-------Le corps
expéditionnaire du maréchal comte
de Bourmont, débarqué le 14 juin 1830 à Sidi-Ferruch,
comprenait 37 000 hommes des troupes métropolitaines, dont 31 000
fantassins, des artilleurs, des compagnies du génie, avec un important
matériel de siège et trois escadrons de cavalerie légère
fournis par les 13e et 17e chasseurs à cheval.
-------Les
difficultés rencontrées pour le transport des chevaux et
du fourrage expliquent cette situation qui rendit difficile l'exploitation
du succès après la prise d'Alger, le 5 juillet, et le maintien
de la sécurité autour des différentes têtes
de pont de Bône et d'Oran.
-------Aussi,
dès octobre 1830, le général
Clauzel, successeur du maréchal de Bourmont, accepta les
services des spahis en majorité d'origine turque, qui, avant l'arrivée
des Français, constituaient l'essentiel des troupes montées
du dey d'Alger.
-------À
ces derniers se joignirent des éléments locaux, comme les
volontaires à cheval, qui formèrent le corps auxiliaire
des chasseurs indigènes, rattachés aux zouaves et chasseurs
d'Afrique.
-------Mais
bientôt toutes ces formations disparates furent confiées
au célèbre Yousouf ou
Yusuf , cet Italien de l'île d'Elbe, enlevé par les
corsaires barbaresques, élevé à la cour du bey de
Tunis et passé au service de la France en 1830.
-------Yousouf
et Marey-Monge, noms légendaires pour tous ceux qui furent
cavaliers d'Afrique |
-------Cet
intrépide cavalier, qui finira son extraordinaire carrière
militaire en 1866 comme général commandant la division de
Montpellier, rude sabreur et fin politique à la fois, mit ses spahis
au premier rang de la cavalerie d'Afrique en les faisant participer à
toutes les colonnes sous les ordres d'officiers français et indigènes
particulièrement choisis. Le nom de Yousouf est inséparable
des premiers exploits des spahis. Il fut le véritable créateur
de ce corps d'élite, le forma à son image et lui communiqua
cette ardeur héroïque, cet esprit aventureux dont la tradition
allait se conserver pendant cent trente-deux ans sur tous les champs de
bataille de l'armée française.
-------Il
convient également de ne pas oublier le lieutenant-colonel
Guillaume Marey-Monge, qui, en sa qualité de père
des escadrons de chasseurs algériens des zouaves, se vit confier
le commandement du premier groupement de spahis, à Alger, en septembre
1831, après la promulgation de la loi autorisant la levée
hors du territoire national de corps militaires composés d'étrangers.
-------C'est
en 1841 que la cavalerie d'Algérie, cessant d'être un
corps auxiliaire, fut intégrée dans l'armée régulière.
-------Et
en juillet 1845, une ordonnance royale créa le 1er spahis (province
d'Alger), le 2è spahis (province d'Oran), le 3è spahis
(province de Constantine). |
-------Mais
il fallut attendre décembre pour que la cavalerie d'Algérie
perdît son caractère d'auxiliaire pour être intégrée
dans l'armée régulière.
-------Quatre
ans plus tard, en juillet une ordonnance royale crée trois régiments
de spahis à l'aide des vingt escadrons du colonel Yousouf : le
1er dans la province d'Alger, le 2e dans la province d'Oran, le 3e dans
la province de Bône.
-------Burnous
au vent, les spahis rappellent les cavaliers d'Abd el-Kader, montés
sur leurs petits chevaux arabes. Leur tenue est une des plus belles
des régiments d'Afrique.
-------Burnous
rouge ou bleu sombre, guennour (turban) immaculé, ils montent
sur de petites selles arabes, en cuir souvent brodé. |
-------Parmi
les grands noms inséparables de la gloire des spahis Joseph
Vantini, dit Yousouf, Italien enlevé par des
pirates, élevé par le bey de Tunis et qui rallie la
France en 1830; Marey-Monge et
Bournazel, tué au Maroc dans sa tunique rouge de spahi. |
-------Dès
cette époque, les nouvelles formations vont participer davantage
encore à l'achèvement
de la conquête, puis à la pacification de l'Algérie.
-------Auparavant,
les unités de spahis des différentes provinces s'étaient
distinguéesdans de nombreuses circonstances et, en particulier,
celles de la région de Bône, à Constantine en 1836
et 1837, aux Portes-de-Fer en 1839 et à Collo en 1843; celles de
la région d'Oran à la bataille de l'Isly, en 1844 ; enfin,
celle de la région d'Alger à la prise de la smala d'Abd
el-Kader, en 1843.
Représentés dans l'armée
impériale
-------Mais si les
régiments de spahis restent stationnés en Algérie
jusqu'au début du XXè siècle, ils n'en participent
pas moins à presque toutes les campagnes de l'armée française
hors d'Afrique du nord : en Europe, en Afrique, en Extrême-Orient.
-------Pendant
la malheureuse guerre francol-prussienne de 1870-1871, les trois régiments
de spahis furent représentés dans les rangs de l'armée
impériale comme dans ceux des troupes levées par le gouvernement
de la Défense nationale sur la Loire ou dans l'Est.
pour "eux" paix
veut dire aussi pacification
-------Ils
vont également participer à l'expansion coloniale de la
IIIè République sur tous les continents
-------L'établissement
du protectorat français dans la Régence marque une nouvelle
étape dans l'histoire des spahis avec la création, le 1er
octobre 1886, d'un 4è régiment, à l'aide des trois
escadrons locaux levés dès le début de l'occupation.
1923 : première
garnison en Europe
-------C'est
à ce moment que les appellations des unités correspondront
à leur recrutement et ainsi vont exister trois régiments
de spahis algériens (R.S.A.) et un régiment de spahis tunisiens
(R.S.T.).
-------L'Algérie
pacifiée, la Tunisie occupée et la conquête de notre
empire colonial terminée, l'armée d'Afrique va connaître
une période de calme jusqu'en 1907.
-------Après
la signature. du traité de protectorat à Fez, en 1912, la
cavalerie d'Afrique se renforce de dix escadrons de spahis marocains issus
des tabors montés du sultan du Maroc et encadrés en partie,
à leur formation, par des gradés algériens.
-------Deux
ans plus tard le déclenchement de la première guerre mondiale
va provoquer un nouvel accroissement de l'effectif de nos cavaliers d'A.F.N.
-------Après
la guerre 1914-1918, l'activité opérationnelle des spahis
va se poursuivre encore longtemps.
-------Pendant
les vingt années qui séparent les deux conflits mondiaux,
leurs régiments vont participer à toutes les opérations
menées au Maroc et au Levant.
-------En
1921, l'ordre de bataille des spahis était le suivant
-------En
Algérie : les 1er, 2è, 3è, 5e et 6è spahis
algériens ;
-------Au
Maroc : les 7e, 8è , 9è spahis algériens
et le 22e spahis marocains ;
-------Au
Levant : le 21e spahis marocains (ex
régiment de marche de spahis marocains) et le 11è spahis
mixte ;
-------En
Tunisie : le 4e spahis tunisiens.
-------En 1923, pour la première fois de
leur histoire, des spahis vinrent tenir garnison en Europe avec la constitution
de deux brigades : la 1ère (5è et 6è spahis), stationnée
en Allemagne ; la 2è (7e et 9è spahis), stationnée
dans la vallée du Rhône à Orange et à Vienne.
-------En
1924, le 23è spahis marocains est formé au Maroc tandis
qu'au Levant en janvier 1929, le 12è spahis tunisiens succède
au 11è spahis. Les graves événements de 1925: guerre
du Rif au Maroc et révolte druze en Syrie vont donner l'occasion
à nos cavaliers d'Afrique de montrer leurs incomparables aptitudes
à combattre sur des théâtres d'opérations extérieurs.
Ils passent à la " guerre
moderne "
-------Les
deux brigades d'Allemagne et de métropole sont dirigées
sur le Maroc, où elles prendront une part active à la campagne
contre Abd el-Krim jusqu'à la capture de ce dernier, tandis que
le 6e spahis verra son chef, le lieutenant-colonel
Ving, tomber glorieusement à sa tête près de
Damas, le 20 juillet 1926.
-------Cette
même année voit la fin des grandes insurrections en Afrique
du Nord et au Proche-Orient, ce qui provoque un nouveau déploiement
des unités d'Afrique qui restera pratiquement inchangé jusqu'au
début de la seconde guerre mondiale.
-------En
janvier 1929, les régiment spahis marocains deviennent respectivement
les 1er, 2è, 3è et 4è R.S.M.
------- Jusqu'en
mars 1934, les unités du Maroc vont participer aux dernières
opérations de pacification. On les trouve au djebel Sagho, en 1933,
où l'un des leurs, le capitaine Henri de
Bournazel, trouve une mort glorieuse revêtu de sa veste rouge
de spahi à la tête de supplétifs marocains ; dans
le Grand Atlas et jusqu'aux confins du désert, dans l'Anti-Atlas,
où va se terminer un siècle de combats en Afrique du Nord.
Hélas ! la trêve sera de courte durée après
l'instauration du régime nazi en Allemagne et l' aggravation continuelle
de la situation internationale.
|
|
--------Pendant
les six années qui vont suivre, les spahis - ceux de France comme
ceux d'Afrique du Nord - se prépareront à remplir leurs
missions dans le cadre d'une guerre moderne.
-------À
la mobilisation de septembre 1939, plusieurs groupes
de reconnaissance divisionnaires sont constitués à l'aide
d'élélments de spahis en France, en Afrique du nord et au
Levant.
-------En
outre vont participer à la campagne de France de mai-juin 1940
lesdeux brigades de métropole et une 3è formée en
Afrique du Nord.
-------Cette
dernière, qui comprenait le 2è R.S.A. et
le 2e R.S.M., va, en se sacrifiant au cours d'un combat sans espoir à
La Horgne, ajouter à l'histoire des spahis une page d'héroïsme,
que nous croyons devoir évoquer plus longuement.
-------Le
13 mai, après la percée du front à Sedan, les panzers
de Guderian foncent vers l'ouest et nos troupes sont rejetées,
au nord, sur la Meuse et, au sud, sur la route du Chesne.
La Horgne, 15 mai 1940
-------Dans l'intervalle
s'ouvre, entre la IXe et la IIe armée française, une brèche
de huit kilomètres où, le 14, s'établit la 3e brigade
de spahis (2e R.S.A. et 2è R.S.M.), placée sous le commandement
du colonel Marc. Des renforts sont attendus
avant le 15 mai au soir, mais il faut tenir jusqu'à leur arrivée
en organisant un centre de résistance dans le village de La Horgne,
au milieu de la trouée, entre Poix-Terron et Baâlons.
-------Après
cinq jours de combats en Belgique et sur la Meuse, les effectifs sont
déjà fortement entamés. -------Pour
la brigade entière, ils ne dépassent pas la valeur d'un
régiment avec des moyens antichars encore plus restreints.
-------La
position, dans un pays vallonné et couvert, se réduit au
village de La Horgne, qui commande plusieurs routes sur l'un des axes
de marche de l'ennemi.
-------En
toute hâte, des barricades doublées d'abattis sont construites
aux carrefours tandis que tous les chevaux et bagages sont dirigés
sur l'arrière.
-------Dès
le 15 mai au matin, le contact est pris par des éléments
légers de la
1ère panzerdivision, qui va être obligée d'engager
la plus grande partie de ses moyens pour venir à bout de la résistance
de nos cavaliers nord-africains.
-------Utilisant
au mieux leurs trois canons antichars, les spahis stoppent dans la matinée
deux contre-attaques appuyées par des blindés, mais la faiblesse
de nos moyens et l'importance de nos pertes rendent vite la lutte inégale.
Dans l'après-midi, la 3e brigade est encerclée et, malgré
l'incendie du village, les combats vont se poursuivre au corps à
corps dans chaque maison et autour du cimetière.
-------En
fin d'après-midi, après la destruction de leurs engins antichars
et l'épuisement de leurs munitions, une cinquantaine de survivants
du 2e R.S.A., sous les ordres du colonel Burnol,
essaient de s'ouvrir un passage les armes à la main. Comme beaucoup
d'autres, le colonel tombe en combattant après avoir réussi
à dégager une partie de son détachement.
Ils ont eu aussi leur
"Camerone": la Horgne
-------Pendant ce
temps, l'étau ennemi se referme sur les Marocains, dont le chef,
le colonel Geoffroy, est à son tour mortellement frappé
en organisant une ultime résistance.
-------À
17 heures, les Allemands occupent les ruines fumantes de La Horgne après
avoir payé chèrement leur " conquête " de
la perte de douze chars et d'une centaine d'hommes.
-------En
se sacrifiant presque totalement, la 3e brigade de spahis avait rempli
sa mission en empêchant, pendant une demi-journée, la progression
des éléments blindés ennemis.
À
la libération de Paris et de Strasbourg
-------L'arrêt
des hostilités va provoquer le retour des spahis en Afrique du
Nord. Là, ils se reformeront, le plus souvent dans la clandestinité,
et se prépareront à recommencer la lutte dès que
les circonstances le permettront.
-------Le
débarquement allié du 8 novembre 1942 permet à l'armée
d'Afrique tout entière de reprendre sa place dans le conflit. Après
la campagne de Tunisie de 1942-1943, où nos troupes combattront
avec les seuls moyens dont elles disposaient organiquement, sept régiments
de spahis, entièrement motorisés et blindés, participeront
aux campagnes de la Libération de 1944-1945
-------1.
Avec le corps expéditionnaire français en Italie du général
Juin
-------a)
le 3e R.S.A., régiment de reconnaissance de la 3e division d'infanterie
algérienne (3e D.I.A.) ;
-------b)
le 3e R.S.M., régiment de reconnaissance de la 2e division d'infanterie
marocaine (2e D.I.M.) ;
-------c)
le 4° R.S.M., régiment de reconnaissance de la 4e division
marocaine de montagne (4e D.M.M.).
-------2.
Avec la 1ère armée française du général
de Lattre:
-------ces
mêmes unités avec, en plus, le 2e R.S.A. de la 1è
division blindée et le 1er R.S.A., qui opérera dans les
poches de l'Atlantique.
-------3.
Avec la 2e division blindée du général Leclerc
-------le
1er régiment de marche de spahis marocains, qui aura la fierté
de libérer Paris et Strasbourg après avoir combattu sans
arrêt, depuis 1941, en Erythrée, en Tripolitaine et en Tunisie
avec les Forces françaises libres.
-------Enfin, au cours de l'hiver 1944-1945 fut
reformée la 1ère brigade de spahis avec deux régiments
à cheval : les 7e R.S.A. et 5e R.S.M., pour tenir garnison dans
l'est et le sud-ouest de la France.
-------Le 6 mai 1945, jour de la capitulation de
l'armée allemande, ce même régiment atteindra le col
de l'Arlberg et les spahis, comme en 1918, auront été parmi
les principaux artisans de la victoire.
-------Après
la fin de la seconde guerre mondiale, quelques régiments de spahis
entrent dans la composition des divisions stationnées en Allemagne
et en métropole avant de rejoindre successivement leurs garnisons
d'Afrique du Nord.
-------Le 7e groupe de spahis algériens est
créé à Senlis où il constituera, jusqu'à
sa dissolution en 1962, la dernière unité à cheval
de l'armée française.
-------Le
nombre et la composition des corps de spahis varieront en fonction des
besoins du théâtre d'opérations d'Extrême-Orient.
S'adaptant aux missions les plus diverses, les spahis comprendront des
unités à pied, montées, portées ou blindées.
-------Dès
la fin de 1945, des escadrons de spahis débarquent en Indochine
avec le corps expéditionnaire du général Leclerc.
-------En
1947 est créé le régiment de marche de spahis d'Extrême-Orient,
qui deviendra bientôt le 2e R.S.M. qui prendra part à de
nombreuses opérations comme troupe à pied ou blindée.
-------En
1949, seront dirigés sur l'Indochine les 5e et 6e spahis, puis
le 8e algériens. Ils seront employés, le premier en Cochinchine
et au Cambodge, les deux autres en Annam et au Tonkin.
Depuis 1962 un régiment maintenu
-------Après
la signature des accords de Genève de 1954, les spahis seront rapatriés
en Afrique du Nord, où ils tenteront, jusqu'en 1962, de maintenir
la présence française sur cette terre qui avait vu naître
leur corps plus d'un siècle auparavant.
-------La
fin de la guerre d'Algérie va provoquer la disparition des unités
nordafricaines.
-------Seul
a été maintenu jusqu'à ce jour le 1er régiment
de spahis marocains en sa qualité d'héritier des régiments
de marche de spahis des deux guerres mondiales et de nos campagnes d'outremer.
-------Cité
cinq fois à l'ordre de l'armée en 1914-1918, deux fois en
1940-1945, trois fois en Extrême-Orient, décoré de
la croix de la Libération et du mérite militaire chérifien,
son étendard porte des noms prestigieux.
Colonel Yves JOUIN
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