Alger, l'Amirauté
Le phare d'Alger.
Afrique illustrée du 7-3-1933- Transmis par Francis Rambert

Le phare d'Alger.
C'en est fait. Le phare, le phare du Penon, à l'éclat duquel, au long d'un siècle, s'étaient accoutumées des générations d'Algérois, n'est plus, à présent, qu'un souvenir. Depuis le le'r décembre, en effet, de l'année du Centenaire, son feu a été supprimé. C'est là, une mesure définitive. Un autre signal - sans élévation, toutefois _ lui a été substitué à l'extrémité de la jetée.

Sans rien exagérer, on peut exprimer que sa jolie flamme pourpre va manquer, sensiblement, au décor nocturne de ce port et ce ne sera certes pas, sans un certain regret que se constatera sa disparition, surtout quand la belle saison ramènera sur le boulevard les promeneurs du soir.

Avec surprise maintenant, l'œil ne voit plus planer, au-dessus de la darse, qu'une zone d'obscurité. En vain, attend-il un instant. Elle ne renaît pas, elle ne doit plus renaître, cette fleur prépondérante qui, si agréablement, dominait la floraison de tons divers, éclose au flanc, aux mâts des navires, aux tourelles des passes, aux lignes des quais, et parmi lesquelles, soudain, venait glisser l'appareil radieux d'une vedette du pilotage.

Du fait de la suppression de ce phare, il semble que le classique quartier de l'Amirauté soit en partie déchu de sa noblesse d'antan. Ce joyau - car on peut aussi lui donner cette désignation - ce joyau aérien qui, ainsi qu'une gemme d'aigrette, surmontait le front de lai légendaire forteresse du lieu, n'exerce plus là son prestige.

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sur site : oct.2021

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Le phare d'Alger.Le phare d'Alger.

C'en est fait. Le phare, le phare du Penon, à l'éclat duquel, au long d'un siècle, s'étaient accoutumées des générations d'Algérois, n'est plus, à présent, qu'un souvenir. Depuis le le'r décembre, en effet, de l'année du Centenaire, son feu a été supprimé. C'est là, une mesure définitive. Un autre signal - sans élévation, toutefois _ lui a été substitué à l'extrémité de la jetée.
Sans rien exagérer, on peut exprimer que sa jolie flamme pourpre va manquer, sensiblement, au décor nocturne de ce port et ce ne sera certes pas, sans un certain regret que se constatera sa disparition, surtout quand la belle saison ramènera sur le boulevard les promeneurs du soir.
Avec surprise maintenant, l'œil ne voit plus planer, au-dessus de la darse, qu'une zone d'obscurité. En vain, attend-il un instant. Elle ne renaît pas, elle ne doit plus renaître, cette fleur prépondérante qui, si agréablement, dominait la floraison de tons divers, éclose au flanc, aux mâts des navires, aux tourelles des passes, aux lignes des quais, et parmi lesquelles, soudain, venait glisser l'appareil radieux d'une vedette du pilotage.
Du fait de la suppression de ce phare, il semble que le classique quartier de l'Amirauté soit en partie déchu de sa noblesse d'antan. Ce joyau - car on peut aussi lui donner cette désignation - ce joyau aérien qui, ainsi qu'une gemme d'aigrette, surmontait le front de lai légendaire forteresse du lieu, n'exerce plus là son prestige.
Déclassé à présent, le phare du Penon n'est plus, au vrai , qu'une tour de commémoration où. en mélancolie, s'évoque cette séculaire luminosité qui, en des milliers de nuits, précieusement, seconda l'activité maritime d'El-Djezaïr. Avec cette flamme familière c'est, peut-on dire, un peu de l'âme de l'ancienne cité qui vient de s'évanouir.
Durant que, dans le calme, sommeillait la ville, il veillait lui, parfois trépidant du fracas d'une tempête en fureur à ses pieds. De la première étoile jusqu'à la venue de l'aurore, face aux ténèbres du large, il tenait sa lampe haute, paraissant dire à ceux en quête du rivage : " Oui, c'est ici Alger ". Et le jour, sous l'irradiation du soleil, avec la parure qu'il conserve encore, de cette couronne d'émail polychrome dont s'agrémenta son clair sommet, il jouait le rôle aimable de signaler par avance, aux arrivants, l'une des plus gracieuses originalités de cette cité africaine.
Mais, en vérité, c'est plus qu'une existence séculaire que poursuivit ce phare. Aux temps barbaresques, au cours de maints règnes de deys, il brilla déjà sur ces flots méditerranéens. Il eut, d'ailleurs, des devanciers et, dès le 15° siècle, son rocher - l'ancien îlot Stofla - avait été, par les Algériens, pourvu d'une tour-vigie éclairante et à la fois défensive. Par Pedro de Navarre, en 1510, fut démolie celle-ci, pour l'édification de la citadelle du Penon. Une autre lui succéda, dont de vieilles estampes ont perpétué la physionomie. Souvent remanié, cet édifice, enfin, devint la tour que, sous Napoléon, connut Boutin.
Sans s'émouvoir outre mesure, les Corsaires, parfois, eurent le désagrément de voir mise à mal cette tour par des bombardements européens. Un nouveau dommage, cependant, fit sur eux une particulière impression : l'anéantissement du fanal que, le 25 février 1814, toucha la foudre. L'événement leur apparut de fort mauvais augure. Or, il advint qu'en 1810, eut lieu la formidable attaque de la flotte de Lord Exmouth, à quelque distance de laquelle, sous Charles X, devait s'effectuer le débarquement de Sidi-Ferruch.
Conservé à la Conquête, en son ordonnance antérieure, le phare, apprennent les archives, fut, en 1834, surélevé et doté, en échange de sa primitive lanterne, d'un appareil catadioptrique, ce pourquoi, précise-t-on, il demeura sans flamme du 27 septembre jusqu'au 1er novembre de la dite année.
Depuis, il n'a cessé de se réanimer quotidiennement. Même en 1845, quand survint la terrible explosion de la poudrière du Penon, qui fit 145 victimes et détruisit les constructions d'alentour, sa clarté ne se trouva aucunement interrompue. Épargné en cette catastrophe, il subsista, comme devant et continua de projeter, sur l'élément liquide, ses indispensables rayons. En nombre, des années ont succédées aux années et toujours au service de l'intérêt de la cité, le phare, fidèlement, assura sa mission.
Cette mission, de par une décision supérieure, est. arrivée à son terme. Un décret a déclaré révolue la série de ses veilles. Il est relevé de sa garde. C'est un vétéran qui entre dans l'Histoire et c'est juste au moment où, pour l'Algérie s'ouvre le livre d'un second siècle de vie française, que se trouve clos le sien, qu'entre autres dates illustre celle de 1830. Tel était son destin.
On ne le verra plus, dans la succession des nuits, associer ses palpitations aux cadences des phares de ce bord ni, de sa vibrante lumière, souhaiter la bienvenue aux visiteurs d'Alger, en approche de la baie. Non plus ne se verra dans l'eau paisible de cette darse, affectionnée de tant de peintres, flamboyer cette somptueuse écharpe pourprée qui y projetait son feu.
Ce feu, rappelons-le, simplement blanc autrefois, il le manifesta vers non ultime époque, en éclat rubescent, comme si, pressentant son imminente fin, il eût voulu que s'achevât sa carrière, dans la séduction d'une spéciale parure. Et rappelons encore cette période sidérale en laquelle, s'inclinant très bas sur son scintillement, la Grande Ourse semblait vouloir, auprès de lui, faire s'augmenter d'une unité différente, sa constellation. La grâce de cette fantaisie, hélas, ne se renouvellera plus ! Le phare d'El-Djezaïr est un flambeau éteint et seul, dans le futur, luirai son souvenir...