sur site le 10/10/2002
-les Berbères : Vivants mais... inexistants
L a nouvelle qui va suivre est bouleversante.
Des êtres humains vivent à titre de Français, (alors que la France leur dénie cette qualité), dans les montagnes de Kabylie. Sur place, la nationalité algérienne leur est refusée. Si bien qu'en matière de citoyenneté, personne ne peut dire laquelle est légalement la leur.

pnha n°64, janvier 1996

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-----La nouvelle qui va suivre est bouleversante.
-----Des êtres humains vivent à titre de Français, (alors que la France leur dénie cette qualité), dans les montagnes de Kabylie. Sur place, la nationalité algérienne leur est refusée. Si bien qu'en matière de citoyenneté, personne ne peut dire laquelle est légalement la leur.
-----Pour tirer au clair leur situation, les intéressés, soigneusement confinés dans leurs villages et de façon intentionnelle par les autorités locales, écrivent des courriers qui n'atteignent pas leurs destinataires. Quant à celui qu'ils reçoivent, il semblerait qu'il soit soumis à de nombreuses manipulations. Sans faire l'objet d'aucune agression caractérisée, les intéressés sont mis à l'écart et isolés des autres membres de leur communauté. S'il leur arrive de parler à quelqu'un, ils n'en obtiennent aucune réponse. La consigne est de ne pas les regarder et de faire comme s'ils n'existaient pas. Lorsqu'ils entrent dans un magasin pour acheter une denrée, ils annoncent ce qu'ils désirent se procurer, tout en posant leur argent sur le comptoir. La marchandise leur est alors livrée au même endroit accompagnée de la monnaie qui leur revient, sans qu'un seul mot, ni même un seul regard, ne leur ait été accordé. Leurs uniques relations avec le monde extérieur sont d'ordre unilatéral à travers la radio et la télévision. Cela dure ainsi depuis des années.
-----C'est inhumain.
-----Que s'est-il passé ? Quels en sont les antécédents ?
-----Certains de ces malheureux sont des anciens combattants qui ont sacrifié leur sang et engagé leur vie pour la libération de ce qu'on leur avait dit être leur "Mère-Patrie", la France. D'autres ont servi dans des fonctions administratives plus ou moins exposées pendant l'occupation coloniale. Leurs titres leur ont permis d'accéder au rang de citoyen français. Leurs services leur ont donné droit à pension. Durant la guerre d'indépendance, outre leur allégeance aux deux bords, tous leurs soucis tournaient autour d'une même délicate précaution : comment ménager les uns sans paraître desservir les autres ? Bref, le sort les a épargnés et ils sont restés en vie.
-----Depuis la fin du conflit armé, leur existence a tourné au cauchemar. Les autorités algériennes évitent soigneusement de les recenser parmi les membres de la communauté nationale locale. Elles s'appuient sur les accords imposés par le Général Charles De Gaulle, lesquels spécifiaient le respect d'une "condition privilégiée des nationaux de chaque pays sur le territoire de l'autre". (cf : MEMOIRES d'ESPOIR, Editions PLON).
-----En conséquence, il s'agit là d'une preuve alibi.
 

-----Hélas ! Les malheurs engendrent souvent d'autres déboires. Ainsi lorsqu'une peccadille fait comparaître ces exclus devant les tribunaux locaux, le scénario dépasse tout ce que le Roi Ubu aurait pu imaginer. Ces prévenus tentent de s'exprimer dans les deux langues qu'ils connaissent : le français et/ou le kabyle. Les membres du tribunal, eux aussi kabyles, depuis le Président jusqu'aux greffiers en passant par tous les assesseurs, pratiquent et comprennent ces deux langues. Mais, les institutions algériennes exigent que tous les débats se déroulent en arabe classique ; il est donc obligatoirement fait appel à un "interprète". Dès lors, il arrive aux initiés de constater certaines distorsions dans la forme et, par conséquent, le fond des propos prêtés aux prévenus s'en trouve modifié sans que ceux-ci en soient conscients ou informés. .
-----Les désastreux résultats de ces malentendus sont tout simplement des monuments d'inadéquations entre les affaires faussement débattues et les jugements rendus...
-----Voyons, à présent, ce qui s'est passé du côté français.
L'Ordonnance du 21 juillet 1962 a fixé aux individus issus d'une souche indigène d'Algérie un délai de six mois pour faire connaître, devant un Juge de Tribunal d'Instance, une confirmation, baptisée "option" pour la nationalité française. Bien que ce délai ait été rapporté à 2 ou 3 reprises, il est arrivé une date butoir au-delà de laquelle cette opération de simple démarche administrative pour la reconnaissance de la nationalité française devait obligatoirement relever d'une procédure judiciaire complète.
-----Les délais initiaux n'ont pas pu être respectés par ces montagnards soigneusement tenus à l'écart et dans l'ignorance de ces obligations. Après le dépassement des dates limites imposées, tout recours par voie juridique auprès des autorités françaises leur a été pratiquement interdit. Un seul espoir restait à entretenir : vivre en riches dans ce pays de pauvres avec les revenus des pensions acquises.
-----Hélas ! Hélas ! Hélas ! L'extension à l'Algérie des dispositions édictées par la loi du 26 décembre 1959 a "gelé" et "cristallisé" le montant des pensions au taux atteint à la date du 1" janvier 1960. Cette injustice a fait fondre comme neige au soleil le volume des maigres revenus gagnés au prix du sang.
-----Voilà comment les Français ont abandonné ceux qui leur ont rendu leur Honneur. Voilà comment la France a renié ses engagements envers ses Libérateurs.
-----Dans quelle rubrique faut-il les comptabiliser ? Celle des morts-vivants, ou celle des inexistants encombrants ?
C'est ignoble.

Kab Nat-Iraten