avril 1953.Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger
mise sur site le 1-12-2004...augmentée le 25-5-2011

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--------Créée cinq ans seulement après la prise d'Alger, la Bibliothèque Nationale se trouve être le plus ancien établissement culturel de l'Algérie. C'est à Genty de Bussy, intendant civil de la Régence d'Alger, ami des livres et poète à ses heures, qu'on doit l'idée première de sa fondation - idée féconde, mais dont la réalisation devait exiger plusieurs années. " Nous allons bientôt posséder une bibliothèque ", annonçait, optimiste, le Moniteur Algérien, du 3 novembre 1832. Il fallut néanmoins attendre le 13 octobre 1835 pour qu'à la demande du maréchal Clauzel, une décision du Ministre de la Guerre vînt charger Adrien Berbrugger " de la fondation et de la conservation d'une bibliothèque à Alger ".

--------Pendant trois ans, l'existence de la Bibliothèque restera d'ailleurs purement théorique. Dépourvue d'un budget pour l'achat des livres, elle devra limiter ses collections aux seuls dons des particuliers, assez rares, puisque, au cours des années en question, elle recevra, en tout et pour tout, deux ouvrages : l'Essai historique et politique sur la Révolution belge, par Nothomb, offert par M. Lecoq d'Ambaud, Consul général de Belgique, et un exemplaire de la Grande Encyclopédie, dû à la munificence d'un ancien avoué de Paris, M. Pillaut-Debit. Bibliothécaire sans livres ni lecteurs, Berbrugger disposera de nombreux loisirs. Il les occupera, pour notre plus grand profit, à suivre les colonnes de l'armée, recueillant çà et là les précieux manuscrits qui formeront le noyau du fonds arabe actuel.

--------L'année 1838 s'ouvre pourtant sous de meilleurs auspices : la Bibliothèque, d'abord abritée dans une maison domaniale de l'impasse du Soleil (rue Philippe), est transférée dans la caserne des Janissaires de Bab-Azoun, non loin de la porte du même nom, à peu près sur l'emplacement de la rue Littré. Le Collège occupe déjà une grande partie du bâtiment, mais deux belles salles, en façade, sont disponibles pour la Bibliothèque et le nouveau Musée, qu'on a groupés sous une même direction. Dans les locaux de la Bibliothèque s'abritent également un embryon de Musée zoologique - quelques armoires remplies d'animaux empaillés, plus ou moins mités - et la chaire d'arabe où Louis Bresnier enseigna de 1836 à 1869.

--------Cependant, grâce à la bienveillance du nouvel intendant civil Bresson, la Bibliothèque bénéficie d'importants envois de livres du Ministère, en même temps qu'un budget régulier lui est enfin alloué - budget bien modeste, il est vrai, qui s'élève, pour l'année 1838, à 6.600 fr.!

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Malgré la modicité des crédits, les collections s'accroissent, si bien qu'en 1845, il faut mettre à la disposition du Conservateur dix chambres de la Djénina, destinées à servir de dépôt

--------Mais ces mesures ne sont que palliatives et, en 1848, un nouveau transfert se révèle nécessaire. On installe, cette fois, la Bibliothèque dans un bâtiment situé au n° 18 de la rue des Lotophages. C'est une maison particulière de style mauresque, qu'on dit avoir coûté de plus de 500.000 fr. avant la Conquête : le consul d'Amérique, Shaler, le maréchal Clauzel, la Direction politique du Gouvernement Général y ont tour à tour résidé. L'édifice ne manque pas de charme, bien qu'il soit impropre à son emploi. Mais, en 1862, la construction d'un mur du rempart, élevé précisément devant les fenêtres de la Bibliothèque, achève de transformer les salles, déjà obscures, en caves privées d'air et de lumière. Un nouveau déménagement devient donc indispensable.

--------Il est d'abord question de construire, près du Théâtre, un bâtiment qui abriterait à la fois la Direction des Mines, la Bibliothèque et l'Exposition permanente. Mais ce projet, jugé trop grandiose, n'aboutit pas et l'on finit par se rallier à l'avis de Berbrugger, qui préconisait l'installation de la Bibliothèque Nationale dans l'ancienne résidence du dey d'Alger, Mustapha-Pacha, dont on connaît l'histoire.

La porte, en bois massif, décorée de clous à tête ronde
La porte, en bois massif, décorée de clous à tête ronde
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-------D'origine modeste - il avait, dit-on, été charbonnier puis balayeur à la porte du Chef de la Marine - Mustapha, après avoir été le Ministre des Finances de son oncle Hasan -Dey, avait pu succéder à celui-ci grâce à l'appui des Juifs Jacob Cohen Bacri et Nephtali Busnach, ceux-là même dont les noms sont à l'origine de l'expédition de 1830. Mais cette protection, qui lui avait valu le pouvoir, devait plus tard causer sa perte. Nephtali Busnach fut tué, par la suite, le 28 juin 1805, par un janissaire, comme il sortait de la Djénina et Mustapha-Pacha n'allait pas tarder à subir le même sort. Sortant, lui aussi, de la Djénina un certain jour de 1806, il fut reconnu par la populace, poursuivi aux cris de " Voilà le protégé des juifs ". Il tenta de se réfugier dans une mosquée, mais fut néanmoins massacré et son corps traînédans les rues jusqu'à la porte Bab-Azoun.

--------Le Palais de la rue de l'Etat-Major, construit en 1799 - 1800, servait donc de résidence particulière à Mustapha. Sa famille y logeait et lui-même, habitant officiellement la Djénina, s'y rendait le jeudi, après la prière du dhohr (1), escorté de ses gardes qui venaient l'y reprendre le lendemain à midi.

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Après la mort de Mustapha, le Palais passa à son fils Ibrâhîm, puis à son petit-fils Mustapha-Pacha. En 1846, les héritiers de Mustapha contractèrent, contre un intérêt de 15%, un emprunt de 170.000 fr. envers MM. de Vialar, Châtel et Beuret, avec garantie hypothécaire sur les immeubles de la succession. Les intérêts n'ayant pas été payés, la maison de la rue de l'Etat-Major se trouva, après un long procès, adjugée, le 15 octobre 1859, à MM. de Vialar, Maignal, Châtel et de Sulauze, pour la somme de 100.000 fr.. Le Département devait s'en porter acquéreur en 1863.

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--------Au fond d'une ruelle pittoresque, malaisée à découvrir, s'offre à la vue l'un des plus beaux spécimens de l'architecture mauresque du XVIIIè siècle du moins l'un des plus authentiques, l'un de moins remaniés.

--------L'entrée de la Bibliothèque Nationale s'ouvre dans un redan formé par la rue - précaution utile, ménagée par l'architecte, pour permettre, en cas d'émeute, de prendre les assaillants en enfilade. L'ouverture pratiquée au-dessus de la porte, aux interstices quadrillés de la dimension d'un canon de fusil, semble avoir eu la même raison d'être.

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La porte, en bois massif, décorée de clous à têtes rondes, est particulièrement remarquable, avec sa serrure en arabesque et ses deux heurtoirs en forme d'anneaux, dont l'un est placé très haut à l'usage des cavaliers.

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Après un vestibule, orné de bancs en marbre où s'asseyaient jadis l'eunuque noir faisant office de portier et le mameluk chargé de garder la maison, on parvient à une deuxième porte, au-dessus de laquelle figure une inscription en arabe, qui traduit bien l'émerveillement du visiteur pénétrant en ce lieu

----" Quel agréable et délicieux palais élevé par le pacha d'Alger, Moustafa!
--------C'est l'asile de la félicité, de la gloire, de la puissance, de l'intelligence, de la splendeur, réunis au calme et à la placidité.
--------" L'esprit émerveillé s'écrie en le voyant. Il a été achevé au moment du plus favorable augure, de l'indice le plus assuré de prospérité et d'abondance,
--------" L'an quatorze après deux cents et mille de l'hégire du Prophète, dans l'an 1214. "

--------Vient ensuite la sqîfa, long vestibule flanqué de bancs en marbre, qui servait à la fois de salon de réception et de salle d'attente. Là, le dey donnait ses audiences et recevait les hôtes de distinction. La " clientèle " - au sens romain du mot - s'asseyait sur les bancs du pourtour.

--------Des colonnettes jumelées, à cannelures torses, réunies par des arcs surbaissés aux fines dentelures, divisent en huit petites niches les murs tapissés de magnifiques faïences : les unes, jaunes et vertes, de provenance sicilienne, les autres bleues et violettes, charmants spécimens de la céramique de Delft. D'innombrables navires, différant tous les uns des autres par quelque détail, encadrent des motifs composés de bouquets et de vases de fleurs, signés J.V.M. ou J. Van Maak, le fabricant Hollandais.

--------À gauche de la sqîfa, deux portes massives séparées par un petit vestibule donnent accès à cette partie de la maison réservée à l'intimité : celle où vivent les femmes et les enfants avec leurs serviteurs. Détails caractéristiques : la porte donnant sur le patio se ferme de l'extérieur et non pas du dedans. Dans l'imposte, au lieu du judas des autres portes, se trouve un treillage en bois, aux interstices très serrés, permettant de voir sans être vu.

--------La cour, grand carré de plus de 7 m. de côté, est entourée de galeries à arcades, formant cloître. C'est le patio classique des maisons algériennes, au bassin central dont le jet d'eau fait entendre son doux murmure.

--------Le long des portiques, des salles longues et étroites, obscures et mal aérées, servaient de pièces d'habitation. L'une d'elles, à droite, au plafond particulièrement ornementé, passe pour avoir été la chambre de l'épouse du dey.

--------À gauche de la cour, un couloir mène à la Jouira (maisonnette), partie de l'habitation strictement réservée au maître, qui y recevait ses intimes, y traitait de ses affaires ou de ses plaisirs.

--------Un large escalier de marbre, aux faïences d'un vert éclatant, conduit au premier étage. A mi-course, remarquons une sorte de loge en retrait, où le dey aimait à se tenir en été, pour prendre des rafraîchissements et fumer sa pipe.


Galerie du premier étage
Galerie du premier étage
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--------La galerie du premier étage, avec ses colonnes cannelées à godrons, patinées par le temps, sa fine balustrade de bois sculpté, ne le cède en rien aux splendeurs du rez-de-chaussée. Les portes, en bois de cèdre, richement décorées, sont, dit-on, œuvre de Labladji, amin (syndic), de la corporation des menuisiers et artiste de talent. Une seule d'entre elles valait, à l'époque, 250 fr.. Elles représentent, avec la balustrade, les seuls produits de l'industrie locale, les autres matériaux étant importés de l'étranger : les colonnes, de Toscane ou de Gênes, les faïences de Sicile ou de Hollande.

--------Notons encore, au même étage, la chambre dite de Mustapha, aux faïences d'un bleu sombre, la cuisine aux somptueuses colonnes de marbre lisse, ornées d'un croissant et le bain maure - actuel bureau de l'Administrateur - tapissé, lui aussi, d'une flotte de petits navires mauves et bleus. A côté, la " chambre du froid " où le maître de maison faisait la sieste, après le bain.

--------Au deuxième étage, se trouve la terrasse réservée jadis aux femmes. Dans le mur d'appui qui sert de balustrade, on peut encore voir huit anneaux de marbre, destinés à recevoir les poteaux du vélum qui recouvrait la cour, en été. La décoration de cet étage consiste en bandeaux de faïence d'un vert éclatant.

--------Quant aux pièces du troisième étage, elles sont, à coup sûr, les mieux décorées de l'édifice, après la sqî f a et les galeries.

--------La plus grande, celle de droite, divisée en trois parties par des arcs doubleaux, est ornée de charmants placards sculptés et peints de couleurs vives. Les fenestrelles, aux vitraux généralement bien conservés, ont des teintes agréables, rouge et rose, jaune, bleu et blanc. Leur dessin consiste en bouquets de roses et œillets. Les plafonds, faits de solives serrées, sont peints en vert, jaune et rouge. Les mêmes couleurs se retrouvent sur les portes couvertes de peintures de style turc, représentant des bouquets et des vases de fleurs.

La pièce de gauche, aux dimensions plus modestes, est également bien décorée. Sur la terrasse adjacente se dresse une souche de cheminée, à la mode turque du XVIIIè siècle, particulièrement curieuse. Enfin, un escalier très raide conduit à la troisième terrasse, d'où l'on peut encore apercevoir la mer.

--------Ajoutons, pour les amateurs de mystère, qu'une légende longtemps vivace fait allusion à l'existence d'un trésor, caché quelque part dans le palais de Mustapha. À plusieurs reprises, on effectua des sondages, on creusa les sous-sols, cherchant, du même coup, le souterrain qui relie, dit-on, la Casbah au port. Mais, jusqu'à présent, les murs ont gardé leur secret. Les seuls trésors palpables sont les livres de la Bibliothèque, avec les richesses spirituelles qu'ils renferment.

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--------Les différents Conservateurs qui se succédèrent à la tête de la Bibliothèque Nationale, depuis 1835, furent tous des savants de valeur et des personnalités marquantes, bien que très diverses.

--------Adrien Berbrugger, ancien élève de l'École des Chartes, avait commencé sa carrière d'historien par une mission aux Archives de la Tour de Londres en 1834. Après s'être occupé quelque temps de propagande fouriériste, il devint secrétaire du maréchal Clauzel, qu'il accompagna en Algérie. Rédacteur du Moniteur Algérien, organe officiel de l'Administration, directeur de la Bibliothèque Nationale et du Musée Archéologique, telles sont les fonctions qu'il eut à assumer dès les premières années de son séjour à Alger.

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Berbrugger n'avait rien d'un rat de bibliothèque. En ce temps où le métier de bibliothécaire était encore dangereux, il unissait le dynamisme d'un pionnier au sang froid d'un vétéran. " Vous apprendrez avec étonnement " écrit-il, " que moi, paisible bibliothécaire, j'ai suivi nos braves soldats et leur illustre chef sur les champs de bataille, que, comme eux, j'ai entendu siffler les balles, subi les inconvénients du bivouac, les fatigues des marches, en un mot, que j'ai mené la vie du troupier pendant trois mois ".

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Les aventures ne lui manquent pas. À Mascara, il avait réussi à rassembler un certain nombre de manuscrits arabes et les avait placés dans une malle, qu'on avait chargée sur un chameau, en même temps qu'une caisse de biscuits. Hélas, au passage d'Aïn-K'bira, par temps de brouillard et de grêle, l'animal glissa et roula dans un précipice, avec son précieux fardeau. Les manuscrits furent perdus. Mais, remarque
Berbrugger, " on ne s'apitoya nullement sur les livres, la caisse de biscuits eut seule une oraison funèbre ".

--------À Constantine, il entre dans la ville, le 13 octobre 1837, avec la 2è colonne, commandée par le colonel Combe.
" Arrivé sous la voûte qui conduit à la rue des Épiciers", écrit-il, " je ne pus pas, pour le moment, avancer davantage, car on se battait avec acharnement dans cette rue et le feu de la mousqueterie était beaucoup trop vif pour qu'il me fût
possible d'entreprendre les investigations toutes pacifiques dont j'étais chargé... ".

--------Berbrugger se voit ensuite confier par le Ministre de la Guerre une importante mission au Sahara. De juin 1850 à avril 1851, il parcourt la Tunisie et la Tripolitaine, d'où il gagne l'oued Souf, Touggourt, Témacine, Hadjira N'Gouça, Ouargla et Guerrara, pour rentrer en Alger par Laghouat. Il rédige, à son retour, une série de mémoires accompagnés de cartes et de plans, publie une brochure sur les puits artésiens de nos oasis et un grand nombre d'articles dans les journaux locaux.

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En 1854, il devient Inspecteur Général des Monuments historiques et des Musées Archéologiques de l'Algérie et préside, deux ans plus tard, à la fondation de la Société historique algérienne, ainsi qu'à la publication de la très vivante Revue africaine, instrument de travail incomparable qui n'a cessé de paraître depuis lors. Lui-même est l'auteur de nombreux ouvrages relatifs à l'histoire et à l'archéologie algériennes, parmi lesquels l'Algérie historique, pittoresque et monumentale, trois grands volumes in-f° illustrés de 145 planches, édités en 1843.

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Archéologue et bibliothécaire, Berbrugger ne dédaigne pas, pour autant, de s'intéresser à la vie publique : il pose sa candidature aux élections de 1848 et accepte d'assumer les fonctions de colonel de la milice d'Alger.

--------Napoléon III, lors de son voyage en Algérie, en 1865, tint à visiter la Bibliothèque Nationale et remit à son conservateur la Cravate de Commandeur de la Légion d'honneur.

--------Berbrugger devait mourir quatre ans plus tard, le 2 juillet 1869, épuisé par le travail.(le Déjanté: et on dira que le travail, c'est la santé!!N'évoquons pas certains rebutés par le travail qui se retrouvent parfois à la Santé!)

--------Oscar Mac-Carthy lui succéda. C'était un géographe passionné de son métier.

-------Déjà connu pour sa participation à plusieurs grands recueils d'érudition publiés à Paris, de 1835 à 1849, Mac-Carthy se voit confier, par Lamoricière, la rédaction d'un petit ouvrage pratique destiné aux émigrants, l' " Almanach de l'Algérie pour 1849 ". Afin de lui permettre de poursuivre ses travaux, le Ministre de la Guerre le charge d' " une mission d'exploration des territoires algériens " et l'adjoint au 16è convoi colons dirigé sur Bône.

--------Dès son arrivée, Mac-Carthy est acquis corps âme à cette terre d'Afrique qu'il ne pourra plus quitter."Voyez-vous ", disait-il, " ce pays est le mien, il m'a adopté ". Pendant quatorze ans, de 1849 à 1863, il ne cesse de parcourir l'Algérie dans tous les sens. Seul et sans armes, protégé par son dénuement, il explore des régions encore mal soumises, toujours bien accueilli par les Arabes dont il aime à partager la vie. II assiste, en spectateur, au siège de Zaatcha et à la prise de Laghouat. " Sur tout ce qu'il voit, il prend des notes précises, détaillées, il lève des plans, fait des observations, ramasse des échantillons de pierre et de marbre, des plantes, des graines, portant partout un esprit curieux et investigateur ".

-------------Eugène Fromentin, qui l'a connu lors de son second voyage en Algérie, le représente dans son livre " Une année dans le Sahel ", sous le pseudonyme de Louis Vandell. " Maigre, efflanqué, brûlé comme un Saharien , montant une bête fort maigre, mal harnachée à l'arabe et d'un blanc sale, il portait en bandoulière quelque chose comme un long baromètre contenu dans un fourreau de cuir et un volumineux cylindre de fer blanc ". Les indigènes l'appelaient, pour cette raison, Bou-Djâba, l'homme au canon de fusil. Au moment de quitter Fromentin, Vandell tient à lui offrir un petit souvenir personnel : Il tire de sa poche un bâton de réglisse noir qu'il rompt en deux, puis une pelote de ficelle, dont il lui donne la moitié, en témoignage d'amitié !---Cependant, un vaste projet hante l'esprit de Mac Carthy et ne cessera de l'obséder, sa vie durant. Il n'envisage rien moins que de se rendre à Tombouctou, par Ghât et Agadès, il rêve de relier l'Algérie au Sénégal par la voie du désert. Mais les circonstances ne sont pas encore propices à l'accomplissement d'un tel dessein. Faute d'appui et de ressources, il lui faut, d'année en année, remettre le périlleux voyage. Du moins amasse-t-il une documentation considérable sur la géographie du Sahara et du Soudan, précieux matériaux qu'il mettra généreusement à la disposition de tous les chercheurs.

--------Grâce à sa science, à son affabilité proverbiale, la Bibliothèque Nationale devient le lieu de rendez-vous de tous les savants et lettrés algériens, l'office de renseignements de tous les explorateurs. Le vicomte Charles de Foucauld, qui vient de quitter l'armée et prépare, en 1883, son expédition au Maroc, vient souvent travailler sur la galerie du Palais de Mustapha. Là, Mac-Carthy lui fait connaître celui qui sera son guide, le juif Mardochée.

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Après avoir publié un nombre considérable de travaux, Mac-Carthy doit prendre sa retraite en 1890. La Bibliothèque et le Musée, jusque-là réunis, sont alors séparés. La Direction du Musée est confiée à de La Blanchère, tandis qu'Émile Maupas est nommé Conservateur-Administrateur de la Bibliothèque Nationale.

--------Émile Maupas est une espèce particulière de Chartiste : un Chartiste converti à la biologie.

--------À peine sorti de l'École des Chartes, il se découvre une passion pour le piano, mais ses doigts gourds lui interdisent toute virtuosité. Force lui est donc de reporter son ardeur sur la botanique, caprice d'un instant, mais qui le mène à la biologie. Cette fois, son destin est fixé, il a découvert les joies du microscope et consacrera sa vie à l'étude des infiniment petits.

--------Ses travaux sur la sexualité des rotifères et la reproduction des infusoires ont bouleversé les théories alors en vigueur sur la propagation de la vie et sur la mort. Presque inconnu à Alger, il est célèbre dans toute l'Europe et l'Université d'Heidelberg, dans un élan d'enthousiasme, lui confère le titre de Docteur honoris causa. Les spécialistes du monde entier, de passage à Alger, ne manquent pas de rendre visite au grand savant français.

--------Et ces résultats prodigieux, Maupas a su les obtenir avec des moyens dérisoires. Son installation, dans son petit appartement de Bab-elOued, est à elle seule tout un poème. Dans les trois petites chambres qu'il occupe, tout est sacrifié au microscope, placé en pleine lumière du nord, face à la mer. Sur la cheminée, quatre ou cinq assiettes creuses complètent son laboratoire.. On raconte qu'un jour, le portrait de M. Lacaze-Duthiers (Zoologiste français (1821-1901)) suspendu au-dessus de la cheminée, tomba malencontreusement sur les précieuses assiettes et, écrasant les " petites bêtes ", mit fin à l'expérience en cours.

--------Une autre fois, comme on parlait devant Maupas d'un appareil nouveau permettant d'obtenir un parallélisme rigoureux entre deux lames de verre d'une préparation pour microscope, celui-ci, avec le plus grand naturel, répondit " Moi, pour obtenir ce parallélisme, je prends des poils d'une vieille brosse à dents usagée " !

--------Maupas mourut en 1916, devenu, sur le tard, correspondant de l'Institut et Chevalier de la Légion d'honneur.

--------Gabriel Esquer lui succéda. Il est trop connu de nos contemporains pour qu'il soit besoin d'en faire un long panégyrique.

La cour, patio classique des maisons algériennes
La cour, patio classique des maisons algériennes
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--------Né dans l'Aude, à Caunes-Minervois, le 12 avril 1876, il passe par l'École Nationale des Chartes, puis devient successivement Archiviste en Chef du département du Cantal (1903-1908), Archiviste-bibliothécaire du Gouvernement Général de l'Algérie (1909-1942) et Administrateur de la Bibliothèque Nationale d'Alger (1920-1948 ). Il est, en même temps, chargé de Conférences à la Faculté des Lettres d'Alger.

--------Ces diverses activités ne l'empêchent pas d'élaborer une œuvre scientifique considérable, où la méthode historique la plus rigoureuse s'allie à un remarquable talent littéraire. Citons parmi ses travaux sur l'Algérie : Les commencements d'un Empire: la prise d'Alger (1830), ouvrage qui vaut à son auteur le Grand Prix Littéraire de l'Algérie et le 2è Prix Gobert à l'Académie française ; l'Iconographie historique de l'Algérie, depuis le VIè siècle jusqu'à 1871, trois grands volumes in-f°, groupant 1.011 reproductions tirées des bibliothèques du monde entier ; 8 Novembre 1942, jour premier de la libération ; l'Histoire de l'Algérie (Collection " Que sais-je ? ") ; Alger et sa région (Collection " Sites et Monuments "). Ajoutons à ces études des publications de textes telles que la Correspondance du duc de Rovigo, des généraux Voirol, Drouet d'Erlon, du maréchal Clauzel, huit volumes parus de 1914 à 1948 (Gabriel Esquer a publié, en outre, les ouvrages suivants Le dernier Valois, François, duc d'Alençon et d'Anjou (1554-1584), thèse de l'École des Chartes, parue en 1903 ; La Haute Auvergne à la fin de l'Ancien Régime, 1910 ; Un Saharien : le colonel Ludovic de Polignac (1827-1901), 1930 ; La Reconnaissance des villes fortes et batteries d'Alger (1808), du chef de bataillon Boutin et un choix de textes de l'abbé Baynal, accompagné de notes, publié en 1951, sous le titre de l'Anticolonialisme au XVIIIe siècle. Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce européen dans les deux Indes.).

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--------Les collections de la Bibliothèque Nationale, encore inexistantes en 1838, forment aujourd'hui, tant pour le fonds arabe que pour le fonds général, un remarquable ensemble d'ouvrages où les chercheurs sont à même de puiser les renseignements indispensables à leurs travaux. Jules Lemaître, Louis Bertrand, René Basset, Fagnan, Stéphane Gsell furent, parmi tant d'autres, les habitués de cet établissement. Des ouvrages parus sur l'Afrique du Nord, la plupart doivent le meilleur de leur documentation aux collections de la Bibliothèque Nationale d'Alger.

--------Aux érudits, vient s'ajouter un autre public non moins sympathique, compose d'étudiants. L'exiguïté des bibliothèques algéroises et la cherté des livres amènent un afflux sans cesse croissant de jeunes gens et jeunes filles, heureux de pouvoir consulter sur place ou emprunter les ouvrages nécessaires à la préparation des examens.

--------La section musulmane comprend un ensemble de 2.334 manuscrits réunis grâce à une politique d'achats heureusement conduite par les Administrateurs successifs. C'est ainsi qu'on a pu recueillir des bibliothèques d'érudits musulmans tels que le Muphti d'Oran, Hasan Bulahbal et Ali ben El Hadji Moussa. Dans ces collections, toutes les branches des connaissances humaines sont représentées : théologie, législation, grammaire et langue arabe, poésie, histoire et géographie, médecine, philosophie, astronomie, etc...

--------Ces manuscrits sont précieux tant par l'ancienneté - certains d'entre eux datent des XIè, XIIè et XIIIè siècles - que par la rareté ou la richesse de l'illustration. Certains peuvent être comparés aux plus beaux spécimens médiévaux de l'Europe occidentale.

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Citons particulièrement les numéros 424: Al-Muwatta, Recueil de hadith (traditions) et de préceptes moraux, exemplaire de grand luxe exécuté en 590/1194 pour l'Almohade Aboû-Yousof Yakoub ; 242 : Lexique de Jawhari, exemplaire de luxe avec encadrement doré et colorié, écrit pour une bibliothèque princière (876/1471-72) ; 268 : Koran microscopique, de forme octogonale, doré sur tranche, à encadrement bleu et or, écrit en 1016/1607-8, par un Persan, Imâd ben Ibrâhîm.

--------Outre les manuscrits, la section musulmane comprend une importante collection de livres en langue arabe, qu'on s'efforce de tenir au courant des dernières publications parues. Ainsi, l'élite intellectuelle musulmane peut trouver en la Bibliothèque Nationale d'Alger son véritable foyer culturel, où toute facilité lui est donnée d'approfondir ses connaissances sur la philosophie, la littérature et l'histoire de l'Islam. Grâce aux procédés de microfilmage, il va être possible d'adjoindre à ces collections des reproductions de manuscrits arabes appartenant à différentes bibliothèques publiques ou privées.

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Quant au fonds français, il comprend tout d'abord des ouvrages de culture générale, représentatifs de la pensée française et les principales œuvres ayant trait à l'histoire, la littérature, la philosophie et l'histoire de l'art.

--------À ces collections s'ajoute un important fonds nord-africain, groupant tout ce qui concerne l'histoire et la civilisation de l'Afrique du Nord. C'est à ce fonds que sont venues s'agréger la bibliothèque de Stéphane Gsell, éminemment précieuse par les documents et ouvrages archéologiques qu'elle contient, et, plus récemment, la bibliothèque du grand explorateur Savorgnan de Brazza.

--------La Bibliothèque Nationale reçoit toutes les publications effectuées sous l'égide du Gouvernement Général de l'Algérie, ainsi qu'un exemplaire des livres et journaux du Dépôt légal, pour le département d'Alger. Une nouvelle loi du Dépôt légal, actuellement à l'étude, lui assurera, prochainement, le bénéfice de tous les ouvrages et périodiques paraissant dans les trois départements de l'Algérie.

--------Une autre branche d'activité de cet établissement consiste dans le service de la Lecture publique - service qui s'est considérablement développé au cours de ces dernières années. À l'heure actuelle, plus de 170 bibliothèques publiques, réparties dans les trois départements de l'Algérie, reçoivent des dotations en livres de la Bibliothèque Nationale : bibliothèques communales, de Foyers ruraux, bibliothèques populaires installées dans les écoles, bibliothèques d'hôpitaux, de sanatoria, de la Croix-Rouge, des prisons.

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Ces bibliothèques constituent un élément de culture des plus efficaces et une distraction précieuse pour les habitants de l'intérieur, privés des ressources de la ville. De petites bibliothèques ont été créées dans les régions les plus éloignées de la Kabylie. C'est ainsi que s'achève œuvre de scolarisation. L'école trouve son complément indispensable dans la bibliothèque, sans laquelle il n'existe point de culture.

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--------Riche de son passé, non moins que de ses collections, la Bibliothèque Nationale d'Alger se trouve arrivée à un tournant de sen histoire : elle va bientôt quitter le vieux Palais de Mustapha, qui l'abrita si longtemps, pour s'installer dans un bâtiment neuf, dont la construction commence actuellement au Parc des Sports des Tagarins, au-dessus du stade Leclerc.

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Il faut avouer que l'ancienne résidence du dey, charmante à visiter, n'était nullement appropriée à son emploi : pièces obscures et sans air, salle de lecture exiguë, escaliers tortueux et recoins multiples rendant le service impraticable, enfin, défauts capitaux : manque total de place peur l'accroissement des collections et humidité telle que les manuscrits et livres précieux se trouvaient menacés de destruction.

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Le nouvel immeuble, placé dans un site magnifique, satisfera aux exigences de la technique et de la bibliothéconomie la plus moderne. Il pourra recevoir 500 lecteurs et sera digne d'une Bibliothèque Nationale, digne de l'Algérie.

Germaine LEBEL.

BIBLIOGRAPHIE. -
--------Berbrugger (A.) : Bibliothèque-Musée d'Alger.
-------- Alger, Imprimerie Bastide, 1860, in-16 ; Gavault (Pierre) Notice sur la Bibliothèque-Musée d'Alger.
-------- Alger, 1894, in-8° ; Esquer (Gabriel) : La Bibliothèque Nationale d'Alger, dans La Lecture Publique,
-------- Paris, E. Droz, 1931, in-12 ; Gautier (E. F.) : Un siècle de colonisation.
-------- Paris, Alcan, 1930, in-8°, (Voir pp. 125-138, les pages concernant Emile Maupas).