BAB-EL-OUED : la place Lelièvre
Documents fournis par Mme Jeannine PONS née PASTOR, extraits d'un
reportage de l'Echo d'Alger en 1957 sur Bab-el-Oued.
------Voici la Place
Lelievre
------Chaque
fois que j' y reviens, je ne peux pas m'empêcher de penser à
mes amis les animateurs de l'admirable Amicale des anciens élèves
de l'école dont le dévouement est à la fois un symbole
et un réconfortant exemple. Je revois le visage de M. Landois,
des frères Félicié, de M. Solivérès
dont j'aime beaucoup le talent de chansonnier, et de M. Chertier pour
qui donner est un sacerdoce.
------La Place
Lelièvre, c'est l'un des hauts lieux de Bab-el-Oued... Mais l'Amicale
des anciens élèves de l'école, qui réunit
trois générations du faubourg, c'est beaucoup mieux encore.
C'est l'un des hauts lieux de la générosité et du
dévouement.
------On connaît
en général et l'on s'amuse volontiers de la gaieté
de Bab-el-Oued. On ne sait pas assez que derrière cette gaieté
se cache une sensibilité aiguisée par une longue habitude
des difficultés et des misères de la vie. La gaieté
c'est une sorte de pudeur des gens qui savent que si l'on veut aider efficacement
ses semblables, il ne faut pas se plaindre, mais les aider à réintégrer
la joie de vivre. C'est une délicatesse raffinée, que les
Barbares ne comprendront jamais mais que les humbles connaissent comme
une vertu familière.
------Et parce
que l'Amicale des anciens élèves de la Place Lelièvre
m'a appris à mieux entrer dans le secret de ce miracle, je lui
garde une affectueuse reconnaissance, que je veux lui offrir aujourd'hui...
comme un hommage.
COUR DE RECREATION
DU FAUBOURG
------- -L'Armée
aime à comparer ses enfants à des animaux héroïques
ou débonnaires. Les anciens Zouaves furent, dit-on, des chacals
en Afrique et des lions à Verdun... et parce que, un jour, les
bataillons d'Afrique du capitaine Lelièvre résistèrent
victorieusement dans la redoute de Sidi-Brahim contre un ennemi cent fois
supérieur en nombre, la légende s'empara de leur héroïsme
à travers un calembour. On baptisa ces braves " les lapins
du capitaine Lelièvre "
------Depuis,
le temps a passé... ô combien vite - comme disaient les chansonniers
du Chat Noir - les soldats français ont été appelés
à d'autres exploits. Rien n'est plus éphémère
que le souvenir de l'héroïsme... il ne reste aujourd'hui de
cette épopée oubliée, qu'un nom sur une plaque :
Place Lelièvre.
------Mais
il me plaît de penser que cette place et ce nom sont magnifiquement
associés. La Place Lelièvre, c'est aussi une redoute...
un bastion... l'un des derniers carrés où survit un reflet
du Bab-el-Oued des premiers âges. Et quel que soit l'assaut formidable
des années nouvelles, il ne parvient pas à réduire
entre ces murs inspirés, le souvenir du passé. La Place
Lelièvre, c'est avec la Cantère, la Baseta et la Pompe,
l'une des marraines du vieux faubourg... une marraine magnifiquement vivante,
qui fait pendant à ces parrains disparus qui s'appellent le Moulin,
le Pont, 1' oued et le Bain des familles.
le bain des familles "
la plage de Bab-el-Oued avec, au loin, Notre Dame d'Afrique
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la place Lelièvre et l'église Saint Joseph
( Il y a peut-être Francis dans la cour ? )
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-------Autrefois,
elle n'était qu'un terrain vague. Puis au bord de cette lande on
construisit une église et une école. Elles existent toujours.
Dans l'église Saint-Joseph, Cagayous s'est marié et sur
les bancs de l'école Lelièvre sont passés, non pas
seulement toutes les générations d'enfants du faubourg,
mais bien d'autres garnements qui sont allés aux quatre coins du
monde français jeter un témoignage de la qualité
de l'enseignement qui leur avait été dispensé sur
cette nouvelle " colline inspirée ".
------Il n'y
avait alors autour de l'école et de l'église que de petites
maisons basses... et naturellement aucune clôture ne délimitait
la place. Dans la partie la plus basse, il y avait des acacias et une
fontaine. Quand Pépino venait donner une représentation,
on logeait les artistes dans le local voisin qui avait été
une synagogue. Pépino, c'était un embryon de cirque. Mais
ce n'était pas la seule attraction offerte à l'avidité
des gosses. Le dimanche, on faisait jouer le cinématographe ".
On disposait des toiles, autour des bancs alignés.., et l'on faisait
payer cinq sous l'entrée dans ce paradis de l'illusion.
------"
C'était bien assez une fois par semaine, m'a dit M. Carrio qui
habite la Place Lelièvre depuis 64 ans... On ne pouvait pas jeter
cinq sous tous les jours! "
------Une
fois par an quand les conscrits revenaient du Conseil de révision,
on donnait un bal. Le reste des jours, les jeunes jouaient aux billes
et les adultes jouaient aux boules, ce qui est une autre forme du jeu
de billes.
------Cependant,
il n'est pas de partie de boules digne de ce nom sans la sanction de la
tournée d'apéritif. Alors s'ouvrit le premier café,
le café du Tio Ramon qui occupait l'emplacement de l'actuel Bar
des Sports. Il fut vendu deux mille francs à une époque
où l'anisette valait un sou.
------Enfin
la Place Lelièvre accéda à la dignité de square
quand le maire d'Alger, M. Brunel, lui offrit le kiosque qui décorait
jusque-là le square Bresson que les Algérois ne veulent
pas se décider à appeler Briand.
------Il ne
restait plus qu'à habiller la place dans le corset d'une clôture
et à partager le centre entre les joueurs de boules et les joueurs
de billes.
------Ainsi,
la vieille place est-elle devenue en même temps une annexe de la
cour de récréation. Mais la clôture a mal résisté
à la turbulence des gosses du faubourg.
------"
Ce sont des diables!" m'a dit M. Carrio, le doyen de la Place Lelièvre,
Ils ont cassé la barricade... Puis il ajoute à travers un
sourire : "Il faut dire que de notre temps nous faisions comme eux!
"
Documents fournis par Mme Jeannine PONS née PASTOR,
extraits d'un reportage de l'Echo d'Alger en 1957 sur Bab-el-Oued.
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