ÉVENEMENT RICHE DE CONSÉQUENCES
POUR L'ÉVOLUTION CULTURELLE DE CE PAYS
M. NAEGELEN a posé la première pierre du futur lycée
d'enseignement franco musulman
" La France aura la fierté d'avoir instauré dans
ce pays l'instruction des hommes et des femmes, la
double culture et la synthèse de l'Orient et de l'Occident "
M. E NAEGELEN
Le ministre Naegelen a
posé hier matin, à la cité universitaire de Ben
Aknoun., la première pierre du premier lycée d'enseignement
franco-musulman.
Désormais. le jeune musulman pourra, tout en conservant l'enseignement
islamique, entrer dans nos
universités et se spécialiser dans la branche de son choix.
" La France, a déclaré le Gouverneur général,
aura la fierté d'avoir instauré dans ce pays ce qu'il
n'a
guère connu dans le passé : l'instruction des hommes et
des femmes, la double culture et la synthèse de l'Orient et de
l'Occident. "
TROIS CENT QUINZE INTERNES
Le Gouverneur général, accueilli par les autorités
et les étudiants, examine tout d'abord les plans du
nouvel édifice et écoute avec intérêt, les
explications de l'architecte, M. Lathuillière, avant de poser
la première pierre.
Le nouveau lycée franco-musulman. qui pourra recevoir environ
500 élèves. mettra 315 lits à la disposition des
internes.
Cet établissement préparera, avec les programmes de culture
moderne et en respectant la culture traditionnelle, au baccalauréat.
Ainsi se réalise le vu de M. Ibnou Zekri, directeur de
la medersa,
M. IBNOU ZEKRI
Dans son allocution, M. Ibnou Zekri remercie le gouvernement français
qui s'est penché avec sollicitude sur ce problème et rend
hommage å M. Naegelen pour ses efforts en faveur du projet d'unification
de l'enseignement.
Après avoir fait l'historique des medersas, depuis un siècle,
l'orateur ne cache pas ses regrets en
pensant qu'il faudra bientôt s'éloigner du vieux bâtiment
de Sidi-Abderrhaman et de son mausolée,
mais il dit aussi la satisfaction qu'il éprouve par le choix
du nouvel emplacement.
" Là, dit-il s'unissent les bonnes volontés, là
s'unissent nos âmes faites pour s'entendre. "
M. LE RECTEUR GAU
A son tour, M. le recteur Gau rend un vibrant hommage à M. Naegelen
et souligne l'importance
de l'événement de ce jour, " le plus riche de conséquence
pour l'évolution culturelle de ce pays ". Et il rappelle
les efforts déployés par le Gouvernement général
pour la réforme des medersas.
Bientôt sortira une élite qui aura acquis une double formation
et une double culture.
Le recteur, se tournant vers M. Naegelen. déclare : " Vous
n'avez pas seulement travaillé à abattre
les barrières qui séparaient deux cultures, mais a faire
concourir ces deux cultures au progrès commun pour le bien de
tous ".
LA RÉPONSE DE M. NAEGELEN
" J'éprouve, dans le geste symbolique que je viens d'accomplir
et qui consacre la naissance d'une magnifique école française,
une joie qu'il m'est difficile d'exprimer et que partageront tous les
hommes de bonne foi et tous les serviteurs de 1'Algérie et de
la France ", dit M. Naegelen.
Évoquant l'effort de la France dans le domaine de l'instruction.
Il ajoute :
" L'enseignement des medersas n'a pas cessé de se rapprocher
des normes françaises de l'enseignement secondaire et leur personnel
est maintenant intégré dans les cadres du second degré.
Nos medersas ont formé l'élite intellectuelle arabe-française
de ce pays et je me plais à rendre hommage à ces fonctionnaires
de la Justice, de l'Enseignement, de l'Administration civile, d'origine
musulmane qui, dans les villes comme dans les bleds les plus reculés,
représentent l'idée française.
Il est normal que nous ayons le souci de garder a l'Algérie cette
pépinière de fonctionnaires spécialisés.
mais il est aussi normal que nous songions à lui offrir des débouchés
mieux adaptés aux exigences du temps. "
Aussi M. Naegelen est-il heureux d'annoncer que le décret qui
consacre cette réforme a reçu l'accord de tous les ministres
intéressés et de faire part de cette nouvelle qui lui
est parvenue la veille au soir.
" Désormais, poursuit-il, dans les lycées d'enseignement
franco-musulman, le jeune musulman recevra une formation qui sera sanctionnée
par le baccalauréat, ce qui lui permettra, s'il le désire,
d'entrer dans nos universités et de se spécialiser dans
la branche de son choix. Je conseillerai même aux jeunes Français
d'origine d'aller, eux aussi, sur les bancs de ces lycées franco-musulmans,
acquérir une culture arabe et française et se préparer
dans les meilleures conditions àl une carrière algérienne
d'administrateur, de magistrat, de professeur, d'avocat ou de médecin.
"
M_ Naegelen pense aussi à la femme et à la jeune fille
musulmane qu'il voudrait voir bénéficier de
cette nouvelle institution. Il voit dans l'ancienne medersa, devenue
libre, le premier lycée d'enseignement franco-musulman de jeunes
filles et formule le vu que ce deuxième projet se réalise
rapidement.
LES PERSONNALITÉS
Autour de M. Naegelen. accompagné du capitaine Granger, nous
avons noté parmi les personnalités:
MM. Marcel Béiaïche, vice-président de l'Assemblée
algérienne, et de nombreux élus : M. Roux, préfet
d'Alger, accompagné de M. Genton, directeur du cabinet ; le recteur
Gau ; le professeur Sarrouy, doyen de la Faculté de médecine
et de pharmacie ; Breton. doyen de la Faculté de droit ; Royer,
doyen de la Faculté des sciences ; Ferrando, maire d'El-Biar
; Ibnou Zekri. directeur de la medersa ; Bouvier, inspecteur des medersas
; le cadi Tchanderli ; Bernasconi, avocat général, représentant
le procureur général ; Durand, premier président
de la cour d'appel ; le commandant
Core, représentant le général commandant la Ve
région aérienne ; les grands muphtis Baba Ameur et El
Hassimi.