Ben-Aknoun
Souvenirs de lycée

évoqués par Simon Joseph Agou

 

mise sur site le 8-2-2010

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Un de mes premiers souvenirs c'est mon arrivée au lycée, tardive accompagné par mon père depuis le sud à une journée de train. Je le revois me laissant entre les mains du surgé et filant dans la grande allée sans se retourner. Mon intégration s'est faite avec un mois de retard , les résultats de l'examen de sixième avaient mis du temps avant de m'atteindre dans mon bled.

Le Professeur d'histoire Montlahuc m'accueillit avec sa rudesse légendaire et me baptisa"decem annos natus".

Ensuite ma vie de potache prit son cours. Le samedi à midi le lycée se vidait et nous attendions le lundi matin pour que le sang renouvelé des externes vienne nous sortir de notre solitude.

Je garde une mémoire tendre des dimanches. Avec mon ami Guy Brody(+) nous prenions "le chemin romain" pour aller au cinéma à El Biar et nous remontions dare dare au lycée pour pouvoir prendre le repas du soir dans les temps car un surgé pointilleux était là pour interdire le chemin de la restauration aux retardataires.

A ce propos j'ai tristement découvert aujourd'hui que pour certains de nos amis nous sommes devenus les témoins de leurs destins.

Le mercredi soir était une soirée détente, c'était la soirée réservée au cinéma , à l'entracte on courait comme des altérés pour boire à la fontaine se trouvant dans la cour, il faisait si chaud.

De ces longues années il me reste des souvenirs épars , mais notre motivation était qu'il fallait réussir pour compenser les sacrifices des parents.

Le milieu était très hétérogène mais il nous faisait découvrir un pays que nous ne connaissions que par le petit bout de la lorgnette de notre village.

Nous étions confrontés à des camarades d'origines diverses et à ce moment là personne n'imaginait que cela se terminerait comme l'on sait.
Les Professeurs dont je me souviens parceque je pense qu'ils m'ont transmis quelque chose: Mouloud Mammeri, Hadj Saddok , Vital, Sautin, Bellot.

Les deux premiers, grâce à leur connaissance profonde de notre langue , m'ont inculqué l'amour du français et de ses subtilités, de son ambiguïté véhiculée par la polysémie. Vital , jeune femme Professeur de Physique, confrontée à des adolescents érectiles, mais compétente en évitant soigneusement de procéder à un queconque déconstructivisme.

Enfin Sautin et Belot si au dessus du niveau des classes qu'ils enseignaient, et dont je mesure rétroactivement la profondeur à l'aune de ma profession.

Il y avait aussi les amis, notre famille lycéenne, chacun avec ses habitudes et ses préférences.

Nous n'étions pas conscients que nous étions en train de forger notre avenir, et comme je l'écrivais il y a quelques temps à Carbuccia, aujourdh'ui nous nous rendons compte que ce passé si lent et déjà si loin finalement constituait une base familière et si chaude à nos coeurs ,une photographie de notre existence d'alors.

Dromigny m'a permis de renouer avec ce passé en sommeil.

Le premier bac nous fit quitter le bahut pour rejoindre Bugeaud, mais là les lourds pas de l'Histoire avaient commencé à ébranler nos vies.

Simon Joseph Agou.