le boulevard de la République- le front de mer - Alger
les Assemblées algériennes (chiffre 2 en rouge))
2 vues, 1plan, 1 article en 2 pages.

[...]
C'est plutôt en touriste ou en curieux que nous allons parcourir les divers couloirs.

Voici le grand vestibule d'entrée formant une cour encadrée de colonnades. Très haut, les voûtes découpent leur cadre incurvé sur un décor très beau. Au centre de l'espace ensoleillé, une immense vasque aux flancs de laquelle se dessinent de pures formes antiques est entourée de plantes vertes.

Suivant l'harmonieuse courbe des cintres voici, tout en face de nous, le plus beau panneau de céramiques dont puisse s'enorgueillir notre Colonie.

Triptyque évocateur de la vie rurale en Algérie, Cette composition met immédiatement le visiteur face à face avec les réalités du moment. Quelques colonnes, aux chapiteaux ioniques soutiennent une légère corniche au centre de laquelle s'éclaire une belle verrière de couleur. Et le beau soleil de l'Algérie se trouve coloré par ces glaces qui le transforment en jade et en or pur.

Rien n'évoque, avons-nous dit le grandiose. Pour qui a vu les splendeurs marocaines par exemple, le Palais des Assemblées Algériennes n'est rien. Si l'on s'en rapporte, entre autre, au palais de justice de Rabat, tout de marbre, d'onyx et de cèdre, il est évident que cet édifice n'est qu'un tout petit parent pauvre.
Et cependant, dans ses lignes sobres, grâce à sa simplicité, le grand escalier qui nous conduit au premier étage, en impose à chacun.

Voici maintenant les " pas-perdus " où un brouhaha intense nous montre que cette enceinte n'est point abandonnée et que, malgré son air sévère, elle n'engendre point la mélancolie.

En effet, par groupes, les délégués s'amusent semble-t-il, très bien. Certains rient et parlent haut ; d'autres se contentent de parler à mi-voix, mais ce qu'ils se disent doit être très drôle à en juger par la moue joyeuse de chacun. Enfin, tout le monde est heureux de se retrouver et, pour l'instant, les affaires sérieuses n'ont point encore acquis le droit de cité.


*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1934. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande
TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.

Afrique illustrée du 12-5-1934- Transmis par Francis Rambert
mai 2021

1100 ko
retour
 

la Banque d'Algérie et les Assemblées algériennes
Les Assemblées algériennes, à droite.
Les Assemblées algériennes, à droite.


Les Assemblées algériennes, plan de 1887

les Assemblées algériennes
les Assemblées algériennes

Le Palais des Assemblées Algériennes,

La session des Délégations financières vient de s'ouvrir. C'est pourquoi les Algérois ont vu défiler, par leurs rues, un cortège rutilant de spahis aux manteaux rouges, encadrant l'automobile dans laquelle avait pris place M. Carde, Gouverneur Général.

Combien, parmi ceux dont la surprise d'assister à ce défilé a été heureuse, sont-ils allés jusqu'où se rendait le cortège ? Bien peu, sans doute et, quand bien même ils auraient suivi la colonne piaffante, ils auraient dû s'arrêter aux portes du Palais des Assemblées Algériennes.

C'est donc pour eux que nous avons pénétré dans ce sanctuaire où sont discutées, pesées, les destinées de la Colonie.

Ce n'est pas, malgré l'importance de la porte d'entrée, une sensation de grandiose que l'on ressent dès les premiers pas. L'huissier préposé à la garde de cette première issue est fort correct, très même, mais on ne passe devant lui qu'en montrant patte blanche.
- " Monsieur ?... "
- " La Presse. "
- " Votre carte s'il vous plaît ? "
- " Voici. "
- " Merci Monsieur. "

La formalité est simple, mais il la faut accomplir.

Ainsi donc, voici l'antre mystérieux dans lequel se réunissent les délégués financiers de l'Algérie, chaque fois qu'il est utile de délibérer sur des questions dont la gravité est toujours grande.

Quant à nous, nous ne nous occuperons nullement de ces discussions, nos confrères de la Presse quotidienne emplissant, avec force détails, de nombreuses colonnes sur les diverses manifestations de cette assemblée.

C'est plutôt en touriste ou en curieux que nous allons parcourir les divers couloirs.

Voici le grand vestibule d'entrée formant une cour encadrée de colonnades. Très haut, les voûtes découpent leur cadre incurvé sur un décor très beau. Au centre de l'espace ensoleillé, une immense vasque aux flancs de laquelle se dessinent de pures formes antiques est entourée de plantes vertes.

Suivant l'harmonieuse courbe des cintres voici, tout en face de nous, le plus beau panneau de céramiques dont puisse s'enorgueillir notre Colonie.

Triptyque évocateur de la vie rurale en Algérie, Cette composition met immédiatement le visiteur face à face avec les réalités du moment. Quelques colonnes, aux chapiteaux ioniques soutiennent une légère corniche au centre de laquelle s'éclaire une belle verrière de couleur. Et le beau soleil de l'Algérie se trouve coloré par ces glaces qui le transforment en jade et en or pur.

Rien n'évoque, avons-nous dit le grandiose. Pour qui a vu les splendeurs marocaines par exemple, le Palais des Assemblées Algériennes n'est rien. Si l'on s'en rapporte, entre autre, au palais de justice de Rabat, tout de marbre, d'onyx et de cèdre, il est évident que cet édifice n'est qu'un tout petit parent pauvre.
Et cependant, dans ses lignes sobres, grâce à sa simplicité, le grand escalier qui nous conduit au premier étage, en impose à chacun.

Voici maintenant les " pas-perdus " où un brouhaha intense nous montre que cette enceinte n'est point abandonnée et que, malgré son air sévère, elle n'engendre point la mélancolie.

En effet, par groupes, les délégués s'amusent semble-t-il, très bien. Certains rient et parlent haut ; d'autres se contentent de parler à mi-voix, mais ce qu'ils se disent doit être très drôle à en juger par la moue joyeuse de chacun. Enfin, tout le monde est heureux de se retrouver et, pour l'instant, les affaires sérieuses n'ont point encore acquis le droit de cité.

De ce côté-ci se sont les vestiaires. Ce lieu est à peu près vide et ne sert généralement qu'à quelques vieux messieurs désireux de remettre d'aplomb un nœud de cravate défaillant ou un revers de veston parti à la dérive

Quelques salles de réunion sont encore là pour occuper le couloir de face. Il y a sur les portes des indications telles que celles-ci : " Salle des colons " - " salle des Kabyles " et enfin... " Buvette ".

A l'instar de la Métropole, l'Algérie a, en effet, doté ses élus, lorsque ceux-ci se trouvent réunis au Palais des délibérations, d'une buvette... Une gentille serveuse est là pour verser à chacun le liquide coloré et désaltérant.

Mais ce ne sont pas surtout les délégués qui usent de cet endroit. Les journalistes y font des stations souvent prolongées et discutent à qui mieux-mieux sur les faits saillants de la journée, tâchant de " brûler ", si possible, le confrère trop confiant.

Voici maintenant la salle des délibérations : vaste hémicycle où s'incurvent plusieurs rangées de pupitres qui ne servent point de claquoirs comme ceux de la Chambre des Députés. Nos élus algériens sont plus calmes, plus corrects. Il en est bien, évidemment qui font de ces pupitres un usage qui ne leur est point rigoureusement prescrit. Pendant les séances ce sont, en effet, de nombreuses lettres écrites à des personnes dont les fonctions n'ont rien les rattachant à nos assemblées.

Les discours prononcés par les orateurs peuvent ne pas toujours intéresser, j'en conviens, mais cependant les " écrivains " assis à leur banc feraient sans doute mieux de faire tout au moins semblant d'écouter. Enfin, les juges somnolent bien sous leur toque…

Face à l'hémicycle, la tribune officielle semblable à toutes les tribunes, mais qui diffère cependant par un détail : au lieu du buste de Marianne, c'est un haut-relief du Gouverneur général Laferrière qui la domine.

Les loges réservées au public et aux journalistes s'inscrivent à mi-hauteur des murs et donnent à la salle l'aspect d'un coin de théâtre avec ses loges d'avant-scène. Cette impression est encore accentuée, les jours où siègent les assemblées, par de riantes et claires toilettes féminines tachant la pénombre de couleurs vives. Dans la loge des journalistes, les képis galonnés des gendarmes de service et même du commissaire central, scintillent de tous les feux du plafonnier.

Par les escaliers menant aux divers étages du bâtiment, les gendarmes de service se promènent du haut en bas de l'édifice et. dans les couloirs, le silence est seulement troublé par le bruit de leurs talons sonnant clair et ferme sur le carrelage brillant.

Parfois, un huissier, affairé, débouche tout à coup d'une porte et s'élance à la poursuite d'on ne sait quelle personnalité.

Là-bas. le cabinet du Gouverneur Général est défendu par un homme à la stature imposante, aux moustaches en bataille et que l'on pourrait croire très méchant si ses bons yeux rieurs ne démentaient absolument cette impression première.

Tout de noir vêtu, le revers de l'habit couvert d'une imposante " brochette " de décorations multicolores, le ventre orné d'un médaillon de forte taille retenu par une chaîne brillante, l'huissier est l'homme qui entend tout, voit tout mais ne dit jamais rien. C'est un gentil cerbère, affable et courtois, grâce à l'obligeance de qui on peut jeter un coup d'œil rapide sur le bureau du chef de la Colonie.

Dans le vestibule, une belle statue antique, dont le relief est merveilleusement accusé par un éclairage doux et net à la fois, fait le pendant à d'autres, disséminées un peu partout, au long des couloirs et dans l'escalier.

Tout près de là, le grand salon avec ses fresques dues au pinceau de grands artistes est, à lui seul, l'évocation de toute la beauté de l'Algérie. Scènes de la vie rurale, évocation des cités mortes ou aujourd'hui prospères se suivent en un ensemble fort beau.

De confortables fauteuils de cuir, des bureaux, des plantes vertes ornent cette immense pièce au plafond très haut, ouverte sur la mer par des baies larges et pleines de soleil.

Des balcons, la vue sur le port est unique. Tout le golfe même s'étale sous les yeux. Du bleu partout, du soleil à profusion et là-bas, sur la pointe extrême du cap Matifou se piquent quelques cubes blancs : les cabanons.

Au vent, juste au milieu de la façade, un grand drapeau tricolore claque, joyeux lui aussi de saluer cette splendide échappée sur la mer.

En bas, sous les pieds, des agents et des gendarmes font les cent pas, parlent tranquillement et quelques promeneurs, intrigués par ce déploiement inusité de forces, s'arrêtent un instant, questionnent les représentants de la force publique, hochent la tête et poursuivent leur chemin.

Dans cette immense salle, dont la décoration est une véritable page de l'histoire de l'art en Algérie, se trouve encore une cheminée monumentale en marbre blanc, ornée d'une grille en fer forgé du goût le plus sûr et d'un caractère indigène parfait, s'alliant très bien avec l'ensemble de l'architecture.

C'est, là que viennent se détendre les délégués financiers, entre les séances. C'est en somme le " Foyer des artistes " où l'on fume, parle et rit. Les personnes qui désirent s'entretenir avec les membres des assemblées y sont reçues et il est assez intéressant de suivre, sur leur physionomie la marche ascendante de leur surprise heureuse.

Tout, en effet, contribue à donner à ces lieux l'aspect que l'on attendait ailleurs de grand, de magnifique, de somptueux. L'impression première, lorsque l'on pénètre dans le Palais des Assemblées Algériennes, est, non pas quelconque, mais il semble cependant qu'il manque un cachet de grandeur, de majesté auquel on s'attend forcément, parce que c'est ici le sanctuaire où se précisent les destinées de la Colonie.

Et bien, cette impression, on la trouve enfin dans, cette salle. De la beauté certes, voilà ce qui nous est offert, mais aussi une profonde sensation de grandeur sereine provoquant, avec le respect, l'admiration.

Notre visite aux Délégations. Financières est terminée. Nous laissons à d'autres le soin de critiquer (ou d'applaudir) les résultats obtenus par ceux qui y siègent.