sur site le 19/02/2002
-la liberté vient du sud : gloire à l'armée d'Afrique
A l'aube du 15 août 1944, le cliquetis des armes de 750 commandos d'Afrique, tous français, vient perturber entre le Rayol et le Cap Nègre, la quiétude de la nuit provençale. Ils sont les premiers libérateurs à prendre pied sur ce rivage de la Méditerranée que certains d'entre eux abordent pour la première fois. Pieds-Noirs, musulmans, métropolitains constituent le fer de lance de l'opération "Dragoon"
pnha n°47 juin 1994

14 Ko
retour
 
--------A l'aube du 15 août 1944, le cliquetis des armes de 750 commandos d'Afrique, tous français, vient perturber entre le Rayol et le Cap Nègre, la quiétude de la nuit provençale. Ils sont les premiers libérateurs à prendre pied sur ce rivage de la Méditerranée que certains d'entre eux abordent pour la première fois. Pieds-Noirs, musulmans, métropolitains constituent le fer de lance de l'opération "Dragoon" qui mobilise 500.000 hommes, dont près de 400.000 français de l'Armée d'Afrique.
--------Mais qui est cette armée d'Afrique ? "C'est nous les africains qui arrivons de loin". Et c'est vrai qu'elle vient de loin cette armée. Elle avait au printemps 1940 participé à la bataille de France où déjà ces belles divisions africaines s'étaient sacrifiées pour que nos alliés anglais puissent s'embarquer les premiers.
Les conventions d'armistice tolèrent pour l'ensemble de l'Afrique française le maintien d'une armée de 96 000 hommes, armée qui n'est en réalité qu'une force de gardiennage, sans aucun moyen d'appui ni capacité d'intervention.
--------En octobre 1940, tout est donc à reconstruire. Il faut réorganiser les régiments, reconstituer les stocks de munitions et de carburant, camoufler les effectifs, les matériels et les approvisionnements aux investigations des représentants de la commission d'armistice. Il faut surtout transformer des hommes désabusés en combattants de demain, leur redonner un moral, un idéal, les préparer à la future revanche . Ce sera l'oeuvre du Général Weygand jusqu'au 16 novembre 1941, date à laquelle il est rappelé en métropole, puis arrêté et interné.
--------Cette petite armée ainsi reconstituée va être entretenue, confortée sous l'autorité du Général Juin. Dès l'année suivante, elle reprend le combat et signe ses premiers faits d'armes avec Leclerc en Tunisie, au Fezzan, à Bir-Hakeim. Le travail patient et obstiné poursuivi depuis octobre 1940 porte ses premiers fruits, prometteurs d'une abondante récolte de gloire.
--------Depuis fin 1942, le Général Giraud, après deux évasions spectaculaires, rejoint Alger où il prend la tête de l'armée d'Afrique rangée dans le camps des alliés. Son principal mérite est d'avoir eu la volonté de transformer une force encore modeste en une véritable armée moderne capable de tenir son rang dans les combats à venir. Il obtient des Etats-Unis la livraison du matériel nécessaire à l'équipement de 11 divisions dont 3 blindées, ainsi que 500 avions de combat.
--------Restent les effectifs qui se limitent à 128.000 hommes :80.000 venant de Tunisie qui vont constituer le noyau de l'armée d'Afrique, 15.000 combattants de la France Libre, 10.000 jeunes de chantiers de jeunesse déjà préparés aux combats futurs, 23 000 évadés et volontaires venus de la métropole. Tout cela paraît insuffisant à Giraud. Il va devoir imposer à toute l'Afrique du Nord un extraordinaire effort de mobilisation qui fera appel à tous les hommes de 19 à 45 ans. C'est le plus fort pourcentage de conscription mobilisée, pas même atteint par les allemands qui pourtant avaient largement puisé dans leurs réserves. En juillet 1943, l'objectif est atteint. L'armée française d'Afrique franchit le cap des 400.000 hommes dont plus de 5000 femmes volontaires.
-----Mais le nombre ne suffit pas, il faut aussi assurer la formation et l'encadrement de ces futurs combattants. L'école d'élèves-officiers de Cherchell, les camps et les plages d'Oranie vont les soumettre à de rudes épreuves destinées à les aguerrir. De cette vie quotidienne d'entraînements intensifs va naître, entre ces hommes venus d'horizons divers, une cohésion profonde qui les fera tendre vers un unique objectif : la libération de la France.
--------A la fin 1943, le haut-commandement allié juge l'Armée française d'Afrique apte à reprendre sa place au combat. La grande aventure pour la reconquête de la liberté peut alors commencer. Après la campagne-éclair de Sicile et de Calabre, la chute de Mussolini et la capitulation de l'Italie, la libération de Naples, les troupes anglo-américaines piétinent. La marche sur Rome ne peut s'effectuer que par une seule voie à travers l'obstacle naturel que constitue la chaîne des Abruzzes.
----
  ------Cet obstacle se révélera infranchissable par les véhicules et les divisions blindées d'une armée moderne équipée pour la rase campagne. Seules, une infanterie de tout premier ordre, dotée de moyens de transport rustique, peut s'engager sur ces terrains escarpés propices aux embuscades meurtrières, où (ennemi qui tient les positions élevées surveille tout mouvement et interdit toute progression.
------Débarquée quelques jours avant à Naples, l'armée française d'Afrique est engagée dans la bataille le 13 décembre 1943. pendant 5 mois vont se dérouler sans discontinuer des combats difficiles, acharnés, où chaque mètre de terrain conquis doit être aussitôt défendu, avec en point d'orgue la terrible bataille de Cassino, la plus meurtrière de toute la campagne d'Italie. Le bilan sera lourd pour les Tabors marocains, Goumiers, Tirailleurs algériens, tunisiens et africains et toutes les unités qui composent le Corps Expéditionnaire Française : 9.000 morts, 23.000 blessés.
Enfin, le 23 mai 1944, la route sur Rome est ouverte. Cette première grande victoire, si durement acquise, va révéler au monde entier une armée ressuscitée et son chef, le Général Juin, un "pieds-noirs" à la tête d'une armée d'Africains.
-------La marche victorieuse se poursuit : Rome le 5 juin, Sienne le 3 juillet sont tour à tour libérées. Elle aurait pu aller encore plus loin, mais le haut-commandement allié destine l'armée d'Afrique à d'autres missions et elle doit la mort dans l'âme, faire demi-tour le 22 juillet. Elle ne verra pas s'ouvrir devant elle les portes de Florence.
-------Etats-majors, régiments et services se regroupent en Compagnie. Séjour de repos bien mérité mais aussi de réorganisation avec l'arrivée de renforts venus d'Afrique. Le Général Juin fait ses adieux aux Corps Expéditionnaire Français qu'il a, contre toute attente, conduit à la gloire. Le C.E.F. devient alors "l'armée B" qui, embarquée à Tarente et à Brindisi, va débarquer à l'aube du 15 août 1944, sur les plages de Provence.
Placée désormais sous le commandement du Général de Lattre, elle va libérer Toulon, Marseille, remonter la Vallée du Rhône, couper la retraite allemande à travers les Vosges et l'Alsace et planter le drapeau français sur les bords du Rhin, au coeur de l'Allemagne et en Autriche.
-------L'Armée française d'Afrique entrait alors dans la légende. Et qui, mieux que celui qui lui en avait ouvert les portes, le Général Juin, pouvait lui rendre meilleur hommage : "Combattants français et combattants musulmans d'Algérie, de Tunisie et du Maroc, confondus dans les mêmes sacrifices et les mêmes fiertés, y perpétuent le souvenir de l'héroïsme le plus pur et de la fraternité qui toujours régna dans les rangs de l'armée d'Afrique, tant il est vrai que c'est dans son sein et au creuset des batailles, que les deux races se sont toujours le mieux fondues, le mieux comprises et le plus aimées".
-------Le rôle décisif de l'armée d'Afrique dans la libération de notre région et de la France toute entière n'occupe pas, hélas, dans la mémoire collective la place qui lui revient. Il faut que notre jeunesse sache que la liberté dont nous jouissons aujourd'hui nous la devons à ceux qui, il y a cinquante ans, se sont battus pour qu'elle revive, jusqu'au sacrifice sublime.
-------C'est de ce devoir de vérité, de mémoire, de reconnaissance qu'est né "1944 - la liberté vient du Sud"