Ben-Aknoun
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III/ QUELQUES
SOUVENIRS DE SIX ANS DE PENSIONNAT
Pour entamer ses six ans de pensionnat, encore devait-on en avoir le droit. Ce n'était pas si facile. En 1945 l'âge ne suffisait pas : il fallait avoir été reçu à un véritable examen dit " de sixième " passé hors de l'école du candidat et corrigé par des maîtres extérieurs. Il suffisait d'une demi-journée pour passer les quatre épreuves groupées deux par deux : deux en français et deux en arithmétique. o En français une dictée de 80 mots, sans piège : coefficient 2 Puis une analyse de texte aidée par de nombreuses questions, avec un peu de conjugaison et une courte rédaction : coefficient 4 o En arithmétique quatre opérations avec des décimales, et un problème : coefficient 6 Les copies étaient notées sur 10 et les résultats devaient être connus avant le premier août. La suppression de cet examen est intervenue en 1960, logiquement, dans la foulée de l'allongement de l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans l'année précédente. Bien évidemment il fallait que les parents accompagnent le nouvel élève. Cela prenait du temps car le père devait payer d'avance le premier trimestre à l'intendance et monter à la lingerie pour déposer les draps et serviettes du trousseau. Puis un surveillant montrait les classes et le dortoir où il fallait choisir sa place : venait alors le moment de redescendre et de verser les quelques larmes de circonstance. A/ Une journée habituelle dont voici l'emploi du temps des jours de classe
A cet emploi du temps je n'ajouterai que quelques bribes de souvenirs sur quatre professeurs et sur le cérémonial en usage au dortoir. En sixième un ballet de professeurs remplace le maître unique du primaire. C'est dire qu'en 6 ans j'ai vu passer tant de professeurs que j'ai oublié leur visage, même si leur nom figure sur les bulletins de notes que j'ai conservés. De Monsieur Verdier (Français 6°) je n'ai gardé comme souvenir qu'une seule phrase sans rapport avec le programme officiel : " j'aurais mieux fait d'être garçon de café car j'aurais gagné beaucoup plus ". Possible ; mais il aurait eu des horaires plus extensibles et des congés rétrécis. C'est à propos de Monsieur Sautin (Mathématiques) qu'avec Daniel nous avons le plus à dire. Bon cours, mais notation peu motivante. Monsieur Sautin n'était pas, comme Monsieur Collé (anglais) déjà cité une terreur : il ne distribuait pas d'heures de colle, seulement des zéros, des 0,25, 0,5 et 0,75. Pas de notes négatives non plus, zéro étant une sorte de limite mathématique. Daniel se souvient parfaitement de son entrée en fonction en 1° en forme de pseudo questionnaire :
L'avenir lui a donné raison : personne n'a obtenu ni 20, ni 19, ni 18, ni même 17, 16 15 ou 14. Treize pour les génies peut-être, 12 pour les surdoués et autour de 5 pour le plus grand nombre. J'ai conservé un bulletin de sixième dont je photocopie la ligne remplie par Monsieur Sautin. Vous pouvez voir qu'avec ½ je n'étais pas le dernier : il y avait encore 6 mathématiciens en perdition derrière moi. Par chance j'étais en voie d'amélioration !
J'ai gardé de l'estime pour Messieurs Ousaada
(Français) et Noël (Histoire-Géographie). Monsieur
Ousaada se distinguait de ses pairs
par ses pantalons " golf " étranges pour un homme de
sa taille et de son âge. Il marchait légèrement
voûté et lentement ; et avait un teint très blanc.
Il avait une élocution lente et ne parlait pas fort. Ses cours,
comme ceux de Monsieur Noël étaient intéressants
et sans stress. Pour le relevé des noms des absents par la surveillance générale, deux procédures existaient. Soit l'agent chargé de ce travail entrait dans la classe pour tendre au professeur une feuille à remplir, soit il recopiait sans entrer les noms que le professeur avait pris la précaution d'écrire lisiblement dans le coin du tableau noir, en haut à droite. Nous préférions que l'agent entre, surtout s'il était porteur d'une circulaire ou d'informations à faire lire par le professeur : cela offrait à nos neurones une pause favorablement appréciée. Les tables des élèves étaient à l'ancienne avec une planche où écrire inclinée et munie de deux encriers. Mais les encriers restaient vides. Nous avions des stylos " à pompe " que nous réapprovisionnions en pompant dans un flacon waterman (publicité gratuite). En première la fille qui était assise devant moi me fit découvrir une nouveauté dont elle était fière : un stylo à bille. Je ne fus pas séduit car je le trouvai un peu baveux : c'était un Reynolds. Publicité encore gratuite. La montée au dortoir se faisait en rangs approximativement par deux. A l'entrée du dortoir l'architecte avait prévu un sas avec, à gauche un local où les pensionnaires concernés pouvaient déposer leur valise, et, à droite, des WC normaux. Une fois dans la longue salle aux 40 ou 50 lits chacun devait se tenir debout au pied de son lit. C'était le moyen le plus simple et le plus rapide de compter et d'identifier les absents. Après quoi nous faisions notre lit avec les draps et couvertures que nous avions pliés le matin et déposés, en carré, au pied du lit. Nous avions un polochon à la tête du lit. Le mouvement vers l'abreuvoir-lavabos était collectif. Le garde-à-vous au pied du lit était également de mise en cas de chahut -ce fut exceptionnel- le temps que la somnolence assagisse les agités. B/
Une semaine habituelle. Le samedi la plupart des pensionnaires partaient chez eux ou chez leur correspondant à Alger. Il ne restait pas grand-monde au lycée : et tout cas pas de quoi remplir un dortoir entier, à moins qu'il n'y ait eu pléthore de collés. Et même dans ce cas l'administration pouvait, par commodité, prononcer un sursis à exécution de la colle. Ceux qui dormaient au lycée le samedi, le quittaient le dimanche à partir de 8h et jusqu'à 19h. J'ignore si des élèves, collés ou pas, restaient au lycée tout un dimanche, et quel pouvait être alors leur emploi du temps. Il me semble qu'il existait des colles du dimanche matin, mais pas du dimanche après-midi. C/
Un trimestre habituel.
Les notes prises en compte pour cette répartition étaient essentiellement celles des compositions ; une composition dans chaque discipline évaluée. On appelait composition un devoir surveillé par le professeur et en temps limité portant sur tout le programme d'études du trimestre concerné. C'était assez stressant : un mini examen de spécialité en quelques sorte. Les notes obtenues aux devoirs faits " à la maison " ou en étude, ainsi que les leçons (l'élève était alors envoyé au tableau au début de cours) ne servaient qu'à nuancer les appréciations du bulletin envoyé aux parents. Les compositions ont toujours été notées
sur 20 alors que leçons et devoirs " à la maison
" ont longtemps été notés sur 10. C'était
précisé sur le relevé intermédiaire envoyé
aux familles. Les parents recevaient donc des relevés de notes
en nombre variable, et trois bulletins trimestriels. Sur le bulletin
du troisième trimestre pouvaient figurer d'autres mentions :
Vous avez remarqué, tout en bas, le nom d'un professeur adjoint. C'était le nom du surveillant principal de la classe, chargé notamment de l'étude du soir. Pour des raisons de " poids " j'ai coupé l'appréciation générale avec le tampon de la signature du Directeur. Avec Daniel nous gardons le souvenir d'un surveillant qui avait passé l'âge d'être étudiant comme ses collègues. Il portait presque toujours une longue pèlerine noire et avait une main rigide dans un gant noir. Nous l'imaginions en victime de la guerre de 14 bénéficiant d'un " emploi réservé ". N'oublions pas qu'en fin de première il fallait passer la première partie du baccalauréat : véritable examen avec écrit et oral , dans toutes les disciplines (sauf l'EPS), créé en 1874 et supprimé en 1963. Il fallait être reçu à l'écrit (on disait admissible) pour avoir le droit de passer les épreuves orales Il fallait être reçu à l'oral (on disait admis) pour entrer en terminale où se préparait, à Bugeaud, la deuxième partie du baccalauréat qui donnait, lui, le doit de présenter, l'année suivante, un examen propédeutique qui donnait, enfin, le droit d'entrer à l'université. Il existait une session de rattrapage en septembre. Si vous ajoutez le BEPC que tous présentaient en fin de troisième bien qu'il ne donnât pas le droit d'entrer en seconde, vous aurez fait le tour de toutes les épreuves subies par les élèves d'avant 1960. |