Alentours d'Alger : Bérard sur la côte turquoise
LA CASCADE

Guides Bleus de 1955: « 55 km d'Alger (hôt.Nouvel Hôtel, 18 ch.,-rest.:Le Provence; de la Cascade), commune de 2000 hab.,près de la mer.La route, plantée de magnifiques platanes, traverse l'agglomération tout droit, en laissant à gauche une place au-dessus de laquelle une source abondante tombe en cascade.Un peu plus loin à g.,domaine de Ben Koucha.»

LÉGENDE de la CASCADE de BÉRARD (extrait de "Aux échos d'Alger", n°118, septembre 2012.
« J'ai hésité à donner ce titre au récit qui va suivre. Est-ce une histoire authentique ? Est-ce une légende ?

Il y a bien longtemps, demeurait entre CHENOUA et CHERCHELL, un richissime prince Berbère. Des jardins fabuleux entouraient son palais somptueux. Là, roucoulaient des colombes et des tourterelles dans le parfum capiteux des jasmins et des orangers. Ce prince avait
tout pour être heureux, et pourtant il ne l'était pas.

La plus jolie des filles, la petite princesse Tagoureit était née aveugle. Elle ne pouvait pas jouir des richesses qui l'entouraient, et se contentait de savourer les délicieuses friandises qu'on lui offrait, en écoutant le murmure des jets d'eau et les roucoulades des tourterelles.

Elle était vêtue de riches étoffes importées d'Orient. On tressait pour elle des colliers de jasmin qui se mêlaient aux sequins d'or entourant son cou de gazelle. Elle faisait tinter ses lourds bracelets de métal précieux incrustés de pierres fines pour le plaisir d'entendre leur musique. Mais aucun sourire n'éclairait son visage. Elle caressait ses longs cheveux sans pouvoir admirer leurs reflets dorés, et ne savait pas que ses yeux bleus avaient les couleurs changeantes de la mer.

Son père avait consulté en vain tous les marabouts des environs. Il avait payé fort cher une foule de talismans qui étaient censés rendre la vue à sa fille chérie. Mais tous l'avaient déçu.

Il se décida un jour à se rendre à BLIDA, où résidait un saint homme qui faisait, disait-on, de véritables miracles. Mais le prince devait être accompagné de la petite Tagoureit.

Il fit atteler ses boeufs les plus beaux à un chariot garni de somptueux tapis et de confortables coussins finement brodés, le transforma en palanquin recouvert d'étoffes soyeuses et légères, y installa la petite princesse et ses suivantes.

Toute une escorte de cavaliers armés de sabres et de fusils, entoura le précieux attelage afin de défendre contre les attaques éventuelles des malfaiteurs ou des panthères, qui hantaient les collines.

Le soir tombait lorsqu'ils arrivèrent dans une tribu située près d'un oued descendant des collines jusqu'à la mer. La jeune aveugle exprima le désir de passer la nuit en cet endroit. Le père acquiesça, et la caravane campa auprès d'une magnifique cascade. De chaque côté de cette chute d'eau, retombaient des lierres et des clématites, qui formaient un épais rideau de verdure.

Il avait fait très chaud ce jour-là, Tagoureït et ses suivantes furent enchantées de pouvoir se rafraîchir, et s'offrirent de l'eau qui, en gouttelettes fines, semblait tomber du ciel.

A peine la petite princesse avait-elle ; fait ses premières ablutions, qu'elle poussa un immense cri de joie. Pour la première fois, ses compagnes
l'entendirent rire. Miraculeusement, , elle venait de recouvrer la vue ! Elle pouvait enfin contempler le coucher d'un soleil de feu sur l'immensité de la mer, voir le visage de son père et de ceux qui l'entouraient, se régaler avec ravissement des beautés de la nature.

Son père, transporté de bonheur serra Tagoureït sur son coeur, distribua des poignées de pièces d'or aux pauvres gens accourus. Il demanda qu'Allah fut remercié, Allah le grand, Allah le miséricordieux, Allah le tout puissant. Les prières de reconnaissances montèrent vers le ciel, et, dès qu'elles furent achevées, il décida que près de la cascade serait édifié un marabout où l'on viendrait se recueillir.

Il tint sa promesse, et l'on donna à la tribu voisine le nom de Tagoureit. Malheureusement, le marabout fut détruit lors du tremblement de terre de 1867 et ne fut pas reconstruit. Mais un vieil olivier au tronc creux le remplaça, et chaque vendredi, les musulmans des environs prirent l'habitude d'y faire brûler des « châalolo », ces petites bougies roses ou vertes que l'on trouvait dans tous les hanouts (boutiques) proches, en ne manquant pas de se laver le visage dans l'eau miraculeuse de la cascade.

Lorsqu'arrivèrent les Français (1857-1858), la tribu de Tagoureït devint le ravissant village de BERARD, du nom de l'officier de marine chargé du service topographique, qui avait tracé les plans de la future petite cité.

On capta la source qui alimenta en eau, les maisons et les jardins, mais on respecta la cascade en souvenir de la petite princesse, la princesse aux cheveux d'or et aux yeux bleu-changeant couleur de mer... »
Maryse RICHE-MULLER - Extrait de « Contes de mon gourbi » 28, Clos des Mésanges - 73100 TRESSERVE

mise sur site : octobre 2012

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