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FAUBOURG BAB-AZOUN
Voici le texte descriptif qui, dans l'ouvrage
de M. Berbrugger, publié en 1841, accompagne les dessins représentant
la Porte Bab-Azoun, dont celui-ci.
Le faubourg Bab-Azoun, dont nous allons entretenir nos lecteurs, n'existe
plus que dans les souvenirs de ceux qui peuvent compter quelques années
de séjour en Afrique. La nécessité d'élargir
et d'aérer un des abords les plus fréquentés de la
ville a amené la chute de la plupart des constructions indigènes,
sauf le quartier des spahis, et quelques petites boutiques maures où
les Arabes viennent se pourvoir de cordes en sparterie, de nattes, de
fers, de poteries, etc. ; il ne reste plus rien de ce quartier si pittoresque,
que l'artiste a représenté avec beaucoup de vérité.
Cependant l'aspect de la localité, sous le rapport de la population
qui la fréquente, n'a presque pas changé ; et l'étranger
descendu du bateau à vapeur, qui veut, en quelques minutes, avoir
une idée exacte des différentes races africains, n'a qu'à
se transporter de ce côté pour être à même
d'étudier le Kabyle, l'Arabe, le Nègre, le Maure, le Juif,
en un mot, tous les peuples qui vivent sur le sol de l'Algérie.
Pour initier nos lecteurs, autant que cela est possible par une simple
description, à la connaissance de cette partie importante de notre
ville, nous le transporterons un moment au débouché de la
rue Bab-Azoun dans la campagne. Avant de franchir la limite qui sépare
la cité africaine d'un de ses faubourgs, arrêtons-nous avec
respect devant le seuil. Ici, lors de la désastreuse expédition
de Charles-Quint, un de nos compatriotes, Ponce de Balagner, dit de Savignac,
chevalier du Temple, portant l'enseigne de l'ordre en tête d'une
poignée de braves qu'un feu meurtrier et l'inégalité
du nombre allaient forcer à la retraite, enfonça son poignard
dans la porte. Insouciants que nous sommes de la gloire de nos ancêtres,
nous n'avons pas eu l'idée de consacrer par un monument, par une
simple inscription, par un nom donné à une rue, le souvenir
de ce héros qui, au nom de la France, vint frapper audacieusement
à la porte d'Alger, porte qui devait s'ouvrir, trois siècles
plus tard, devant d'autres Français non moins braves mais plus
heureux.
Une rue porte aujourd'hui le nom de Savignac et, apposée à
l'entrée de la rue Bab-Azoun, à l'endroit même où
il eut lieu, une plaque commémore le glorieux fait d'armes.
Au-dessus de cette porte de glorieuse mémoire, on voyait encore
en 1830 de longs crochets de fer auxquels on suspendait le corps des suppliciés.
Les têtes étaient ordinairement rangées sur la muraille,
de manière à être aperçues de ceux qui entraient
en ville. Si nous étions tentés de détourner les
yeux avec dégoût de cet ignoble gibet, rappelons-nous que
ce ne furent pas seulement des criminels qui y figurèrent : les
derniers trophées de ce genre que nous trouvames après la
capitulation furent les têtes de nos infortunés compatriotes,
les naufragés du Silène et de l'Aventure, en grande partie
massacrés. Entre une place plantée d'arbres, dont le centre
est occupé par un bassin et un escarpement qui se trouve à
la droite, est le lieu des exécutions. C'est là que, sur
quelques planches soutenues par des tréteaux, le condamné
à mort vient s'agenouiller devant le bourreau Ali, qui, d'un coup
de yatagan, fait voler sa tête dans la poussière du grand
chemin. Au pied de l'escarpement, on trouve la place des voitures tapissières
qui transportent ceux que leurs plaisirs ou leurs affaires appellent dans
les environs d'Alger. Un peu plus loin, stationnent des musiciens indigènes
aveugles, dont les tambours de basque, les castagnettes et la flute bédouine
forment un concert permanent, objet d'horreur pour quiconque est cloué
d'une oreille tant soit peu musicale. Quelquefois des Arabes, ordinairement
des gens du Maroc, étonnent les naïfs spectateurs pressés
autour d'eux par l'exhibition d'un serpent qu'ils entortillent autour
de leur cou, et aussi par les coups violents qu'ils se font donner sur
la poitrine avec d'énormes pierres.
Au-dessus de la place des voitures est le marché au bois, au charbon
et au fourrage. Quelques tentes délabrées placées
sur le bord de l'escarpement, des chameaux pelés qui se dessinent
en silhouette, et surtout des Bédouins qui, fièrement drapés
dans leurs haillons, y circulent d'habitude, font de cette localité
un lieu tout à fait caractéristique, où l'Européen
qui craint le contact de la malpropreté ne se hasarde pas d'ordinaire,
mais que cependant il examine à distance avec un certain intérêt.
A quelques pas, à droite, on voit la caserne des Spahis réguliers,
cavalerie composée d'indigènes et de Français qui
portent tous l'habit musulman. Ce corps, dont le recrutement était
depuis longtemps suspendu, vient d'être licencié comme régiment,
et le peu de soldats qui restaient composeront dorénavant deux
escadrons qui seront mis à la suite du premier régiment
de chasseurs.
Sur la gauche est un édifice moderne assez élevé,
et fort solidement construit, bien qu'il semble se trouver dans le rayon
de servitude militaire, et que le génie oblige ordinairement ceux
qui ont des propriétés situées dans cette zone à
n'élever que des constructions légères, c'est-à-dire
à ne faire que des baraques en planches. Ce bâtiment privilégié
est la caserne du train des équipages.
Presque en face de la caserne en question, on peut remarquer la route
du fort l'Empereur qui serpente vers le haut de la montagne. C'est le
premier travail de ce genre exécuté en Afrique ; de cette
époque date l'emploi de l'armée à la création
de ces belles voies qui se prolongent maintenant en tout sens jusqu'au
sommet de l'Atlas, et auxquelles on ne peut comparer que les admirables
chemins de l'industrieuse Angleterre. Un carré de marbre portant
ces seuls mots : Rovigo, 1832, était destiné à apprendre
aux passants à qui ils avaient l'obligation de cette route si utile.
La modeste inscription est maintenant presque cachée sous des plantes
parasites, comme pourrait l'être un tombeau séculaire ; tant
notre nation légère et oublieuse professe le culte des services
rendus !
Après l'embranchement
du chemin Rovigo, la rue du faubourg Bab-Azoun se continue
le long de la mer.
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