------Un
square, à Bab el-Oued, où les gosses des deux communautés
venaient jouer, au soleil,à deux pas de la mer. Dans de nombreuses
rues, à Bab-et-Oued, musulmans et Européens cohabitaient
Chevallier étaitpartisan de ce contact dans la vie quotidienne,
qui crée les vrais liens.
-----Mais à Bab-et-Oued, il y
a aussi des rues qui ressemblent à celles de la basse Casbah,
uniquement peuplée de musulmans. Cet état de choses
deviendra tragique, avec le temps, quand le terrorisme du F.LN. déclenchera,
chez les Européens, ces colères meurtrières,
dévastatrices, qu'on appela les " ratonnades ". |
-----A Toussaint, c'est la fête des
morts, mais cette année-là, elle était égayée
par le pont qu'on faisait du samedi-dimanche, qu'on rentrait tous travailler
mardi, formidable !
-----Malgré tout, bien sûr,
c'était la Toussaint, fête des morts, et moitié le
sens de cette fête, moitié qu'on était à moitié
mort de trois jours de congé et de penser qu'on allait retourner
au travail le lendemain, l'ambiance, elle se traînait un peu.
-----Le soleil y tirait sa flemme de l'après-midi,
le ciel il était pas bleu de froid mais presque, et Mme Fascina,
au balcon d'en face, quatrième étage de la rue du Roussillon
où on habite, elle donnait à Mme Linarès et à
ma mère tous les détails de l'accouchement de Mme Waïs,
que tout le monde il a cru pendant deux heures et demie qu'elle avait
deux jumeaux, et total, à la fin, elle en avait qu'un et tout juste
!
-----Moi, j'étais assis par terre
sur le balcon en train de lire Michel Zevaco et je faisais tout pour aider
Pardaillan et Fausta vaincue à pas mêler Mme Fascina à
leur discussion.
-----Mme Dahan, tout d'un coup, elle pousse
un cri de son troisième étage
------ Vous avez vu les Dernières
Nouvelles qu'y m'apporte, le petit ? Regardez "Flambée de
terrorisme en Algérie " sur toute la première page
!
- Roland, va m'acheter les Dernières Nouvelles !
- Alors, toujours moi ? Jamais JeanClaude ?
- Ti'es l'aîné ! Jean-Claude, c'est le plus petit. Avec des
nouvelles comme ça, j'veux pas qu'y traîne dans les rues.
-----Bon, ça va, je monte, je descends,
oilà le journal !
-----Purée ! c'est vrai que ça
sautait aux yeux. Moins heureusement que toutes leurs bombes qu'elles
avaient fait ou chouffa ou long feu, à Boufarik, Baba-Ali, Azazga,
Camp-du-Maréchal, Arris, Batna, à Alger même y paraît,
même que, ici, personne n'a rien entendu.
C'est drôle quand même que paf ! ça arrive en même
temps dans toute l'Algérie. C'est un vaste plan d'ensemble prémédité
ou quoi ?
-----Pourtant, hier dimanche, ç'avait
été un dimanche normal, où j'avais été
un peu manger chez mon oncle Georgeot et tata Suzy à la rue Duc-des-Cars
avant d'aller, avec mon oncle Georgeot tout seul, ma tante elle a horreur
de ça, au Stade municipal voir la partie de fotball du R.U.A. qu'il
a gagnée comme d'habitude ; c'est les plus forts !
-----Mme Fascina, elle fait remarquer qu'elle
l'avait toujours dit
- Ça m'avait frappée, moi, que depuis quelque temps, à
peine on dépasse Maison-Carrée, les routes elles sont plus
tellement sûres, que vous avez vu toutes ces agressions qu'y a en
c'moment ?
- Qu'est-c'vous voulez, comme y dit mon mari, la police elle préfère
s'intéresser aux autos qui s'arrêtent qu'à les bandits.
-----Mme Meyer (depuis la mort mari elle
fréquente un communiste) voit rouge
- Vous confondez, ma chère, lesbandits de grand chemin avec les
rebelles à la présence française en Algérie
-----La barouffa que ça a fait ! !
La plus sensible du
quartier
-----Où
les rebelles ? Quelle présence française ? On est pas nous
aussi des algériens comme eux ? On est tous nés ici depuis
des générations et on fait seulement acte de présence
française ?
-----La
terrasse : un art de vivre...Quand, en 1962, une jeune femme de Bab-eI-Oued
comprit qu'elle devait abandonner son quartier pour vivre à
Paris, elle s'écria, en pleurant " Comment je ferai sécher
mon linge? " |
-----Les
filles, qu'on appelait à Bab-el-Oued " les petites cailles
", ou " gracieuses ", et que les garçons saluaient
au passage, à la manière espagnole de " piropos
", louanges à la beauté.
-----La " tchatche ", autrement
dit la " parlote ".Chaque bistrot, un forum,où chaque
citoyen a son mot à dire.Dans ces petits cafés de Bab-al-Oued,
par la " tchatche ", on fait et refait, inlassablement,
avec les mains et le coeur, les " événements d'Algérie
"et du monde. |
-----À qui
c'était l'Algérie avant la présence française
? A la présence turque ? A la présence romaine ?
-----Toute la rue du Roussillon, elle était
comme du feu. Les arguments y volaient de balcon à balcon, y avait
ceux de l'Echo d'Alger et de la Dépêche quotidienne, qui
versaient de droite, et paf ! collision avec les idées avancées
d'Alger Républicain et du Journal d'Alger, qui venaient sur leur
gauche.
-----La petite Nathalie Tordjmann, la plus
sensible du quartier, elle s'est mise à pleurer ; qui c'est qui
la console? Les poules d'en bas, de Slimane le marchand d'poules, allez,
tous en choeur !
-----Comme Pardaillan et Fausta vaincue y
z'arrivaient vraiment plus à s'entendre, bon ! tourne la page ;
je suis allé m'allonger sur mon lit dans la chambre des garçons.
-----La conversation, elle est tombée
en même temps que le soir. Ça tombait bien pasqu'on devait
aller tous rejoindre les hommes chez tonton Benjamin et tata Fifi, où
y z'avaient joué aux cartes toute l'après-midi.
-----Là-bas, de quoi on parle, bien
sûr? C'est tata Fifi, la plus vive de la famille, qu'elle explose
la première
- Ma parole, qu'est-c'qu'y veulent enfin, ces Arabes ? Comment qu'elle
était leur Algérie quand on est venus et comment qu'elle
est devenue, franchement ? On leur a fait un pays civilisé, y t'ont
des routes pour aller où y veulent, du travail, des hôpitaux
si y se fatiguent trop, de quoi y se plaignent ? C'est la vérité,
hein ! Pluss on leur donne, moins y sont contents !
- Et toi, qu'y dit son mari, tonton Benjamin, toi, pluss j'te donne, pluss
ti'es contente ?
-----Tonton Benjamin, y faut toujours qu'y
fasse rigoler tout le monde ; ça les tue tous dans les discussions.
Lui, y penche pour la tendance libérale Alger Républicain,
Journal d'Alger, que comme y dit Sauveur, tout le contraire, mieux qu'y
penche pas trop, qu'un jour ça va pas tomber loin !
-----Sauveur, il attaque :
- En somme, tu veux leur donner le droit de vote ?
-----Fifi, elle désarme pas :
- Y sauraient seulement pour qui y faut voter ?
-----Sauveur, il appuie le tir :
- Si je comprends bien, le jour où y nous foutront dehors, toi
tu mettras la chéchia ; tu s'ras beau, ce s'ra un plaisir !
-----Benjamin :
- Pourquoi pas ? Ton grand-père, y portait pas la chéchia,
avant ? A sa'oir si y s'app'lait pas Mohammed Ben Sauveur, ton grand-père
! On est des Algériens comme les Arabes y sont Algériens.
Si on s'entend pas avec eux ou on choisit la Champagne pouilleuse ou on
reste dans la Mitidja ! Mais pourquoi tu te fais du mauvais sang ? Toi,
que ti'aies le chapeau melon ou la chéchia, ti'auras toujours ta
tête de Sauveur, va !
L'heure de l'anisette
-----Pendant cinq
minutes, Sauveur y s'est demandé si il allait faire la tête
; et puis non.
- Ecoute, Benjamin, supposons que les Arabes y vont tous à l'école,
qu'est-ce qui va se passer ?
- Ti'as peur qu'y soyent plus intelligents que tes gosses ?
- J'ai peur que comme y sont neuf millions et nous, un...
- Ah ! tu veux pas qu'y z'apprennent la preuve par 9 ? C'est pas un mauvais
calcul de ta part !
-----Tonton Eloi, comme toujours, il oriente
la conversation sur les femmes.
- Si y veulent être comme nous, pourquoi qu'y z'auraient plusieurs
femmes ?
- Ti'es jaloux, c'est ça ! Et qui c'est qui t'empêche, dégourdi
que ti'es !
-----Là, tout le monde s'est pissé
de rire, mais les femmes moins franchement. Eloi, il attend que ça
passe, y poursuit sec.
- Plusieurs femmes, ça fait des gosses en pagaille. Toutes les
allocations qu'y toucheraient, c'est normal, alors, tu crois ?
- Eh ben, qu'est-c'qui t'empêche, qu'est-c'ti'attends d'en faire
avec Germaine, toi ? Allez, cours, cours ! Et fais pas du travail arabe,
hein ? Nous fais pas carnaval dans la famille
-----Comme c'était l'heure de l'anisette,
on s'est tous mis à table ; les cocas de tata Fifi, délicieuses
! et on a écouté les informations à " Radio-Algérie
". Rien de nouveau, tout c'qu'on savait déjà !
Et tout c'qu'on savait déjà sur les idées politiques
de la famille, eh ben ! on l'a remis sur le tapis.
- Tout ça, c'est la faute au gouvernement Mendès-France,
qu'y croit que pasque la France elle a perdu l'Indochine à Dien
Bien Phu, l'Algérie, c'est pareil ; c'est une colonie donc on doit
la perdre !
- Comme si y a pas colonie et colonie ! Comme si en Algérie y a
pas quedes Français, tandis qu'en Indochine, c'est tous des à
moitié Hindous, à moitié Chinois !
- Tandiss que les Arabes, eux, y sont à moitié du Poitou,
à moitié du DouarNenez ! qu'y ricane tonton Benjamin.
-----Les autes, y z'haussent les épaules.
- Même avant Mendès, la France elle a su tirer la leçon
des événements de Sétif de 45 ? Qu'on leur donne
des libertés, qu'on leur donne des libertés, tu vas oir
la liberté qu'y vont prendre de nous jeter à la mer comme
y faut, un d'ces jours !
- Ce Ferhat Abbas, tiens !
- Merhat Abbas, ouais ! (Un merhat, en arabe, c'est ouater-closé
en français naturel.) Quand y vont la faire taire, purée
! cette " Voix des Arabes " d'Egypte ?
- Y peuvent pas la brouiller comme on brouillait Radio-Londres sous Pétain,
non ?
|
|
- Nasser, kss, kss ! rien qu'y les excite bien bien contre nous !
- Comme si que tous ces fellaghas qui se battent en Tunisie et au Maroc
et qui se sont bien entraînés chez lui, c'est pareil que
ces bandes de bandits qu'y a toujours eu dans l'Aurès !
- Messali Hadj et Ben Bella y font semblant de croire que c'est pareil
pasque ça les arrange devant l'opinion internationale.
- L'opinion internationale, ça veut tout internationaliser, bien
sûr !
- Ne parlez pas de Ben Bella, va ! La première fois qu'on a parlé
de lui, c'est pasqu'il avait fait le hold-up de la poste d'Oran ! Un voleur
de deux sous qu'y veut faire d'la politique, tiens !
- De toute façon, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie, c'est
pas pareil ! Le Maroc, c'est un protectorat. Y veulent plus qu'on assure
leur protection, d'accord...
-On leur dit tchao,! d'un ton protecteur,qu'y conclut tonton Benjamin.
- Exactement ! C'est comme, la Tunisie territoire sous mandat. Sous mandat,
ça veut dire un mandat et ça veut dire des sous ! Coupe-leur
le mandat, ! Tu vas oir comme y resteront territoire, y s'ront bien contents,
va, qu'y viennent pas ensuite nous pleurer misère !
Etc., etc.
-----Je m'arrête là pasqu'à
l'époque, bien sûr, j'avais pas le magnétophone, mais
qu'est-c'ça fait ? L'essentiel, c'est pas que j'm'en rappelle très
bien ? Surtout que j'ai même pas le mérite, c'était
toujours la même discussion et même maintenant, tenez, qu'on
est tous à Paris, depuis dix ans qu'on est tous revenus de là-bas
à vacarme et, bagages, eh ben ! même discussion, mêmes
arguments, tout !
-----Pour en. revenir, après cette
fameuse Toussaint, toute la semaine à Alger,de quoi vous voulez
qu'on parle d'aute ?
-----Au Gouvernement général
de l'Algérie, au Conseil général du département
d'Alger, à l'Association des maires d'Algérie avec le président
Laquière (que tout le monde, pour rigoler, on l'appelait "
Laquière à soupe ") tous, comme un seul homme, y s'étaient
voté les motions considérabes.
-----A la police, le coup de filet qu'y z'avaient
fait, hein ! de main de maître, faut reconnaître !
-----En moins que rien le M.T.L.D. de Messali
-Hadj -(ouais,., çui-là 'qu'y di que pour nous autes, ça
sera la valise ou le cercueil et total, à la fin, c'est la mort
de ses' z'osses qu'on mettra dans not'valise !), en moins que rien, donc,
M.T.L.D. c'était plus le Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques,qu'est-c'que c'était ? Les Messalistes en
Tôle Liés et Désarmés !
-----Comme une fleur, y t'ont été
cueillis!
-----Disparus à la fleur de l'Hadj,
oilà !
-----Et y fallait oir dans les rues aller
venir les C.R.S. et les paras en tenue léopard, martiaux comme
tout, arrivés exprès de la métropole !
- Enfin y z'ont pigé, c'est pas trop tôt !
Bab-et-Oued de
grand-papa... On discute au soleil, devant ces vieilles bicoques blanchies
à la chaux, dont la porte reste toujours ouverte.Le bon temps
où on était pêcheur, maçon ou terrassier,
débarquant d'Espagne en espadrilles, pour valise un panier,
histoire de tenter l'aventure du gagne-pain.Tout était à
faire. |
-----Allez, qu'y
viennent faire les coups de main, maintenant, les Arabes. (Les terroristes
! Les Arabes, c'est pas tous des terroristes, faut pas croire ! La minorité
et tout juste !) Ouais, qu'y viennent faire les coups de main, y seront
servis et dès demain, faites-moi confiance !
Bon. Remarquez, quand on lisait les journaux, on voyait bien qu'un peu
partout, à Dellys, Khenchela, Timgad, ça continuait quand
même, hein !
-----Des bombardiers et des chasseurs y s'étaient
mis en action, on allait passer l'Aurès au peigne fin, bref, mon
oncle Benjamin y plaisantait toujours, mais en levant les sourcils et
en tordant la bouche et en hochant la tête d'une façon d'en
penser pas moins dans une expectative plus soucieuse que rassurée.
-----C'est vrai qu'y fallait bien faire attention
de pas trop mettre le doigt dans l'engrenage de la violence ! D'abord,
c'est un doigt seulement, merci, ensuite, comme vous avez un peu perdu
la main, allez après appeler vot'femme pour lui donner le bras,
tiens !
Buffalo-Kabyle à
Texas-Sidi
-----D'un aute côté,
c'est vrai aussi que si on serre pas tout de suite la vis, tout l'engrenage
y se déglingue en pièces détachées et c'est
pas ça qui va faire marcher tous les rouages de l'appareil administratif
!
-----Non, le juste c'est le juste et d'abord,
la population musulmane elle est très heureuse avec nous. La preuve
: toutes les Mauresques qu'y viennent laver le par terre chez les Français,
demandezleur d'aller faire la bonne chez les Arabes riches, vous allez
voir !
-----Zohra, qui vient chez nous tous les
matins de 9 heures à 2 heures de l'après-midi et qui nous
a vus naître, les cinq enfants de la famille, à quoi ça
lui servirait la Sécurité sociale sinon de lui faire faire
des démarches et des paperasses pour rien, surtout qu'elle sait
ni lire ni écrire, la pauve ?
-----Elle est malade, elle vient pas, ma
mère elle l'a jamais renvoyée pour ça ou retenu un
jour !
-----Mon père et moi, à la
banque, on a droit à 15 jours de congé payé ; Zohra,
comme elle travaille qu'une demi-journée, ma mère, d'elle-même,
elle lui donne une semaine de vacances par an ! Pas pasque c'est syndical
ou quoi, pasque c'est logique, normal qu'elle a droit elle aussi à
du congé pour se reposer ou faire c'qu'elle veut !
Qu'est-ce qu'elle s'en fout, Zohra, de la Noël ou de la Pâque
juive? Que dalle ! Eh ben, comme nous autes qu'on est juifs on profite
des fêtes arabes et des fêtes catholiques, eh ben, Zohra,
on lui fait des cadeaux pour Pourim ou pour Roch Hachana et à Noël,
quand elle vient `le lendemain, dans la cheminée elle trouve que
le Petit Jésus y li'a apporté une robe, un flacon d'odeur
et des chocolats, des pralines !
-----On fait esclavagistes, hein ?
-----Non, la vérité, c'est
que dans l'Aurès et en Kabylie, depuis toujours, c'est la configuration
du terrain qui le veut, y a eu des bandes de bandits qui ont joué
aux hors-la-loi comme dans les Justiciers du Far West au cinéma
Trianon.
-----Buffalo-Kabyle, y se croient !
-----À Texas-Sidi !
-----Et comme on les a laissés trop
faire, comme on a pas tout de suite employé les grands moyens,
y z'ont cru que c'était arrivé ! Et de leurs coupe-gorge
de l'Aurès, y sont venus taper des incursions dans les grandes
villes.
-----Heureusement qu'après , la tournée
qu'il a faite dans le bled, Mitterrand il a quand même très
bien vu les choses, y s'est rendu compte de tout et il a dit exactement
ça qu'il fallait dire et avec le ton qu'y faut ! L'Algérie
c'est la France et la France elle reconnaîtra jamais chez elle une
aute autorité que la sienne !
-----Et l'O.N.U. elle peut toujours parler
dans toutes ses langues, la tour de Babel et la tour de Babel-Oued, ça
fait deux, excusez-moi !
Pasque vous trouvez pas drôle, vous, que tous les attentats y z'éclatent
partout juste comme un fait exprès deux jours avant que l'O.N.U.
elle s'ouvre sa session extraordinaire ?
-----Quel moyen, quel meilleur moyen pour
dire : " Vous, vous êtes les Nations unies, mais nous autes,
en Algérie, on est divisés comme tout ! Même que la
preuve, regardez les Français, toutes les divisions qu'y envoient
contre nous autes les Arabes ! "
-----Purée, va ! y sont à plaindre,
tiens !
-----Mais ouah ! laisse qu'y chantent, l'O.N.U.
elle a pas à se mêler du dehors, de nos affaires intérieures
! L'Algérie, c'est trois départements français !
Vous verriez, vous, l'Ardèche se faire représenter à
l'O.N.U. et réclamer son indépendance ?
Ma parole, c'est du Courteline ou du Balzac !
-----Et puis faut quand même pas dramatiser
comme à l'Opéra d'Alger, hein !
-----Ça bouge dans l'Aurès,
comme ça bouge dans le maquis corse ou en Sicile avec la maffia
! C'est le soleil qui veut ça !
La fête des morts,
c'est la fête des Maures...
-----Les Arabes,
c'est pas tous des terroristes, y a qu'à les voir en ce moment
fêter le Mouloud en paix, dans leurs quartiers.
-----Et en Algérie, l'événement,
eh ben, c'est la Coupe de France de fotball où le Gallia, purée
! comment qu'y s'est qualifié en éliminant l'A.S.S.E. 3
à 0 !
-----Trois buts splendides : un, une reprise
de Mas après que Déléo il a tapé sur la transversale,
un de Bagur, y le méritait depuis longtemps, le pauve, tout c'qu'y
faisait au centre du terrain, et le dernier que Dahan il a marqué
lui-même contre son camp sur un centre, canon, de Fortuné
!
-----La Toussaint 54, qui c'est qui s'en
rappelle bien bien à part tous les M.T.L.D. en prison ?
-----En tout cas c'est quand même drôle
qu'y z'aient choisi juste le jour de la Toussaint pour commencer leur
soi-disant guerre d'indépendance !
-----Qu'est-ce qu'y t'ont cru ? Que la fête
des morts, c'est la fête des Maures ou quoi ?
-----Oilà ce que c'est que d'aller
à l'école pour rien comprendre et tout embrouiller le français
tel qu'y faut qu'on le parle bien sûr !
Roland BACRI
|