mise sur site le 29-12-2003
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L'Armée d'Afrique
Tirailleurs, parachutistes, légionnaires, spahis, chasseurs,...

Les régiments de l'Oranie du Far-West
Les fusiliers marins. Ils ont troqué la tenue de drap bleu contre l'uniforme de djebel, kaki ou verdâtre, le " col bleu " contre le treillis, et, désormais, ils vont avoir à se battre pour débusquer les bandes rebelles près de la frontière marocaine.
Extrait de Historia Magazine, la guerre d'Algérie, n°218/25, 6 mars 1972

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--------EN Algérie (comme en Indochine), " képis blancs " et " pompons rouges " ont travaillé ensemble. Tandis que la légion " couvrait " les monts de Tlemcen, la Ire demi-brigade de fusiliers marins se voyait confier la difficile mission de pacifier les approches nord de la frontière marocaine, depuis la zone interdite de Port-Say et Bab-el-Assa jusqu'à Nédroma et Sydna-Youcha.
--------Chaque semaine, les anciens " cols bleus ", qui avaient troqué la tenue de drap bleu ou de toile
blanche pour le treillis de brousse verdâtre, vont devoir débusquer le moudjahid (soldat de l'A.L.N.), le moussbel (partisan sans uniforme), le tissai (guide), le fidai (commando) placés aux ordres des chefs de mintaka (zone), de nahia (district), ou de kasma (secteur).
--------Si la légion a ses P.I.M., la D.B.F.M. a ses commandos. Et chaque soir, lorsque la nuit tombe sur l'îlot des Deux-Frères, qui commande la passe de Nemours, et que sonne l'heure du couvre-feu, " Yatagan " s'enfonce dans les djebels des Beni-Mishel ou des Beni-Menir pour y monter des embuscades contre les bandes qui ont pu franchir le barrage.

yatagan

--------Le commando a son insigne : yatagan d'émail blanc à cheval sur les deux ancres de la marine nationale. --------Il compte quelques djounoud ralliés, mais le gros de ses sections est composé de volontaires musulmans qui, pour une raison ou une autre, ont choisi de se battre aux côtés des Français.

En Algérie, la harka, c'est un groupe de supplétifs recrutés, la plupart du temps, parmi les rebelles ralliés qui ont mal supporté la vie trop dure des hors-la-loi. "

--------À Nemours, au P.C. de la D.B.F.M., le lieutenant. De Haro, officier de renseignement de l'unité, m'avait mis en présence du " commando " Saharaoui qui m'avait dit dans quelles conditions il avait rallié les fusiliers marins
--------- Je suis originaire des Souhalia. J'ai servi la France au 6e bataillon de tirailleurs algériens. Pendant deux ans j'ai fait campagne dans les Aurès-Nemencha et à Sebdou.
--------" Libéré, j'ai rejoint mon douar. Huit jours après mon arrivée, mon frère, âgé de cinquante ans, a été enlevé par les fellaghas et égorgé la même nuit. Le lendemain, un rebelle est venu chez moi. Il s'est flatté d'avoir abattu mon frère et m'a demandé de l'accompagner, sinon je serais tué à mon tour. Six de ses camarades, armés, attendaient devant ma porte. Je me suis décidé à les suivre, persuadé que je vivais ma dernière journée.
--------" Il était 4 heures de l'après-midi. Nous avons pris le chemin du. djebel.
--------Lorsque la nuit tomba je me dis : mourir pour mourir, autant prendre le risque d'une fuite dans l'obscurité. Je profitai d'un moment d'inattention de mes ravisseurs pour me glisser derrière un buisson, puis je détalai à toutes jambes. Mon départ fut salué par des rafales de mitraillette, mais il faisait trop sombre pour que l'on puisse me rattraper. Au petit jour, j'arrivai en vue de Nédroma et me présentai à une section de chasseurs portés.

 

--------" Je fus interrogé pendant quatre jours. Je sentais que les militaires se méfiaient de moi. Puis l'officier me dit : " Nous avons " vérifié tes déclarations. Tu es sincère. " Que veux-tu devenir? Soldat? Goumier " à la S.A.S. ? Ou bien veux-tu que nous " te fassions partir pour la France où tu " pourras travailler? "
--------" J'ai répondu : Mon capitaine, les fellaghas ont tué mon frère. Ils voulaient me tuer à mon tour. Alors, prenez-moi à la S.A.S. où je serai protégé.
--------" A la S.A.S. de Tounane, où j'ai été affecté, j'ai appris que les rebelles, pour se venger de mon évasion, avaient tué treize membres de ma famille âgés de vingt-cinq à cinquante ans, dont une femme de trente ans qui laisse quatre enfants. Mes oncles et cousins assassinés étaient tous pères de famille et avaient de deux à sept enfants. Alors, j'ai décidé de les venger et j'ai demandé à passer au commando Yatagan. "

--------Je viens d'oublier la haine...

--------Saharaoui va participer à de nombreuses opérations. Il reçoit la croix de la valeur militaire. Puis un jour, pendant un accrochage particulièrement violent, il fait un prisonnier. Il le reconnaît : c'est l'assassin de son frère! Le premier réflexe de Saharaoui est de braquer son M.A.T. 49 sur le prisonnier. Mais il baisse aussitôt le canon de son arme, appelle son capitaine et lui dit : " Je viens d'oublier la haine en regardant. l'uniforme que je porte. Cet homme ne m'appartient plus. Il est à l'armée. "
--------Lorsque sonnera l'heure de l'indépendance, après les accords d'Évian, la plupart de ces soldats algériens, abandonnés à leur sort malgré les garanties données de part et d'autre, connaîtront une fin hor. rible. Plusieurs seront ébouillantés après avoir été mutilés. Les survivants serons chargés de déminer la zone interdite da l'ancien barrage, truffée d'engins meurtriers.
--------Peut-être Saharaoui a-t-il été de ceux-là Peut-être, plus heureux, a-t-il trouvé place parmi ces harkis que la marine a pu évacuer à temps et vit-il quelque part dans un de ces villages de France construits à l'intention de ces rescapés.

Léo PALACIO