GLOIRE à l'ARMÉE d'AFRIQUE
Historique des Tirailleurs Algériens de 1939 à 1964
-----Les Tirailleurs,
depuis leur création en 1842, n'ont cessé de s'illustrer
pendant un siècle dans le monde entier. Présents dans toutes
nos expéditions outre-mer, ils participent, avec quelle gloire,
mais aussi au prix de combien de pertes, aux deux grands conflits Franco-Allemands
de 1870 et de 1914. En 1939, ils sont à la veille d'une période
de vingt années chargées de lauriers et de douleurs. Cette
époque verra leur apogée, leur déclin, et leur mort,
Ils éprouveront la joie de libérer la Mère-Patrie,
combattront en retraite en Indochine, puis connaîtront en Algérie
un drame plus douloureux encore que le nôtre.
-----Après
avoir exposé l'état des régiments en 1939, leur rôle
sera évoqué
- dans la guerre de 1940
- dans l'épopée en Tunisie, Italie, France et Allemagne
- en Indochine
- en Algérie. En 1939, il y a 28 régiments de Tirailleurs
(16 Algériens, 4 Tunisiens et 8 Marocains). Ils représentent
38,6 %de l'infanterie française. La proportion d'Indigènes
aux Français est 73,4 %. Le personnel de carrière compte
pour 70 % . Ce sont des troupes de métier dont les caractéristiques
sont ardeur, résistance physique exceptionnelle, discipline et
allégeance au chef. Le régiment s'articule en un état-major,
une compagnie régimentaire d'engins (CRE), une compagnie hors-rang
( C.H.R. ) et trois ou quatre bataillons.
-----Les régiments
Algériens et Tunisiens sont stationnés en France, en A.FN.
et au Levant.
-----En France
stationnent dix régiments
-les 13e , 14e , 15e , 21e , 22e , 23e , 25e , 27e R.T.A.
-les 24e , 28e R.T.T.
-----En Algérie
et Tunisie se trouvent
-les le , 2e ,3e ,5e ,6e , 7e .9e , 11e R.T.A.
-----Au Levant
- le 16e R.T.T.
-----A la
mobilisation, d'autres régiments sont créés. Régiments
d'active et de réserve composent les divisions d'infanterie Nord-Africaines
( D.l.N.A )et les divisions d'infanterie d'Afrique (D.I.A.). Ce sont
-----En France
les :.
- 1e D.I.N.A. : 27e R.T.A.. 28e R.T.T., (5e R.T.M.)
- 2e D.I.N..A. : 13e et 22e R.T.A. (6e R.T.M. )
- 3e D.1.N.A. : 14e et 15e R.T.A., 24e R.T.T.
-4e D.I.N.A. : 21e, 23e R.T.A. et 25e R.T.A.
-----En A.F.N.,
les réservistes, Français et Indigènes. sont rappelés
pour former de nouveaux régiments et compléter ceux d'active.
Ils forment les
- 81e D.I.A .: 1e , 5e , 9e R.T.A.
- 82e D .I.A. : 6e R.T.A. (1e R.Z. et 4e R.T.M.).
- 83e D.I.A. : 3e , 7e, 11e R.T.A.
- 84e D.I.A : 4e R.T.T. et 8e R.T.T. (4e R.Z.).
- 85e D.I.A. :19e R.T.A. et 20e R.T.T. (3e R.Z.).
- 86e D.I.A : 2e et 29e R.T.A. (2e R.Z.).
- 87e D.I.A :17e et 18' R.T.A. (9e R.Z.).
- DI. de Mareth : 32e R.T.T. et 35e R.T.A. C'est une division de forteresse.
Les 81e ,82e et 83e DIA. sont des divisions de première catégorie
à 40 % de réservistes, les 84e, 85e et 86e divisions sont
de deuxième catégorie à 60 % de réservistes,
et les deux dernières de troisième catégorie à
80 % de réservistes.
-----Se battront
en France
- les quatre D.I.N.A. et les 82e , 84e ,85e et 87e D.I.A.
-----Demeureront
en A.F.N.
- les 82e et 83e D.I.A. ainsi que la division de Mareth.
-----Sera
envoyée au Levant
- la 86e DIA.
-----Après
la "drôle de guerre ", les régiments engagés
en France et en Belgique, comme en 1914, ne se ménageront pas.
Dans la brève mais rude campagne de 1940, la plupart d'entre eux
se distingueront bien qu'un silence immérité couvre encore
leurs exploits.. En particulier s'illustrèrent : le 4e à
Ablis, le 6e en Argonne, le 11e à Beauvais, le 13e au Bois d'Innor,
le 15e en Argonne, le 19e sur l'Oise.
-----Trois
d'entre eux seront Cités à l'ordre de l'armée : les
14e , 15e et 19e ; le 13e obtiendra pour son drapeau, l'inscription "Flandres
1940 ". Disposant à peu près toutes d'un armement complet,
les divisions nord-africaines ne possédaient aucune mobilité
stratégique ou tactique. Elles furent jetées dans la bataille
souvent au gré des événements. Tronçonnées
par une arme blindée très mobile, elles se sacrifièrent
sans le moindre profit, leur courage suppléant à la carence
du commandement. Leurs pertes attestèrent qu'elles ne s'enfuirent
pas.
-----Après
l'armistice, et de nombreuses dissolutions, les régiments survivants.
sont tous stationnés en .A.F.N. ou au Levant comme Suit:
- 1e Blida
- 2e Mostaganem
- 3e Bône
- 4e Sousse
- 5e Maison-Carrée
- 6e Tlemcen
- 7e Sétif
- 8e Camp Servière
- 9e Miliana
- 11e Fès
- 16e Levant
- 22e Levant
- 29e Levant
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Débute alors une période où une intense activité
d'instruction essaie de pallier au doute qui découle de la défaite
et à une grande pénurie matérielle.
-----Au Levant,
lors des affrontements de 1941, les pertes subies sont importantes. Les
16' RIT., 22' et 29' R.T.A., sont rapatriés à Philippeville,
Kolea et Boghar. Huit cent officiers , sous officiers et Tirailleurs rallient
les F.F.L. où ils forment un bataillon, le 22' B.M.N.A.Le 8 novembre
1942, les Alliés débarquent, et les hostilités contre
l~Axe reprennent. Les Tirailleurs reparaissent sur les champs de bataille,
sur lesquels ils représentent la majeure partie de l'infanterie
française. Ils vont écrire en lettres de sang une épopée
à nulle autre pareille, et qui les mènera de la Tunisie
au Danube, en passant par l'Italie et la France.
-----Dès
le débarquement des Allemands en Tunisie. les troupes du Protectorat,
puis le 19' C.A. combattent sur la dorsale tunisienne afin de couvrir
la concentration alliée. Palliant par leur ardeur et leurs sacrifices
la vétusté de leur armement. ils contribuent largement au
succès des armées de la liberté.
-----Se sont
distingués : le 1e R.T.A. à Pichon, le 2e au col du Faid,
le 3' à Medjez-el-Bab, le 7' à Fondouck-el-Okbi, le 6e et
le 9' au djebel Zaghouan.
-----A l'arrière,
la mobilisation générale, plus intense que celle de 1914-18,
est décrétée en A.F.N. Mais malgré ces mesures,
aucun nouveau régiment n'est créé. Le nombre des
grandes unités, en effet, dépend du plan de réarmement
imposé par les Américains.
Les Algériens, la 3' DIA., représentera donc au feu les
Algériens et les Tunisiens. Elle est composée des 3' et
7' R.T.A. ainsi que du 4e R.T.T. D'autres régiments prendront part
au conflit comme renfort des régiments Marocains.
-----La 3'
DIA. fut transportée et engagée en Italie, au sein du célèbre
corps expéditionnaire français. Elle marque ses premiers
pas par la prise du Belvédère, où fut tué
le Colonel Roux commandant le 4' R.T.T. Le 13 mai 1944, elle enfonce la
porte de Castelforte sur la ligne Gustav, puis mène l'offensive
du Garigliano à la Ville Eternelle. Au sortir de Rome, elle continue
une poursuite acharnée à travers I'Ombrie jusqu'à
Sienne.
-----Le 3'
R.T.A. obtint pour son drapeau les inscriptions " Abruzzes l944 ",
" Rome 1944 " le 4' R.T.T. "Le Belvédère
1944", " le Garigliano 1944 " le 7' R.T.A. "Rome 1944
"
-----Les régiments
qui combattent avec les Marocains sont
- le 11/9 R.T.A. avec le 2e R.T.M.
- le 111/9 R.T.A. avec le 6e R.T.M.Le 2e R.T.A. vient renforcer la 2e
D.I.M. et est dissous. Ses bataillons remplacent leurs homologues au sein
des :5e 6e et 8e R.T.M, Mais un autre théâtre allait s'ouvrir,
celui de France. Regroupés dans la région de Naples, la
3e D.I.A. allait débarquer en Provence. Elle va entrer la première
dans Toulon, libérer Marseille, manoeuvre dans laquelle les 3'
et 7' R.T.A. forment l'avant-garde. Elle poursuivra l'ennemi battu à
travers les Alpes et le Jura, jusqu'au seuil de l'Alsace. Là, le
dos au Rhin, la 7' armée Allemande fait face. Ce sera la difficile
bataille de l'hiver 1944 dans la boue et dans la neige. Cet affrontement
fut marqué par la lutte dans les Vosges, la prise de Mulhouse et
la défense de Strasbourg.
-----Un autre
régiment va se distinguer dans les Vosges, le vieux Premier, venu
renforcer la 4' division Marocaine.
Entre le 15 décembre 1944 et fin janvier 45, le Ie Algériens
laissera 1800 des siens, tués ou blessés dans les combats
pour Orbey. Thann et Cernay.
-----A l'issue
de l'hiver, certains régiments très éprouvés
vont rentrer en Algérie et donner leur matériel et leur
spécialistes à des corps métropolitains.
-----Mais
il reste à achever l'ennemi en portant la guerre sur son territoire.
La 3e Algérienne donne l'assaut à la ligne Siegfried, franchit
le Rhin à Spire et prend Stuttgart.
-----La capitale
du Wurtemberg marquera le terme de sa chevauchée héroïque.
La route, depuis Naples, aura été jalonnée de 4000
tués et de 12000 blessés. Chrétiens et Musulmans
fraternellement unis, ils sont morts et ont souffert pour la Libération.
Ils appartenaient en majorité aux unités de combat des régiments
de Tirailleurs, qui furent pratiquement renouvelées à 100
% après la campagne d'Italie.
-----Après
l'armistice, comme après la Grande Guerre, la situation est très
confuse et ce, pour les mêmes raisons.
-----Maintes
dissolutions et créations sont prescrites et finalement la situation
se stabilise comme suit
- En Allemagne : le 7e R.T.A., unités régimentaires (U.R.)
et 3 bataillons ; il partira en Indochine en I 953 et sera remplacé
par le 13' R.T.A. reformé à cette époque.
- En France : le 22' R.T.A., U.R. et 3 bataillons.
- En A.F.N.
- Le 1e R.T.A. : U.R et 1e B.T.A. Blida, 5e B.T.A. Dellys, 9e B.T.A. Miliana,
17e B.T.A. Laghouat.
- Le 2e R.T.A. : U.R et 2' B.T.A. Mostaganem, 6e B.T.A. Tlemcen, 14e B.T.A.
Tiaret, 29e B.T.A.
- Le 3e R.T.A. : U.R. et 3' B.T.A. Bône, 11e B.T.A. Pascal, 15e
DIA. Tocqueville.
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-----La guerre
terminée en Europe, une autre débute en Indochine dès
le débarquement du corps expéditionnaire en 1945. Le gouvernement
n'ayant pas l'intention d'engager le contingent outre-mer, les troupes
de métier forment donc des bataillons de marche (B.M.).
-----Au printemps
1947 débarquent à Saigon, les B.M. des 1", 2', 3',
7' R.T.A. et du 4' R.T.T., puis les 25', 23' et 27' B.T.A., soit huit
bataillons, Ces troupes sont rapatriées au bout de 24 à
30 mois de séjour. D'autres viennent prendre leur place. En 1953
sont en Extrême-Orient les
- Il et 111/1e R.T.A., Il et 111/2e R.T.A., Il et 111/4e R.I.T., 11/3e
R.T.A., IV et V/7e R.T.A., le B.M./6e B.T.A., les 22' et 27' B.T.A. Soit
douze bataillons, que rejoindront en 1953 deux régiments, à
un état-major et trois bataillons : les 7' et 22' R.T.A. Les bataillons
ayant été renouvelés trois fois, c'est la valeur
de cinquante quatre bataillons qui sont passés sur ce théâtre
d'opération entre 1947 et 1954. Ils combattent partout, la plupart
dans les groupes mobiles, comme le groupe mobile Nord-Africain (G.M.N.A.)
qui se distinguera à Vinh Yen. Trois d'entre eux disparaîtront
à Dien Bien Phu : les 11/1e R.T.A. sur Isabelle, 1e 111/3e R.T.A.
sur Béatrice, le V/7e R.T.A. sur Gabrielle. Le dernier régiment
sera rapatrié en octobre 1955.
-----Des bataillons
combattront aussi à Madagascar en 1947. Ce sont les bataillons
de marche des 6', 9' puis du 2' R.T.A.
En Indochine, confrontés à un milieu physique et à
une population très spécifiques, les Tirailleurs ont été
maintes fois désorientés. En outre, le système de
relève a pour conséquence de rompre les liens très
forts qui les unissent à leur chef. L'encadrement, par ailleurs.
provenait de toutes l'infanterie métropolitaine et éprouvait
parfois quelques difficultés à s'adapter. Le jugement émis
sur leur rendement et sur leur valeur est donc souvent contradictoire.
D'autre part la propagande et l'endoctrinement Viet Minh. comme la défaite
finale, ont troublé de nombreux esprits.
-----Les troupes
Nord-Africaines rentrent d'Indochine, pour se trouver confrontées
à la fin du protectorat en Tunisie et au conflit Algérien
naissant...
-----Une période
troublée va commencer pour les Tirailleurs, contraints de choisir
entre leur fidélité aux trois couleurs et l'appel à
la libération de leur pays. Ce flottement va durer jusqu'au printemps
1956. Il est caractérisé par un courant de désertions
assez élevé et par des incidents plus importants, comme
le passage à la rébellion d'une compagnie du 3' B.T.A. Mais
les mesures prises : envoi en Métropole des suspects, accélération
de l'avancement, augmentation de la proportion d'Européens, amènent
une très nette amélioration du climat psychologique. Jusqu'en
1962, si on excepte la tentative de désertion du Il' B.T.A. au
début 1957, dans l'ensemble, les Tirailleurs resteront fidèles
et combattront avec leurs vertus traditionnelles. Cette fidélité
peut aller jusqu'au sacrifice, comme le prouvent les vingt-deux Tirailleurs
du 9' DIA. qui choisissent la mort plutôt que de suivre leur chef
de section à l'ennemi, en 1956.
-----Cette
guerre fut très particulière. Elle présenta un caractère
cyclique, alternant de longue période de calme et de très
courtes périodes d'affrontements intenses, menés le plus
souvent au corps à corps dans des terrains très difficiles.
-----En Algérie
combattirent:
- Le 1er R.T.A. avec les Ie , 5e , 9e , 17e , B.T.A. et un commando de
chasse, Partisan 40.
- Le 2' R.T.A. avec les 2', 5', 14', 29' B.T.A.
- Le 3' R.T.A. avec les 11e, 15e B.T.A.
- Le 7' R.T.A. à 3 bataillons.
- Le 21' R.T.A. à 3 bataillons.
- Le 22' R.T.A. à 2 bataillons.
- Le 4' RT. venu de Tunisie.
- En 1958 ils deviennent régiments de Tirailleurs, le "A"
disparaissant.
-----Le commandement
leur réserva le plus souvent les secteurs les plus défavorisés,
l'action sociale généralement les ignora... Ils furent utilisés
comme unités de réserve ou en secteur. Beaucoup parcoururent
une grande partie de l'Algérie. A titre d'illustration est donné
l'itinéraire du 1er B.T.A. :1954 Aurès, 1955 Nementchas,
1956 PetiteKabvlie. 1957 Hodna, 1958 Novi, 1959-1962 Bou-Saâda.
-----Le recrutement
fut toujours satisfaisant. Par exemple le I'~ R.T.A., en 1959 sur un effectif
total de 6000 hommes, ne comptait aucun appelé Musulman.
-----Malheureusement.
1962 arrive. Le gouvernement décide l'indépendance de l'.Algérie.
C est la fin. les régiments éclatent, ou disparaissent.
quelques-uns gagnent la France. Beaucoup de Tirailleurs se firent démobiliser
en Algérie, d'autres passèrent dans la force locale, certains
choisirent de rester dans l'armée française. Contrairement
aux Harkis, ceux d'entre eux restés en Algérie ne furent
pas maltraités par le nouveau pouvoir. Les régiments subirent
les sorts suivants
- Le 1" RT. est dissous et forme le 1" B.T.A. à Niort.
- Les 2'. 3'. 4', 21', 29' sont dissous.
- Le 7' et le 22' R.T. sont envoyés à ÉpinaI et à
Amiens.
- Le 13' forme le 16' et sont maintenus en Allemagne.
-----En 1964,
les Tirailleurs sont liquidés, et à leur place on forme
des bataillons de chasseurs ou de régiments d'infanterie.
Pendant 130 ans, les " enfants du feus " ont servi la France
sur tous les continents. Ils se sont illustrés, de Laghouat en
1852 au Tonkin en 1954, pour mourir comme l'Empire en 1962.
-----Leur
route est jalonnée de milliers de morts et d'innombrables souffrances,
mais aussi de combien de gloire et d'espérance.
-----Grâce
à ces sacrifices, et plus généralement ceux de l'Armée
d'Afrique toute entière, la France a pu retrouver son rang de grande
puissance. En cette année, où va être célébré
avec faste le cinquantième anniversaire du débarquement,
il serait juste que leur souvenir soit ravivé et exalté
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R. GOEPPERT
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