Beni-Messous - Alger, ses alentours :
Le " dépôt de mendicité " de Beni-Messous va être remis en service.

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Grâce aux renseignements que nous fournit, avec sa grande amabilité coutumière, M. Gavarry, l'architecte chargé par le Gouvernement de l'aménagement du domaine, nous avons pu visiter en détail les anciennes organisations et les comparer avec celles dont la mise en service ne saurait attendre plus longtemps.

Les anciens bâtiments ne sont plus que des ruines. Une porte voûtée, surmontée d'une grande plaque de marbre portant l'inscription : " dépôt départemental de mendicité créé le 1er mars 1875 ", laisse entrevoir, dès l'abord, une végétation indisciplinée qui envahit les cours. A l'intérieur, les diverses portes sont surmontées de planchettes sur lesquelles subsistent des vestiges de plaques de cuivre ajouré indiquant : " Boulangerie ", - " Cuisine ",- " Magasin aux vivres ", etc.. La boulangerie est aujourd'hui transformée en cimetière d'instruments aratoires ; le réfectoire est encombré de vieilles tables, de fers de lits tordus et rouilles. Dans une seconde cour se dresse encore un long lavabo en maçonnerie sur lequel, derniers témoins, sont encore scellés trois ou quatre robinets de cuivre. Plus loin, se trouve l'infirmerie des femmes. Les fenêtres, ornées de grilles, sont presque totalement obstruées par les toiles d'araignées se confondant avec les lambeaux de toile de sac qui servaient de rideaux. La salle est lugubrement sombre. Aux murs sont encore accrochées de petites tablettes de bois où sont collées des étiquettes portant chacune un nom et une date : " Boumezil Zehaïr, entrée le 20 mars 1912 " _ " Mary Catherine, entrée le 15 novembre 1907 ". Combien de femmes, misérables épaves, ont connu dans ce coin sombre quelques jours de bonheur avant de reprendre la route ou bien avant de mourir.

D'autres cours font suite à ces bâtiments. Là, l'herbe folle a prospéré partout ; il y croît aussi des figuiers et une treille qui, malgré son abandon, produit de belles grappes. Enfin, un dernier bâtiment à étage. Le rez-de-chaussée est encombré de caisses à lapins. Un escalier de marbre conduit au premier étage. La toiture d'une aile s'est effondrée et le parquet est jonché de plâtras, de fers de lits, de gouttières d'infirmes et de matelas éventrés qui offrent le plus parfait spectacle de dévastation. On croirait voir encore un des hôpitaux du front après le passage de la mitraille.


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Afrique du nord illustrée du 26-9-1931 - Transmis par Francis Rambert
mise sur site : nov.2021

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A LA CITÉ INDIGÈNE D'ASSISTANCE DE BENI - MESSOUS
Le " dépôt de mendicité " de Beni-Messous va être remis en service.

On s'occupe beaucoup, en ce moment, de remettre en état le domaine de Beni-Messous qui, avant la guerre et jusqu'en 1916, fut effectivement un " dépôt de mendicité ". C'est là, en effet, qu'étaient conduits tous les chemineaux des deux sexes et de toutes nationalités qui se rencontraient sur les routes du bled et aussi dans les rues des villages et des villes.

Grâce aux renseignements que nous fournit, avec sa grande amabilité coutumière, M. Gavarry, l'architecte chargé par le Gouvernement de l'aménagement du domaine, nous avons pu visiter en détail les anciennes organisations et les comparer avec celles dont la mise en service ne saurait attendre plus longtemps.

Les anciens bâtiments ne sont plus que des ruines. Une porte voûtée, surmontée d'une grande plaque de marbre portant l'inscription : " dépôt départemental de mendicité créé le 1er mars 1875 ", laisse entrevoir, dès l'abord, une végétation indisciplinée qui envahit les cours. A l'intérieur, les diverses portes sont surmontées de planchettes sur lesquelles subsistent des vestiges de plaques de cuivre ajouré indiquant : " Boulangerie ", - " Cuisine ",- " Magasin aux vivres ", etc.. La boulangerie est aujourd'hui transformée en cimetière d'instruments aratoires ; le réfectoire est encombré de vieilles tables, de fers de lits tordus et rouilles. Dans une seconde cour se dresse encore un long lavabo en maçonnerie sur lequel, derniers témoins, sont encore scellés trois ou quatre robinets de cuivre. Plus loin, se trouve l'infirmerie des femmes. Les fenêtres, ornées de grilles, sont presque totalement obstruées par les toiles d'araignées se confondant avec les lambeaux de toile de sac qui servaient de rideaux. La salle est lugubrement sombre. Aux murs sont encore accrochées de petites tablettes de bois où sont collées des étiquettes portant chacune un nom et une date : " Boumezil Zehaïr, entrée le 20 mars 1912 " _ " Mary Catherine, entrée le 15 novembre 1907 ". Combien de femmes, misérables épaves, ont connu dans ce coin sombre quelques jours de bonheur avant de reprendre la route ou bien avant de mourir.

D'autres cours font suite à ces bâtiments. Là, l'herbe folle a prospéré partout ; il y croît aussi des figuiers et une treille qui, malgré son abandon, produit de belles grappes. Enfin, un dernier bâtiment à étage. Le rez-de-chaussée est encombré de caisses à lapins. Un escalier de marbre conduit au premier étage. La toiture d'une aile s'est effondrée et le parquet est jonché de plâtras, de fers de lits, de gouttières d'infirmes et de matelas éventrés qui offrent le plus parfait spectacle de dévastation. On croirait voir encore un des hôpitaux du front après le passage de la mitraille.

C'est, en effet, la guerre qui, indirectement, a fait de ce refuge de miséreux une ruine de plus. Depuis 1916, ce domaine de 74 hectares, avec des bâtiments de plus de 100 mètres de long, a dû être abandonné. Après avoir fonctionné normalement depuis sa création jusqu'au milieu de la guerre, ce dépôt de mendicité a vu décroître sa clientèle. A partir de cette époque, il n'y eut plus de mendiants, ou, plus exactement, on avait d'autres chats à fouetter que de continuer à s'occuper d'eux. Les quelques idiots et épileptiques qui y demeuraient encore furent expédiés à Douera. Et cependant, c'était là une bien bonne chose pour les malheureux qui, ramassés par les services spéciaux étaient amenés à Beni-Messous où on les réconfortait moralement et physiquement. Lorsqu'ils étaient aptes à reprendre la route, ils se dirigeaient vers Staouéli où les Trappistes les hébergeaient encore pendant trois jours... puis ils se laissaient reprendre et revenaient à Beni-Messous.

Les fêtes du Centenaire ont permis de faire quelques économies. C'est sur ces sommes que deux millions ont été prélevés pour la remise en état des ruines de Beni-Messous, et pour la création de nouveaux bâtiments dont l'un d'eux est terminé: l'infirmerie.

Quel contraste avec les maisons voisines : de l'air, du soleil, des murs blancs, des carrelages clairs partout. Une salle d'épouillage pour les nouveaux arrivants, avec douche chaude et froide ; des salles de visite médicale et d'opérations ; de vastes dortoirs aux hautes et larges baies, sont réservés aux femmes, d'autres aux hommes, d'autres aux enfants, chacun dans des ailes distinctes et séparées par des cours largement ouvertes sur la campagne environnante. Buanderies et cuisines sont sobres mais nettes. On retrouve partout la recherche de ce qui est sain, gai et sans luxe inutile.

Mais là ne s'arrête pas l'effort tenté par le Gouvernement. Un projet d'orphelinat a été étudié et mis au point. Malheureusement il manque le principal pour réaliser la chose : l'argent. En effet, ce projet coûterait, pour l'ensemble, six millions, c'est-à-dire quatre millions de plus que la somme actuellement disponible. Aussi avons-nous dû nous contenter d'admirer sur le plan, les aménagements modernes du futur orphelinat de Beni-Messous. Il a été prévu de vastes bâtiments où seraient hébergés garçons et filles. Là leur seraient donnés les soins nécessités par leur santé en même temps qu'ils recevraient, avec un enseignement approprié, les premières notions d'un métier de leur choix.

Tel est le projet dont la réalisation est aujourd'hui commencée. Nous sommes heureux de voir reprendre, sous une autre formule, une œuvre de bienfaisance digne de notre belle Colonie.