EN PRÉSENCE DES AUTORITÉS
ET DES MILIEUX SPORTIFS
M. NAEGELEN a inauguré LE STADE MARCEL-CERDÀN
Au nom des sportifs algérois
M. de Sérigny a remis à la ville le buste du champion
réalisé par André Greck (grand prix de Rome)
Les enfants des écoles assistaient à la cérémonie
MARCEL CERDAN est né dans notre souvenir. Aussi brutalement que
cet être plein de vitalité a été fracassé
sur une montagne des Açores, aussi lumineusement il va désormais
demeurer dans l'esprit admiratif des générations de citadins,
d'écoliers et de sportifs.
A croire, comme l'a dit exactement Monsieur le ministre, gouverneur
général Naegelen, que c'est ainsi que le grand champion
aurait choisi de mourir et que c'est ainsi, sur le seuil d'un stade
populaire, qu'il eût accepté de recevoir un hommage en
échange de l'exemple qu'il avait donné.
Ce fut hier, à la Consolation, devenu " Stade Marcel-Cerdan
", une fête fraîche, éclatante de sentiments
juvéniles. L'inauguration des lieux que Nicolas Loffredo et son
équipe avaient poli jusqu'au raffinement, se conjuguait avec
la remise à la ville d'Alger du bronze enfanté par André
Greek et par la multitude de sportifs que notre Journal et notre confrère
l'hebdomadaire " Sports en Mauritanie " avaient conviés
à une obole modeste et égale, pareille à la petite
pierre que chacun apporta à 1'érection d'une cathédrale.
Notre conseil municipal, fier certes, d'une promesse tenue, a fait uvre
d'éducateur social. Nos sportifs ont fait uvre pieuse en
magnifiant le meilleur des leurs. Nos enfants, sur le grand plateau
de tuf aux enceintes de kermesse, frissonnaient à ces manifestations
de leurs aînés, au vent salin du stade bordé par
la grande bleue, mais aussi aux promesses s'échappant de ces
actes reliant passé et avenir.
Le chef de notre colonie fit de tout cela une belle gerbe de France,
de cette patrie qui, jusque sur les bords africains, veut des fils forts
d'âme et de corps pour les grands combats de l'Esprit et de la
Paix.
Muet, figé sous ses traits d'airain, Marcel Cerdan coulait un
regard de bronze, un regard doux, attristé qui était comme
le remerciement ému de cet élan reconnaissant d'Alger
et des sportifs nord-africains. Tu méritais bien cela, Marcel,
toi qui en plus de tes qualités d'athlète parfait, as
su enseigner à nos petits qu'il est encore plus beau d'être
loyal et simple.
A 16 heures précises, M. le ministre Naegelen, gouverneur général
de l'Algérie, accompagné du capitaine Granger. arrive
devant l'entrée principale du stade Marcel-Cerdan où il
est accueilli par M. Gazagne, maire d'Alger, délégué
à l'Assemblée algérienne ; MM. de Sérigny,
délégué à l'Assemblée algérienne
et directeur de " L'Écho d'Alger " ; Alexandre Jacono,
des " Sports en Mauritanie ", représentant M. Émile
Cambron empêché, et par de nombreuses personnalités.
Nous notons la présence de MM. Simeray, représentant M.
Jacques Chevallier, député d'Alger ; Angeli, directeur
du cabinet de M. Flinois, représentant le président de
l'Assemblée algérienne ; Bélaïche, vice-président
ee l'Assemblée algérienne ; le professeur Fourment et
le Dr Goëau-Brissonniere, délégués à
l'Assemblée algérienne ; Ciosi, directeur du cabinet du
gouverneur général ; le colonel Boisseau, directeur du
cabinet militaire ; Genton, directeur du cabinet du préfet, représentant
M. Roux, préfet d'Alger ; Gau, recteur de l'Académie ;
Vogt, premier adjoint au maire de la ville d'Alger ; Zigiiara, Loffrédo,
Beccarel et de très nombreux conseillers municipaux d'Alger ;
M. Susini. procureur de la République ; les maires ou les représentants
des communes environnantes ; le général Laurent, commandant
la Division d'Alger, représentant le général commandant
la X° région militaire ; le capitaine de vaisseau Lamotte
représentant l'amiral Ronarc'h, commandant la Marine en Algérie
; le capitaine Lagarrigue, commandant la Marine a Alger ; le général
Gauduchon ; Sigala, directeur des sports au Gouvernement général
de l'Algérie ;Gremaux. président national de la F.F. de
Boxe ; Duclos, président du comité des sports d'Algérie
; Rivet, président des ligues nord-africaines de football ; Dominique,
doyen des présidents de fédérations sportives ;
Carraz, président du comité d'Alger de la F.F.B. ; Bénier,
président des
journalistes sportifs ; les présidents et représentants
des fédérations et associations sportives.
La cérémonie
La foule est nombreuse aux abords du stade lorsque M. Naegelen, qui
a a ses cotés, MM. Antoine Cerdan, frère du regretté
champion et Louis Vicento, parrain de Marcel, coupe symboliquement le
ruban tricolore placé à l'entrée du stade.
Un détachement de sapeurs-pompiers rend les honneurs.
Puis les autorités prennent place dans les tribunes. La musique
de la place joue " Au drapeau " tandis que quatre sportifs
procèdent au lever des couleurs et que deux champions, Omar Kouidri
et René Pons, découvrent le buste de Marcel Cerdan. Cette
réalisation est l'uvre du sculpteur André Greck,
premier Grand Prix de Rome.
Au même instant, un avion de l'aéronautique navale survole
le stade où sont rassemblées des délégations
sportives appartenant à la Marine nationale, à la 10°
section d'infirmiers, aux écoles publiques, aux écoles
libres, et aux clubs de la ville.
L'allocution de M. de SERIGNY
Après que la musique de la place eut exécuté la
" Marseillaise ", M. de Sérigny remet officiellement
le buste de Marcel Cerdan a la ville d'Alger.
" Il y a un an, dit-il, le 28 octobre 1949, la mort arrachait Marcel
Cerdan à l'affection de sa famille. et de ses nombreux amis,
tandis qu'il partait à la reconquête du titre de champion
du monde, un titre qui était le sien et que la fatalité,
qui l'avait déjà marqué, lui avait ravi quelques
mois auparavant.
Un an déjà, et cependant chacun conserve le souvenir des
moindres détails de ce drame qui devait nous priver non seulement
d'un prestigieux champion, mais aussi d'un homme aimable, d'un sportif
loyal et modeste, et d'une infinie bonté.
C'est cette force, cette puissance tranquille et résignée
d'un champion vaincu par l'inexorable destin que le talent du Grand
Prix de Rome André Greek a si remarquablement exprimé
dans ce buste qui peut légitimement, être considéré
comme un véritable chef-d'uvre.
Au nom de milliers de sportifs algériens qui ont spontanément
tenu a perpétuer le souvenir de Marcel Cerdan l'" Écho
d'Alger " et son confrère " Les Sports en Mauritanie
" ont voulu, M. le Maire, offrir ce monument à la ville
d'Alger. Il ne pouvait mieux trouver sa place que dans le stade qui
porte le nom de notre grand champion, inauguré aujourd'hui par
M. Naegelen, gouverneur général de l'Algérie.
Ici, comme dans toutes les enceintes sportives, le souvenir du grand
champion disparu demeurera pour les jeunes, le plus sûr modèle
de loyauté, de courage et de modestie.
Valeurs morales que le sport enseigne à l'athlète et que,
pour sa part, Marcel Cerdan a su inspirer à tous ses amis, à
tous ses admirateurs, tout au long de ses combats. et dont la qualité
exemplaire se perpétuera longtemps encore, après sa fin
tragique. "
M. LOFFREDO
M. Loffrédo, au nom de la Commission des sports de la ville d'Alger,
dit combien il est heureux de recevoir le gouverneur général
sur ce stade dont la création s'avérait indispensable
et qui répond aux besoins d'une nombreuses population.
" Dix groupements et 2.000 écoliers disposent actuellement
de ce stade ", précise l'orateur qui tient à remercier
publiquement MM. Gazagne, ses collègues du conseil municipal
et les services techniques, dirigés par MM. Molbert, Poulain
et Danot, de leur aide et d'avoir accepté de donner à
ce stade le nom du grand champion.
Il remercie ensuite MM. de Sérigny, directeur général
de l' " Écho d'Alger ", et Émile Cambron, directeur
des " Sports en Mauritanie " du don généreux
" qu'ils viennent de faire au nom de tous les sportifs de notre
grande cité ".
Après avoir souligné les talents du sculpteur Greek, l'orateur
exprime sa gratitude à M, Naegelen.
M. GREMAUX
Dans une courte allocution. M. Grémaux dit sa reconnaissance
aux sportifs nord-africains d'avoir honoré en même temps
qu'un des leurs, un grand champion dont les vertus de loyauté
et de simplicité sont un exemple pour les jeunes et les générations
futures. Il rend enfin hommage à l'" Écho d'Alger
", pour son initiative.
M. GAZAGNE
Après avoir salué M. le ministre Naegelen, M. Gazagne
souligne l'effort poursuivi par la municipalité dans le domaine
de l'éducation physique et remercie tous ceux qui ont apporté
leur dévoué concours à la réalisation de
ce stade. auquel la ville d'Alger a voulu donner le nom du regretté
champion.
" Il n'est pas douteux, dit-il, que son buste, en même temps
qu'il rappellera son souvenir sera, pour tous ceux qui utiliseront ce
terrain, un exemple de droiture et de loyauté, qualités
maîtresses de tout sportif digne de ce nom.
C'est d'ailleurs bien dans cette intention que, sous l'impulsion de
l'" Écho d'Alger " et de son distingué directeur.
mon collègue de Sérigny, la population algéroise
a si largement souscrit pour permettre l'érection de ce buste
qui perpétuerale souvenir de Marcel Cerdan et que nous devons
au talent du sculpteur André Greek.
Et M. Gazagne termina en associant au souvenir de Marcel Cerdan celui
de Ginette Neveu.
I."hommage de M. Naegelen à Marcel Cerdan
I1 me semble qu'en ce moment nous célébrons une double
fête, déclare M. Naegelen ; une fête du souvenir
et une fête de l'espoir.
Fête du souvenir, parce que le nom de Marcel Cerdan. sa physionomie,
ses victoires, sont présents à
notre esprit et à nos curs. "
M. Naegelen remercie alors la municipalité d'avoir donné
a ce stade le nom de Marcel Cerdan ; M. de Sérigny, l'"
Echo d'Alger " et les " Sports en Mauritanie " de s'être
adressés, pour la réalisation de ce monument, à
la foule anonyme, au peuple, dont le champion français était
fier d'appartenir.
Il rend hommage aux talents d'André Greek " qui a su si
bien nous rendre la vraie physionomie de ce sportif simple, mesuré,
souvent méditatif, qui ne se laissait pas griser par ses triomphes
".
Et s'adressant à la jeunesse réunie sur le stade : "
Il vous rappelle que les victoires sportives, comme
les victoires militaires et les victoires de la paix sont acquises grâce
à la discipline et à de durs exercices parfois douloureux.
Fête de l'espoir, parce que Cerdan est un exemple pour vous.
C'est sur les stades, comme dans les classes d'écoles que se
préparent l'avenir du sport français et l'avenir du pays.
C'est par l'effort de chacun que nous réaliserons la victoire
collective. celle de la France que nous entendons servir jusqu'au bout.
"
Alger se souviendra toujours
M. Nacgelen, accompagné de MM. Gazagne, Zigliara et Loffrédo,
visite ensuite les installations, témoignage de l'habileté
et du goût de nos techniciens et ingénieurs qui ont su
utiliser le plan grandiose de la future piscine, ce vaste projet Renaud
auquel ont participé. entre autres, M. le docteur Goëau-Brissonniére,
alors adjoint au maire.
Et c'est ainsi que se termina cette cérémonie de la remise
du buste de Cerdan, dû àla pieuse générosité
d'une multitude de sportifs ralliés à l'appel de "
L'Écho d'Alger " et des " Sports en Mauritanie ".
Est-ce exagéré de croire que, peut-être plus qu'a
Casablanca, Paris ou Bel-Abbès, c'est Alger qui aura le mieux,
et doublement, magnifié la mémoire de notre regretté
ami et champion du monde ?