--------EN Algérie
(comme en Indochine), " képis blancs " et " pompons
rouges " ont travaillé ensemble. Tandis que la légion
" couvrait " les monts de Tlemcen, la Ire demi-brigade de fusiliers
marins se voyait confier la difficile mission de pacifier les approches
nord de la frontière marocaine, depuis la zone interdite de Port-Say
et Bab-el-Assa jusqu'à Nédroma et Sydna-Youcha.
--------Chaque
semaine, les anciens " cols bleus ", qui avaient troqué
la tenue de drap bleu ou de toile
blanche pour le treillis de brousse verdâtre, vont devoir débusquer
le moudjahid (soldat de l'A.L.N.), le moussbel (partisan sans uniforme),
le tissai (guide), le fidai (commando) placés aux ordres des chefs
de mintaka (zone), de nahia (district), ou de kasma (secteur).
--------Si
la légion a ses P.I.M., la D.B.F.M. a ses commandos. Et chaque
soir, lorsque la nuit tombe sur l'îlot des Deux-Frères, qui
commande la passe de Nemours, et que sonne l'heure du couvre-feu, "
Yatagan " s'enfonce dans les djebels des Beni-Mishel
ou des Beni-Menir pour y monter des embuscades contre les bandes qui ont
pu franchir le barrage.
--------Le
commando a son insigne : yatagan d'émail blanc à cheval
sur les deux ancres de la marine nationale. --------Il
compte quelques djounoud ralliés,
mais le gros de ses sections est composé de volontaires musulmans
qui, pour une raison ou une autre, ont choisi de se battre aux côtés
des Français.
En Algérie, la harka, c'est un groupe de supplétifs
recrutés, la plupart du temps, parmi les rebelles ralliés
qui ont mal supporté la vie trop dure des hors-la-loi. " |
--------À
Nemours, au P.C. de la D.B.F.M., le lieutenant. De Haro, officier de renseignement
de l'unité, m'avait mis en présence du " commando "
Saharaoui qui m'avait dit dans quelles conditions il avait rallié
les fusiliers marins
---------
Je suis originaire des Souhalia. J'ai servi la France au 6e bataillon
de tirailleurs algériens. Pendant deux ans j'ai fait campagne dans
les Aurès-Nemencha et à Sebdou.
--------"
Libéré, j'ai rejoint mon douar. Huit jours après
mon arrivée, mon frère, âgé de cinquante ans,
a été enlevé par les fellaghas et égorgé
la même nuit. Le lendemain, un rebelle est venu chez moi. Il s'est
flatté d'avoir abattu mon frère et m'a demandé de
l'accompagner, sinon je serais tué à mon tour. Six de ses
camarades, armés, attendaient devant ma porte. Je me suis décidé
à les suivre, persuadé que je vivais ma dernière
journée.
--------"
Il était 4 heures de l'après-midi. Nous avons pris le chemin
du. djebel.
--------Lorsque
la nuit tomba je me dis : mourir pour mourir, autant prendre le risque
d'une fuite dans l'obscurité. Je profitai d'un moment d'inattention
de mes ravisseurs pour me glisser derrière un buisson, puis je
détalai à toutes jambes. Mon départ fut salué
par des rafales de mitraillette, mais il faisait trop sombre pour que
l'on puisse me rattraper. Au petit jour, j'arrivai en vue de Nédroma
et me présentai à une section de chasseurs portés.
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|
--------"
Je fus interrogé pendant quatre jours. Je sentais que les militaires
se méfiaient de moi. Puis l'officier me dit : " Nous avons
" vérifié tes déclarations. Tu es sincère.
" Que veux-tu devenir? Soldat? Goumier " à la S.A.S.
? Ou bien veux-tu que nous " te fassions partir pour la France où
tu " pourras travailler? "
--------"
J'ai répondu : Mon capitaine, les fellaghas ont tué mon
frère. Ils voulaient me tuer à mon tour. Alors, prenez-moi
à la S.A.S. où je serai protégé.
--------"
A la S.A.S. de Tounane, où j'ai été affecté,
j'ai appris que les rebelles, pour se venger de mon évasion, avaient
tué treize membres de ma famille âgés de vingt-cinq
à cinquante ans, dont une femme de trente ans qui laisse quatre
enfants. Mes oncles et cousins assassinés étaient tous pères
de famille et avaient de deux à sept enfants. Alors, j'ai décidé
de les venger et j'ai demandé à passer au commando Yatagan.
"
--------Je
viens d'oublier la haine...
--------Saharaoui
va participer à de nombreuses opérations. Il reçoit
la croix de la valeur militaire. Puis un jour, pendant un accrochage particulièrement
violent, il fait un prisonnier. Il le reconnaît : c'est l'assassin
de son frère! Le premier réflexe de Saharaoui est de braquer
son M.A.T. 49 sur le prisonnier. Mais il baisse aussitôt le canon
de son arme, appelle son capitaine et lui dit : " Je
viens d'oublier la haine en regardant. l'uniforme que je porte. Cet homme
ne m'appartient plus. Il est à l'armée. "
--------Lorsque
sonnera l'heure de l'indépendance, après les accords d'Évian,
la plupart de ces soldats algériens, abandonnés à
leur sort malgré les garanties données de part et d'autre,
connaîtront une fin hor. rible. Plusieurs seront ébouillantés
après avoir été mutilés. Les survivants serons
chargés de déminer la zone interdite da l'ancien barrage,
truffée d'engins meurtriers.
--------Peut-être
Saharaoui a-t-il été de ceux-là Peut-être,
plus heureux, a-t-il trouvé place parmi ces harkis que la marine
a pu évacuer à temps et vit-il quelque part dans un de ces
villages de France construits à l'intention de ces rescapés.
Léo PALACIO
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