L'hydravion de la ligne Alger-Marseille
capote à son départ d'Alger
Un accident qui coûta la vie à l'un de nos plus sympathiques
navigateurs de l'air vient de se produire à Alger. Les faits
sont effroyablement simples : la mer houleuse a soulevé sur
une vague l'hydravion qui, n'ayant pas encore suffisamment de vitesse
pour décoller, est retombé à la mer, a capoté,
s'est disloqué, jetant à l'eau ses occupants. De trois
qu'ils étaient, deux seulement ont pu être sauvés
: le pilote Féru et le mécanicien Deloustal ; quant
au radio Laget, il a disparu.
Cette mort brutale vient ajouter un nom à la liste, déjà
longue, des héros obscurs composant la vaillante phalange
du personnel des lignes aériennes régulières.
Pilotes, mécaniciens et radios " de ligne ", de
tous ceux qui se vouent à l'aviation, sont les plus mal connus
pour ne pas dire ignorés. Et cependant ils ont droit, plus
que tous autres, à ce qu'on s'intéresse à eux.
Leur modestie n'a d'égale que leur courage. En effet, ce
n'est pas par esprit de lucre qu'ils accomplissent on peut dire
quotidiennement des prouesses passant inaperçues. Trop peu
payés, n'ayant aucune garantie sérieuse pour l'avenir,
ils remplissent leur périlleux devoir parce qu'ils aiment
leur métier de toute leur âme et qu'ils se sont voués
entièrement à lui. Qu'il fasse beau ou mauvais, lorsque
l'heure sonne, il faut partir... et ils partent ! Sans diminuer
en rien la haute valeur de nos pilotes de raid, on conçoit
Cependant qu'il existe une différence entre ceux-ci et ceux-là.
Le monde aéronautique s'est d'ailleurs ému de la situation
malheureuse faite aux pilotes de ligne. A quand des réalisations
?
L'accident qui a causé la mort de Laget est dû, il
faut le dire, à un concours de circonstances tout à
fait imprévisibles. Rien dans l'état du matériel
ne pouvait laisser supposer une telle tragédie. Au dire même
du pilote Féru, il n'y eut aucune défaillance des
moteurs. La perte de l'hydravion est donc due uniquement à
l'extrême violence du choc de la vague contre la coque qui
a été littéralement défoncée.
Le brusque freinage occasionné de la sorte, alors que l'avion
atteignait la vitesse de 130 km, fit que le poids des moteurs bascula
l'appareil sur le rez et les flots eurent tôt fait de le réduire
en pièces.
Le soudaineté de l'accident fit entrer l'eau avec une extrême
violence dans la carlingue et le pilote et le mécanicien
Beloustal furent projetés à l'extérieur sans
qu'ils puissent se rendre compte de ce qui pouvait advenir de leur
malheureux camarade.
Le radio Laget était l'un des plus anciens delà ligne
et s'était maintes fois dévoué dans des circonstances
parfois tragiques. Le 30 août 1931, il refusa de quitter son
appareil, en détresse entre les Baléares et Marseille,
pour embarquer sur un bateau sauveteur. C'est un héros de
l'air qui disparaît, laissant, hélas, une veuve et
un orphelin. Nous saluons avec un profond respect et admiration
la dépouille de Laget et nous nous inclinons devant l'immense
douleur de ceux qui l'ont perdu.
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