AUMALE

A l'ombre d'un fortin turc une colonne harassée s'arrête... AUMALE est fondée

L'Automne de 1846 s'achève. Sur la piste défoncée qui, après avoir franchi 1e col des Deux-Bassins, s'enfonce vers le Sud, une petite colonne chemine... .

Trois bataillons de "lignards", aux uniformes en loques, dont le soleil a mangé la couleur et que les pluies ont délavé "marchent la route".

Derrière eux, juchés sur quelques mulets poussifs, des civils, vêtus de défroques militaires, suivent. Ce sont les cantiniers, anciens soldats pour la plupart.

Les heures succèdent aux heures et la colonne avance toujours. La piste remonte maintenant le cours d'un ruisseau qui serpente au fond d'un vallon. Soudain, la troupe lève le nez et aperçoit, barrant la route, un éperon rocheux que domine un vieux bordj en ruines.

Allons... un dernier effort... Voila la butte escaladée.

C'est la fin de l'étape!

Les faisceaux sont formés et, tandis que les cantiniers installent leur éventaire, les soldats hissent au sommet du bordj le drapeau tricolore.

Aumale vient d'être fondée

(suite dans l'article.)


Echo d'Alger du 3-4-1947 - Transmis par Francis Rambert
Texte intégral de l'article transmis par Francis Rambert
...(Merci!!!!!)
mise sur site :aout 2019

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AUMALE est fondée
AUMALE est fondée

A l'ombre d'un fortin turc une colonne harassée s'arrête... AUMALE est fondée

L'Automne de 1846 s'achève. Sur la piste défoncée qui, après avoir franchi 1e col des Deux-Bassins, s'enfonce vers le Sud, une petite colonne chemine... .

Trois bataillons de "lignards", aux uniformes en loques, dont le soleil a mangé la couleur et que les pluies ont délavé "marchent la route".

Derrière eux, juchés sur quelques mulets poussifs, des civils, vêtus de défroques militaires, suivent. Ce sont les cantiniers, anciens soldats pour la plupart.

Les heures succèdent aux heures et la colonne avance toujours. La piste remonte maintenant le cours d'un ruisseau qui serpente au fond d'un vallon. Soudain, la troupe lève le nez et aperçoit, barrant la route, un éperon rocheux que domine un vieux bordj en ruines.

Allons... un dernier effort... Voila la butte escaladée.

C'est la fin de l'étape!

Les faisceaux sont formés et, tandis que les cantiniers installent leur éventaire, les soldats hissent au sommet du bordj le drapeau tricolore.

Aumale vient d'être fondée.

Les civils chez les militaires

Le poste, baptisé du nom du quatrième fils de Louis-Philippe, prit la succession du fortin turc. Éternel recommencement de l'histoire! Ce dernier n'avait fait que succéder lui-même à la ville romaine d'Auzia qui, au III° siècle, protégeait déjà le Tell contre les razzias des tribus nomades. Les travaux de fortification commencèrent aussitôt. Ils devaient durer près de dix ans. La pierre ne manquait pas, car les ruines romaines des environs servaient de carrières. Les remparts, accrochés au soubassement rocheux, encore aujourd'hui ne manquent pas d'allure pour qui les regarde du ravin de l'oued. Des casernes, une chapelle et une mosquée, sise à l'extérieur de l'enceinte et destinée aux Arabes des environs, complétèrent la physionomie du poste. Mais. par la force des choses, |l'établissement militaire allait se transformer en centre de colonisation. Le noyau de la population civile, composé à l'origine de cantiniers et de commerçants, s'était accru rapidement et comptait, quelques mois plus tard, 300 personnes. Nombreux étaient les nouveaux arrivants qui voulaient se livrer à la culture. Malheureusement les terres manquaient : quelques lots de jardinage à l'intérieur des remparts constituaient tout le périmètre do colonisation. En 1850; alors qu'AumaIe abritait 771 civils, on n'avait pu distribuer que 556 hectares !

Des terres..., des terres.., !

La situation devint d'ailleurs bientôt tragique car, devant les progrès de la pacification, le commandement décida de diminuer l'effectif de la garnison, supprimant ainsi pour beaucoup d'habitants la source de leurs revenus. Les bons éléments restèrent tandis que ceux qui trouvaient, selon l'expression de nos paysans, "la terre trop basse", allaient chercher ailleurs fortune. De véritables cultivateurs venus de la métropole ou des vieux centres d'Algérie les remplacèrent très vite. En 1853 la population s'élevait à 1.052 habitants.

La faim de terres n'en fut que plus violente ! Et les colons s/indignaient de voir autour d'eux des terres fertiles laissées en jachères depuis des siècles et qui ne nourrissaient, de leurs maigres touffes d'herbes, que quelques moutons efflanqués. En attendant, ils tiraient de leurs lots le meilleur parti possible. Un colon, nommé Truol, fondait une pépinière. Un autre, le sieur Champronis, creusait un canal et détournait les eaux de l'oued Lekhal. 13.000 arbres étaient plantés, les constructions agricoles atteignaient la valeur de 820.000 francs-or et le moutonnement des blés laissait prévoir une excellente récolte.

Devant ces résultats encourageants, l'Administration promit d'étendre la superficie des concessions et, par voie d'achat ou d'échange avec les tribus, put, en 1853, doubler le territoire de colonisation qui fut porté ainsi à 1.000 hectares, soit un hectare par habitant. Mais, même après cette opération, le centre ne pouvait que végéter et voir décroître rapidement sa population.

Un nouveau plan fut alors établi qui attribuait à Aumale 9.000 hectares de plus.

La pétition de 1855

Mais les promesses restèrent promesses. Aussi, le 27 février 1855, les colons d'Aumale adressèrent-ils une pétition énergique au comte Randon, gouverneur général de l'Algérie. il faudrait pouvoir la citer en entier. Comme un leitmotiv, la plainte éternelle des paysans reparaît : "Confiez-nous ces terres incultes, nous les féconderons de nos bras !". Ils s'étonnent également de la lenteur mise à régulariser leur situation : "Depuis cinq ans, quelquefois plus, nous travaillons notre lopin, sans savoir si nous en resterons propriétaires". Ils demandent, enfin, que les pouvoirs publics ne les abandonnent pas totalement : qu'on leur trace au moins une route qui les reliera au reste du monde et facilitera l'écoulement de leurs récoltes !

Tout vient à point qui suit attendre. Les terres promises furent enfin accordées et le 3 novembre 1856, les premiers colons recevaient leurs titres de propriété portant leurs noms, moulés en belle ronde. Voulez-vous les connaître ces noms qui fleurent bon nos vieilles provinces ? Bourgogne, avec Monerot; Provence, avec Arène; Alsace, avec Wagner; Cévennes, avec Gayral. Les voici : Truol, Joleaud, Weyrier, Boichon, Claire, Escatte, Almery, Maisonneuve, Delort, Lebugle, Sanchez, Bordes, Colas, Pons, Claussat, sans oublier le dernier, déja illustre : Danton.

Ils sont, hélas, tombés dans l'oubli. Et, pourtant, ils sont ceux de ces hommes qui, par leur labeur obstiné, ont transformé en plaines fertiles, que couvre aujourd'hui l'or des blés, les maigres pâturages que dominait, du haut de ses ruines solitaires, un vieux bordj turc !

SALLUSTE.