L'Armée
d'Afrique
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--LA DISSOLUTION DU 1er REGIMENT
ETRANGER DE PARACHUTISTES
« LES SEIGNEURS DE LA GUERRE » « LHonneur est-il dans lobéissance absolue au pouvoir légal, ou dans le refus dabandonner des populations qui allaient être massacrées à cause de nous ? Jai choisi selon ma conscience. Jai accepté de tout perdre, et jai tout perdu. ( ) Je connais des réussites qui me font vomir. Jai échoué, mais lhomme au fond de moi a été vivifié » (Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc (1er REP) - « Laventure et lespérance »)
22 Avril 1961
Une agitation anormale prenait naissance. On signalait des mouvements imprévus des véhicules de groupes de transport. Il était une heure du matin et les légionnaires du 1er REP, commandés par le Commandant, Elie Denoix de Saint-Marc, fonçaient sur Alger. Pouvait-on vivre chargés de honte? La France senfonçait dans les égouts, la France nexistait plus. A son secours volaient les légionnaires, prêts à verser leur sang si la légion le leur demandait, marchant de leurs pas déternité vers la vie, vers la mort, fidèles à eux-mêmes, aux pierres tombales qui jonchaient leur route, fidèles à lhonneur. Au même moment, dautres « Seigneurs de la guerre » investissaient les grandes villes dAlgérie : le 1er Régiment Etranger de Cavalerie du Colonel de la Chapelle, le 5ème Régiment Etranger dInfanterie du Commandant Camelin, le 2ème Régiment Etranger de Parachutistes entraîné par ses capitaines et le Commandant Cabiro, dès lors que son chef, le Colonel Darmuzai sétait lâchement désisté, les 14ème et 18ème Régiments de Chasseurs Parachutistes des Colonels Lecomte et Masselot, le groupement des commandos de parachutistes du Commandant Robin, les commandos de lair du Lieutenant-Colonel Emery Les fleurons de la 10ème et de la 25ème Division de Parachutistes. Et puis dautres unités se rallient au mouvement : le 27ème Dragons du Colonel Puga, le 7ème Régiment de Tirailleurs Algériens du Colonel Rafa, le 1er Régiment dInfanterie de Marine du Commandant Lousteau, le 6ème RPIMA du Lieutenant-Colonel Balbin et le 8ème RPIMA du Colonel Lenoir, le 94ème RI du Colonel Parizot, le 1er RCP du Colonel Plassard, le 9ème RCP du Colonel Bréchignac A noter aussi le ralliement immédiat des harkis du Commandant Guizien, basés à Edgar-Quinet, village situé au pied de lAurès. Au lendemain du cessez-le-feu, ils paieront très cher leur fidélité : Un millier de ces supplétifs, avec femmes et enfants, seront massacrés dans des conditions effroyables Néanmoins quelque chose avait filtré du projet. Il nest pas de secret que puissent garder tant dhommes en marche vers leur mystérieux rendez-vous. De confuses alertes chuchotées de bouche à oreille avaient couru dun bout à lautre de lAlgérie, affolant par limminence dun événement quils pressentaient, de « courageux » officiers qui sétaient ainsi rués dans lune de ces échappatoires qui leur permettrait, plus tard, de pouvoir se disculper tant auprès des vaincus que des vainqueurs : Ils sétaient fait mettre en permission pour éluder le choix et des quatre coins dAlgérie, des chefs étaient partis pour ne pas être présents quand se lèveraient les aurores difficiles Pourtant, des années durant, sur les tombes des officiers tués au combat, ces mêmes chefs avaient limité leur oraison funèbre à un serment prêté sur les cercueils drapés de tricolore : « Nous nabandonnerons jamais lAlgérie ! ». Quen était-il aujourdhui ? Fallait-il dans ce cas employer la force? Cest dans de tels moments que bascule le destin des hommes et cest à ce moment-là que bascula celui de lAlgérie française Parce que la fraction de larmée qui sétait révoltée refusait de mener le même combat que celui du FLN, la bataille allait être perdue. Parce que les généraux (notamment le général Challe), avaient eu la naïveté de croire quune révolution se faisait sans effusion de sang et pouvait se gagner uniquement avec le cur et de nobles sentiments, ils allaient entraîner avec eux dans leur perte les meilleurs soldats que la France ait jamais eus et tout un peuple crédule et soumis. A lévidence, ils négligèrent les recommandations dun célèbre révolutionnaire : Fidel Castro, dont la doctrine était la suivante : « Pour faire une révolution, il vaut mieux un chef méchant que plusieurs chefs gentils ».
25 Avril 1961
Le général Challe prend la décision de mettre fin au soulèvement et de se livrer au bon vouloir de Paris. Ce faisant, il va consacrer la défaite des plus belles unités, livrer 20 ans de sacrifices et dexpérience. Ce quil remet à létat gaulliste, cest la force morale dune armée qui retrouvait le goût de vaincre, cest tout un capital jeune et révolutionnaire quelle avait amassé avec tant de souffrance pour la nation. Et ce fut la fin Les camions défilèrent un à un avec leur chargement de généraux, de colonels, de paras et de légionnaires. Les hommes chantaient une rengaine dEdith Piaf : « Non, rien de rien Non, je ne regrette rien » Ainsi durant quatre jours et cinq nuits, des hommes valeureux avaient tenté de sauver lAlgérie. Son corps se vidait de son sang, tout sombrait. Leur dignité imposait de se conduire en Seigneurs, même sils étaient chargés de tout le désespoir du monde. Ne rien regretter ? Si ! Davoir perdu. Et des camions qui roulaient maintenant dans la nuit profonde, toujours ce chant qui sélevait encore plus vibrant : « Non, rien de rien Non, je ne regrette rien » Je ne regrette rien ! Ce cri allait désormais devenir lhymne de ceux qui avaient osé et qui avaient tout sacrifié sauf leur honneur. Cétaient des hommes vaincus provisoirement-, courageux et généreux qui connaissaient ladversité. Les légionnaires se souvenaient pour la plupart de leurs combats pour la liberté en Pologne ou en Hongrie, pour dautres, ceux des rizières du Tonkin, pour dautres encore, de ceux de That-Khé, Dong-Khé, Cao-Bang, Diên Biên Phu qui furent les tombeaux dunités prestigieuses telles que les 2ème et 3ème Régiments Etrangers et du 1er BEP -Bataillon Etranger de Parachutistes-, celui-là même dont les légionnaires du 1er REP étaient les fiers héritiers Les appelés des 14ème, 18ème RCP et des commandos, trop jeunes pour avoir connu tant de gloire, demeuraient traumatisés par ces visions apocalyptiques qui les hantaient et qui représentaient ces visages lacérés où les yeux manquaient, ces nez et ces lèvres tranchés, ces gorges béantes, ces corps mutilés, ces alignements de femmes et denfants éventrés, la tête fracassée, le sexe tailladé. Mais tous à ce moment ignoraient le désespoir et savaient que demain la lumière brillerait à nouveau. Cétaient des révoltés à la conscience pure, des soldats fidèles, des Hommes des vrais ! Quel contraste étonnant cependant entre ces Seigneurs de la guerre que lon montrait aujourdhui du doigt sous le vocable fallacieux de « mercenaires » et de « factieux », ces soldats-loups à la démarche souple de félins accoutumés à la chasse et au guet, infatigables dans le chaos minéral de lAurès, soldats perdus dont luniforme collait comme une peau de bête, acceptant le défi de la guerre dans les défilés étroits comme des pièges, sur les pitons enneigés ou brûlés par le soleil, dans lenfer du désert où le monde mort a chassé celui des vivants et ces hommes flasques qui entonnaient de plus belle leurs incantations à la quille ! Au lendemain de la reddition des généraux, de Gaulle sempressa dépurer larmée française. Loccasion était trop belle den finir avec les contestataires trop fidèles à leur idéal et à leur parole. Cest ainsi, quoutre les centaines darrestations opérées dans les milieux militaires, policiers et civils, les régiments qui avaient constitué le « fer de lance » du putsch : 1er REP, 14ème et 18ème RCP, Groupement des commandos Parachutistes et Commandos de lair, allaient être dissous. Le 2ème RPIMA quant à lui, allait être expulsé de ses cantonnements. Dissoutes également, la 10ème et la 25ème Division de Parachutistes. Ne pouvant éliminer toutes les unités compromises sous peine de réduire à néant la force opérationnelle, seul leur encadrement serait sanctionné Cest ainsi quau cantonnement du 1er REP, lordre vint, sec et cruel. Le régiment était aux arrêts ! Tous les officiers de cette prestigieuse unité devaient sur le champ se constituer prisonniers. Beaucoup de légionnaires refusaient de sincliner ; ils voulaient livrer un ultime baroud dhonneur. Leur « Camerone » à eux, ils le souhaitaient, ils le désiraient. Mais toute résistance devenait désormais inutile. Leur sacrifice aurait été vain, lEtat était trop puissant, la France entière était contre eux, elle les avait reniés et lAlgérie était dores et déjà condamnée. Les blindés de la gendarmerie mobile cernaient le cantonnement, prêts à leur donner lassaut. La flotte était là à quelques encablures, ses canons pointés vers eux. Allons ! Il faut céder. Cen est fini du 1er REP La population européenne tout entière se dirigea vers le camp de Zéralda où les légionnaires étaient cantonnés. Elle voulait dire adieu à « son » régiment, le saluer une dernière fois, lui dire encore et toujours : Merci ! Merci à « leurs » légionnaires. Les commerçants baissaient leurs rideaux, les jeunes filles portaient des brassées de fleurs. A eux, les portes du camp souvrirent. Les journalistes furent interdits. « Vous ne verrez pas pleurer les légionnaires ! » leur lança un officier. Même les cinéastes du service cinématographique des armées furent refoulés. Pas question de filmer la mort du REP! Le silence se fit. Une ultime et bouleversante cérémonie aux couleurs, réunit autour du grand mât blanc, la population et ces valeureux baroudeurs, jeunes dAlgérie et vétérans dIndochine. Soudain, de la foule en larmes, surgit une petite fille. Tel un ange de blanc vêtu, elle savança vers les rangs des légionnaires, une feuille à la main. Dune voix douce et faible elle en fit la lecture. Cétait lultime hommage du petit peuple de Zéralda à « ses » enfants en reconnaissance de leurs sacrifices, leur courage et leur fidélité. Puis elle éleva sa petite main jusquà sa bouche et dans un geste empreint dune infinie tendresse, leur adressa un baiser. A ce moment, les applaudissements crépitèrent et une pluie de pétales de rose tournoya dans les airs. Gagnés par lémotion et la rancur, des légionnaires parachutistes, le visage tendu, les yeux rougis, sortirent des rangs, ôtèrent leurs décorations couvertes détoiles, de palmes et de gloire et les jetèrent devant eux. Lassistance regardait avec une sorte deffroi ces médailles qui jonchaient le sol. Des femmes les ramassaient et en les embrassant, les rendaient aux paras : « Si, si, reprenez-les ! » Des officiers pleuraient. Puis ce fut lembarquement dans les camions. Certains criaient : « De Gaulle au poteau ! », dautres « Algérie française quand même ! ». Sur leurs joues, des larmes coulaient. Dautres sefforçaient de sourire à la foule venue en masse pour les saluer et qui sépoumonait à hurler sur leur passage : « Vive la légion ! », tandis quà la vue des képis blancs, les gendarmes mobiles seffaçaient. La colonne traversa la petite ville où les Européens qui navaient pu se rendre au camp couraient sur les trottoirs, leur lançant un ultime adieu. Des mains jetaient des fleurs sous les roues des camions. Un à un, les lourds véhicules passèrent au milieu des cris, des larmes, des baisers envoyés à la volée. Alors, de la colonne, couvrant le grondement des moteurs, 1200 légionnaires, partagés entre la colère et le chagrin, entonnèrent un refrain aux lentes cadences, pathétique, triste, entrecoupé de sanglots : « Non, rien de rien, Non, je ne regrette rien » Le convoi du 1er REP roulait sur un tapis de roses, de lilas et de pensées. Voie triomphale et triste. Et sous les baisers, les acclamations, les larmes et les fleurs, il disparut dans un dernier nuage de poussière, convoi de mariniers halé par une complainte grave, emportant avec lui les plus folles espérances Pauvre régiment ! Si glorieux ! Que triste est ton sort aujourdhui ! Et dans son sillage se traînait déjà, lamentablement, le fantôme déguenillé de lAlgérie française Et tandis que les légionnaires roulaient vers leur destin, dautres hommes, dautres « Seigneurs de la guerre », braves et courageux, parachutistes et commandos des unités putschistes dissoutes assistaient, la rage au cur, à lamené du drapeau, de ce même drapeau quils avaient eux aussi défendu au prix du sang dans les rizières dIndochine et sur les pentes des djebels. La 10ème et la 25ème Division de Parachutistes avaient fini dexister ! Puis le « cessez- le- feu » fut proclamé. Lennemi dhier devint linterlocuteur privilégié de létat français et ce fut la fin. Une nouvelle fois le drapeau tricolore fut amené. Une nouvelle fois larmée française plia bagages poursuivie par les regards de douleur et de mépris et les cris de tous ceux quelle abandonnait. Le génocide des harkis commençait Dans le bled comme en Indochine- les Musulmans qui avaient toujours été fidèles à la France saccrochaient désespérément aux camions et, à bout de force, tombaient en pleurant dans la poussière de la route. Ce sont, là, des images que seuls ceux qui ont une conscience ne pourront de si tôt oublier Et cest de cette façon que mourut lAlgérie française dans la honte, les larmes et le sang Oui, cétait bien la fin! la fin dun monde la fin dune génération de soldats la fin dune épopée la fin dun mythe la fin dune race dhommes de vrais celle des Seigneurs de la guerre ! Et si ces hommes avaient choisi de se battre jusquau bout, sils avaient vomi le renoncement, cétait encore pour une certaine idée quils se faisaient de la France, cétait pour lAlgérie française leur seul idéal, cétait pour le sacrifice de leurs camarades quils ne voulaient pas vain, cétait pour ces milliers de musulmans qui avaient uni leur destin au leur, cétait pour ces « petits Français de là-bas » qui étaient les seuls à les comprendre et à les aimer et cétait aussi parce quils avaient choisi de se fondre dans un grand corps aux réflexes collectifs, noués dans la somme des renoncements individuels et que par ce chemin, ils atteignaient à une hautaine dimension de la liberté. Mais le peuple dAlgérie, lui, nexprimera jamais assez sa gratitude à ces « soldats perdus », à tous ceux qui, par sentiment profond, ont risqué leur vie, ont abandonné leurs uniformes, ont sacrifié leur carrière, ont été séparés de leurs familles parfois durant de longues années- ont connu la prison, lexil, le sarcasme de leurs vainqueurs et de ceux qui navaient pas osé, des lâches, des poltrons et des traîtres pour être restés fidèles à leurs serments et à leur idéal. Le temps passera, loubli viendra, les légendes fleuriront, mais jamais assez lHistoire ne mesurera la grandeur de leur sacrifice.
José CASTANO e-mail : joseph.castano0508@orange.fr
« Jai choisi la discipline, mais choisissant la discipline, jai également choisi avec mes concitoyens et la nation française, la honte dun abandon, et pour ceux qui, nayant pas supporté cette honte, se sont révoltés contre elle, lHistoire dira peut-être que leur crime est moins grand que le nôtre » (Général De Pouilly)
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Conférence sur : « LES SEIGNEURS DE LA GUERRE »
- De lIndochine à lAlgérie, la Légion étrangère au combat - LOdyssée et la fin tragique du 1er Régiment Etranger de Parachutistes en Algérie. Organisée par le Cercle Algérianiste de MARSEILLE, avec le soutien de lAmicale des Anciens Combattants de la Légion Etrangère de Marseille, elle sera donnée Jeudi 5 AVRIL, 18h, Maison du Bâtiment et des Travaux Publics 344, Bd Michelet - 13009 MARSEILLE Elle sera suivie dun apéritif dînatoire copieux. Participation aux frais : Conférence et apéro : 15eur/pers. Renseignements et inscription : Serge DOMENECH : 04.42.02.60.04 e-mail : domenech_serge@orange.fr - Michèle PEPE : 04.91.93.30.41 e-mail : pepe.michele13@yahoo.fr ATTENTION !! Information de dernière minute : Philippe BESINEAU, fils du Lieutenant DEGUELDRE, vit depuis 1963 en exil en Argentine. Il vient darriver à Marseille pour soigner une grave affection cardiaque. Il assistera à la conférence et pourra répondre à quelques questions. Inscrivez-vous par retour car le nombre de place est limité. · Cette conférence, organisée par lassociation « LALMA - LE CORSO » sera également donnée, Dimanche 3 JUIN 2018, à 9h30, Maison Diocésaine Charles de Foucauld 2, Faubourg Saint Jacques 07220 VIVIERS Pour tous renseignements : - Pierre-Joël CHAIGNON du RONCERAY (Président de lALMA) : pjcdr@orange.fr - 04 67 84 15 86 - Emile ESPASA (Trésorier) : emile.espasa@wanadoo.fr 05 56 05 10 25
Pour la bonne organisation, il serait souhaitable de sinscrire. - Entrée gratuite
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