-Alger, Belcourt.
Les Nouvelles Halles Centrales d'Alger.
Une réforme qui s'imposait. - Du provisoire qui peut durer.
- Aspect des bâtiments et économie du système :
Carnet de vente, suppression des séances d'après-midi.
- Réflexions en manière de conclusion provisoire.

Ainsi donc les nouvelles Halles Centrales d'Alger auront, dans quelques jours, semble-t-il, vaincu toutes les oppositions, mis en déroute toutes les controverses suscitées par les projets dont elles sont enfin nées. C'est en effet chose virtuellement réalisée : le marché de gros des fruits et primeurs, traditionnellement abrité sous l'unique hangar et épandu, en plein air, aux abords de la place de la Lyre, est transféré sur une partie des terrains qu'occupaient les abattoirs il y a un an : dans la partie Est du quartier de Belcourt, entre la rue Sadi-Carnot et le boulevard Villaret-Joyeuse.

La première objection qui se présente à l'esprit est que cet emplacement, dans un quartier excentrique, répond assez mal à l'idée que l'on se fait habituellement de Halles dites centrales. A quoi le fonctionnaire des Services municipaux auprès de qui nous nous sommes documentes à ce sujet réplique avec bon sens que le développement d'Alger est. concrétisé par une extension continue de l'agglomération vers l'Est et ne tardera pas à rapprocher du centre de la ville un point assurément un peu éloigné do son axe actuel. Et puis, il faut bien le dire, on n'avait guère le choix : il n'y a pas ailleurs, dans cette ville " linéaire " qui a poussé d'une façon un peu désordonnée jusqu'à présent, deux hectares de terrain vacant. De plus, quand nous avons en toute franchise exprimé une certaine crainte de voir des frais de transport grever les denrées entre les Halles centrales et les marchés de détail, on nous a fait observer aussitôt :

- Le marché de détail de Belcourt, rue de l'Union, est le plus éloigné actuellement du marché de gros de la Place de la Lyre. C'est précisément celui sur lequel les cours sont peut-être les moins élevés d'Alger, en dépit des frais de transport intra-muros.

N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande
TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.

Afrique du nord illustrée du 24-1-1931 + 1-8-1931 - Transmis par Francis Rambert

mise sur site :mai 2021

620 Ko
retour
 

Halles centrales
Halles centrales
( plan Vrillon, collection personnelle)

Les Nouvelles Halles Centrales d'Alger.
Les Nouvelles Halles Centrales d'Alger.
Les Nouvelles Halles Centrales d'Alger.
Une réforme qui s'imposait. - Du provisoire qui peut durer.
- Aspect des bâtiments et économie du système :
Carnet de vente, suppression des séances d'après-midi.
- Réflexions en manière de conclusion provisoire.

Ainsi donc les nouvelles Halles Centrales d'Alger auront, dans quelques jours, semble-t-il, vaincu toutes les oppositions, mis en déroute toutes les controverses suscitées par les projets dont elles sont enfin nées. C'est en effet chose virtuellement réalisée : le marché de gros des fruits et primeurs, traditionnellement abrité sous l'unique hangar et épandu, en plein air, aux abords de la place de la Lyre, est transféré sur une partie des terrains qu'occupaient les abattoirs il y a un an : dans la partie Est du quartier de Belcourt, entre la rue Sadi-Carnot et le boulevard Villaret-Joyeuse.

La première objection qui se présente à l'esprit est que cet emplacement, dans un quartier excentrique, répond assez mal à l'idée que l'on se fait habituellement de Halles dites centrales. A quoi le fonctionnaire des Services municipaux auprès de qui nous nous sommes documentes à ce sujet réplique avec bon sens que le développement d'Alger est. concrétisé par une extension continue de l'agglomération vers l'Est et ne tardera pas à rapprocher du centre de la ville un point assurément un peu éloigné do son axe actuel. Et puis, il faut bien le dire, on n'avait guère le choix : il n'y a pas ailleurs, dans cette ville " linéaire " qui a poussé d'une façon un peu désordonnée jusqu'à présent, deux hectares de terrain vacant. De plus, quand nous avons en toute franchise exprimé une certaine crainte de voir des frais de transport grever les denrées entre les Halles centrales et les marchés de détail, on nous a fait observer aussitôt :

- Le marché de détail de Belcourt, rue de l'Union, est le plus éloigné actuellement du marché de gros de la Place de la Lyre. C'est précisément celui sur lequel les cours sont peut-être les moins élevés d'Alger, en dépit des frais de transport intra-muros.

L'argument a sa valeur. Il en est un autre qui a de quoi apaiser plus sûrement l'Algérois moyen : c'est, que la Municipalité a la certitude de pouvoir, grâce à l'installation du marché de gros à Belcourt. faire baisser sensiblement le coût des denrées, le " prix de la vie "... Nous allons voir de quelle façon. En l'occurrence, il n'y a pas seulement transfert, mais bel et bien création. Il faut reconnaître, en effet, que le carreau de la Lyre ne pouvait décemment plus, depuis longtemps répondre à la définition que l'on a accoutumé de donner du " marché central ". Il fallait toutes les forces coalisées de la routine, de l'empirisme et aussi paraît-il, de quelques intérêts particuliers, pour laisser supposer qu'une ville de trois cent mille habitants, - et qui sait, de cinq cent mille peut-être demain, - pourrait éternellement s'accommoder d'une Halle à ce point exiguë que les commissionnaires s'y trouvent dans l'impossibilité de présenter leurs marchandises autrement qu'entassées, accumulées dans un désordre inextricable, et rendues parfois même invisibles pour les acheteurs.

Ce défaut de présentation, nous fait-on remarquer dans les bureaux de la Mairie, a des conséquences graves : il élimine du marché un important facteur, le plus noble élément de concurrence, et à coup sûr celui que notre époque désire le plus vivement de voir jouer librement : la qualité. Il s'en suit que les transactions se font le plus souvent au jugé, de confiance, et ce qui est plus déplorable, sans contrôle possible des cotations annoncées par les commissionnaires, seuls maîtres du marché.
Nos édiles et les fonctionnaires les plus avertis de ces questions ont la conviction qu'à la faveur de cette absence de contrôle, les prix sont couramment doublés dans le seul intervalle de deux transactions. Situation qui avait de quoi émouvoir des élus soucieux de défendre les deniers de leurs mandants. C'est de là que naquit l'idée de " normalisation " des cours, si fréquemment évoquée depuis deux ans au sein du Conseil municipal.

Normalisation. Un bien vilain mot pour exprimer un effort très louable : celui qui consiste à garantir le consommateur contre les risques continuels qu'engendre le bénéfice illicite, en imposant une juste limite aux différences de prix entra transactions de " gros " et transactions de " détail ". Évidemment, le contrôle qui est la base même d'une telle réglementation aurait été irréalisable au marché de la Lyre, où un grand nombre d'opérations s'effectue, faute de place, en dehors de l'enceinte théorique de la Halle...

Dix minutes après avoir quitté l'Hôtel-de-Ville et avoir entendu exposer clairement par M. Dejoux, l'un des chefs de service des Perceptions communales, l'esprit dans lequel la réforme était réalisée, nous arrivions, accompagné en auto par un jeune inspecteur fort actif, rue Sadi-Carnot devant les anciens abattoirs. Il n'est pas désagréable de constater que les lieux ont changé sensiblement d'aspect.
Toutefois, Halles Centrales, telles qu'elles se présentent au regard du visiteur non averti, encore qu'elles soient cinq ou six fois plus vastes et plus confortables que le Marché de la Lyre, ne sont pas précisément monumentales. On a même l'impression que si elles apportent une solution immédiate au problème que posait la nécessité d'un transfert urgent du " carreau ", et si cette solution donnera, pour un temps, entière satisfaction aux mandataires, il n'en est pas moins certain qu'avant peu d'années, en raison de l'accroissement de la population d'Alger, elles s'avéreront encore insuffisantes. Aussi bien nous en a-t-on averti : " Dans leur forme actuelle les nouvelles Halles, que vous allez visiter, ne constituent qu'un aménagement provisoire : le projet définitif est encore à l'étude. "
Ce projet définitif, digne d'une capitale comme il est permis de rêver l'Alger de demain, est d'une conception grandiose, mais, paraît-il, nullement disproportionnée. Il prévoit des édifices modernes, spécialement adaptés aux diverses fonctions de ceux qui les utiliseront, et un matériel d'exploitation rationnelle et complète, depuis un embranchement sur la voie ferrée toute proche, jusqu'aux outillages de détail tels qu'ils existent déjà dans la plupart des grandes villes d'Europe. Mais ce projet là représente une dépense de l'ordre de quarante millions, tandis que l'adaptation ingénieuse des anciens abattoirs à leur nouvelle utilisation n'aura coûté qu'un million et demi au budget de la commune.

Telle qu'est prévue, pour l'instant, l'organisation du marché en gros, l'entrée des véhicules, amenant les denrées vers les Halles, s'effectuera par les portails de la rue Sadi-Carnot dont nous avons franchi le seuil. L'évacuation se fera par la porte du boulevard Villaret-Joyeuse. Il semble, en effet, que ce soit la formule la plus logique : il faut songer à encombrer le moins possible l'artère très fréquentée de la rue Sadi-Carnot. Or, les arrivages ont lieu essentiellement la nuit et le matin de bonne heure. C'est à ce moment que les encombrements risquent le moins de troubler la circulation sur la rue Sadi-Carnot. Par contre, les sorties de véhicules se continuent parfois durant toute la matinée : le large boulevard Villaret-Joyeuse leur donnera accès non seulement sur la rue de Lyon, mais aussi sur le boulevard Thiers, spacieux et moins parcouru.

De chaque côté des portails d'entrée ont été édifiés des pavillons qui sont destinés à abriter les bureaux des services communaux de contrôle et de perception du marché et à loger le personnel de ces services.

La modification essentielle apportée dans la structure des anciens bâtiments des abattoirs, indépendamment d'une complète remise à neuf des locaux existants, réside dans la construction de larges auvents latéraux doublant presque la superficie utilisable de chacun des deux anciens halls d'abatage. De plus, une grande toiture à double pente, montée comme les auvents, sur charpentes métalliques, réunit les deux halls en question et réalise, d'un seul tenant, un vaste pavillon central.

L'espace couvert directement par la toiture métallique, qui réunit l'un à l'autre les deux anciens halls d'abatage, sera probablement réservé aux maraîchers qui désireront écouler directement leurs produits de culture, sans l'intermédiaire de commissionnaires. Ce projet donnera satisfaction aux producteurs primeuristes. On se souvient qu'il y a quelques mois leur syndicat envisageait la création d'un vaste marché coopératif. Ce projet, évidemment, avait ému vivement tout le commerce de répartition. Là encore, les nouvelles Halles centrales réaliseront, semble-t-il, un adroit compromis entre la formule exclusive du " marché coopératif " et l'ancien marché livré sans contrôle aux intermédiaires...

Au delà de ce pavillon central, au Sud, a été édifié un vaste hangar, également métallique, couvrant une superficie de près de quinze cents mètres carrés et qui servira également à la présentation des fruits et légumes. L'espace ne manquera donc pas : c'est une amélioration sensible dans ce que nous pourrions appeler la physiologie du marché, cette l'acuité qu'aura désormais chaque commissionnaire ou producteur d'exposer confortablement sa marchandise, d'en mettre en valeur éventuellement les avantages de fraîcheur, de format, de finesse, et de participer ainsi, dans le cadre de la localité communale, à cette politique de la qualité que préconisent les économistes modernes.

Mais ce ne sont là que réformes accessoires aux yeux de l'Administration municipale. Les innovations fondamentales, celles qui, dans son esprit, doivent réellement permettre de faire " la vie moins chère " , résident essentiellement dans la nouvelle réglementation intérieure du marché de gros, notamment dans l'institution du " Carnet de vente " obligatoire, tenu par chaque commissionnaire. Ce dernier devra, pour chaque transaction, inscrire sur ce carnet, avec la désignation précise des quantités qui en font l'objet, le prix auquel elle a été effectuée. Cette inscription, par l'emploi du papier copiant, sera faite simultanément en trois exemplaires : l'un sera adressé à l'expéditeur et lui permettra ainsi d'être tenu exactement au courant des résultats du marché conclu; le second sera remis, à la sortie des Halles, au bureau du receveur et servira de base à la perception des droits de marché ; le troisième, enfin, sera fourni à l'acheteur et les contrôleurs pourront en demander communication en vue de le confronter avec celui qui aura été remis à la sortie par le commissionnaire.

Ces fiches permettront du même coup d'établir officiellement et avec exactitude, chaque jour, les cours moyens réels des divers produits, de localiser, le cas échéant, les augmentations excessives enregistrées sur un produit donné et constitueront, pour le consommateur, un élément de sécurité en lui permettant de confronter les prix de la veille aux Halles Centrales avec ceux qui lui seront imposés par ses fournisseurs le jour même et pour la même marchandise.

L'application de ce système soulèvera, évidemment, quelques difficultés dans la pratique. Une objection est surtout opposée fréquemment à rencontre du " carnet de vente ", nous dit l'aimable fonctionnaire qui nous conduit à travers les arcades en quinconces des Halles, C'est que de nombreux indigènes, qui exercent le métier de commissionnaires, sont, paraît-il, tout à fait illettrés. Mais, ajoute notre guide, j'ai la conviction que l'on arrivera à aplanir cette difficulté, pour cette raison bien simple que le Maire d'Alger a la volonté très ferme de faire aboutir la réforme en ce sens...
- Vous voyez ces autres bâtiments. Nous voyons en effet. De chaque côté des esplanades de circulation qui entourent le pavillon central, des constructions plus modestes d'allure sont divisées en un grand nombre de pièces.

Voilà qui servira, nous dit-on, de resserre aux commissionnaires pour leur matériel : corbeilles, instruments de pesage, récipients divers. Mais, notez-le bien, - c'est la seconde réforme capitale apportée au règlement du marché de gros - les marchandises ne pourront, en aucun cas, être entreposées là d'une séance de vente à l'autre. Les denrées invendues resteront sur le " carreau " et seront frappées, le lendemain, de nouveaux droits. Si bien, nous explique-t-on, que les commissionnaires seront incités à " lâcher " leurs marchandises à des prix raisonnables et ne pourront plus fausser les cours en retenant les produits, par devers eux, pendant vingt-quatre heures...

D'autre part, mesure tout aussi importante, puisqu'elle est le complément de la précédente, les séances de vente n'auront plus lieu que le matin. Ainsi sera abolie toute autre série d'influences néfastes pour les cotations : l'après-midi, en effet, sur le marché de la Lyre, les détaillants européens et mozabites des quartiers luxueux de la ville viennent s'approvisionner et provoquent, par leurs achats à des cours élevés, une hausse momentanée, qui a sa répercussion, dans la séance de vente du lendemain matin, sur des produits de qualité souvent inférieure...

Mais nous voici parvenus à l'autre bout des nouvelles Halles Centrales. L'ancien marché de Tafoura, le marché arabe des volailles, des œufs, des peaux, a été installé en cet endroit. On nous montre des terrains voisins des anciens abattoirs et qui sont l'objet de procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique... On prépare la réalisation du grand projet de Halles modernes...
Nous voici rentrés a Alger. On a envie, lorsqu'on revient du nouveau marché, d'aller faire un tour, le lendemain au petit, jour, vers le vieux marche grouillant de la place de la Lyre, qui va bientôt être avalé au rang de marché de détail. C'est tout un peu de la vie d'Alger qui va disparaître de ce coin : que vont devenir toutes ces échoppes de commissionnaires des alentours. " On payait là des loyers infimes. Il va falloir, me dit un négociant du quartier, s'installer à neuf aux abords des nouvelles Halles. Tout ça reviendra cher. "

Puisse la normalisation des cours éviter à la ménagère de payer cette différence de loyer sou par sou, chaque matin, en faisant son marché. Nous avons bon espoir que la réforme, réalisée par la Municipalité aux Halles Centrales, aura dans un avenir prochain toute sa portée.

Nous applaudissons néanmoins au gros effort qui vient d'être accompli et qui tend à doter la capitale algérienne des commodités et des contrôles absolument indispensables pour arriver à un abaissement sensible du " prix de la vie ".

Nous souhaitons en outre que les aménagements définitifs des halles centrales ne tardent point trop à être exécutés, malgré les sommes importantes réclamées pour leur réalisation.