Le
Service Sanitaire en Algérie
Le choléra, selon
le cliché, est à nos portes, puisqu'on signale sa présence
sur bien des points en Europe et tout particulièrement dans certains
ports italiens en relations fréquentes avec l'Algérie.
Il faut espérer que l'Algérie échappera à
l'invasion du choléra, comme elle a su résister, grâce
aux mesures énergiques qui furent prises, à celle de la
peste en 1907. Son Service Sanitaire est d'ailleurs cité comme
modèle, non seulement en France, mais encore dans toutes les
autres puissances.
Ce service comprend quatre circonscriptions, ayant comme centres Oran.
Alger, Philippeville et Bône, et surveillées par un docteur
en médecine qui prend le nom de Directeur de la Santé.
Jusqu'en 1906, ces différentes circonscriptions jouissaient d'une
entière autonomie. Elles ne relevaient que du Gouverneur général
de l'Algérie, auquel était adressée toute la correspondance
par l'intermédiaire des préfets. Mais il n'existait aucun
service technique, pas plus dans les préfectures qu'au Gouvernement
général. Celui-ci se contentait de transmettre aux directeurs
sanitaires les circulaires ou les indications télégraphiques
envoyées par le Ministre de l'Intérieur et signalant des
épidémies, principalement de peste ou de choléra,
dans telle ou telle contrée.
Ces télégrammes ministériels, qui n'étaient
que de simples informations, étaient considérés
par les directeurs comme des ordres formels, et aucun télégramme
nouveau ne venait par la suite indiquer que les épidémies
signalées étaient terminées : l'interdit prononcé
par les directeurs de santé demeurait en vigueur, causant au
commerce des préjudices considérables. De nombreuses réclamations
ne tardèrent pas à s'élever contre ce manque de
cohésion et d'entente.
Sur les instances et les observations du docteur Raynaud, directeur
du Service de Santé Maritime d'Alger, le directeur de l'intérieur
au Gouvernement général, de qui relevait le Service Sanitaire,
soumit un projet qui reçut l'approbation du Comité permanent
du Conseil supérieur d'Hygiène de France et du Ministre
de l'Intérieur.
Le 19 février 1906, le Gouverneur général de l'Algérie
signait un arrêté par lequel le directeur de la Santé
d Alger devenait le chef de tout le Service Sanitaire Maritime de la
Colonie, avec mission de centraliser toutes les informations concernant
la police sanitaire du littoral algérien et de les transmettre
aux directeurs des autres circonscriptions. De plus, le chef du nouveau
service devrait être consulté sur les modifications à
apporter aux circonscriptions sanitaires et à l'organisation
du personnel, sur les propositions budgétaires, les travaux à
effectuer dans les lazarets et stations sanitaires, les mesures prophylactiques
à prendre, etc. Cette nouvelle organisation ainsi comprise a
permis une rapidité plus grande dans les transmissions des indications
sanitaires puisqu'elle supprimait l'intermédiaire des bureaux
de Préfecture où les informations séjournaient
autrefois des semaines entières. Elle permit encore d'obtenir
enfin l'exécution de travaux d'amélioration dans les bâtiments
et le matériel, et des modifications dans le personnel.
Un organe de publicité, le Bulletin Sanitaire, paraissant deux
fois par mois, fut alors créé afin de signaler les ports
contaminés et de reproduire tous les décrets, arrêtés,
circulaires et avis relatifs aux mesures à prendre en cas d'épidémie.
Ce bulletin est adressé à tous les membres du Service
Sanitaire, au monde maritime, aux médecins, maires et autorités
chargés d'assurer la salubrité de la Colonie. En dehors
des matières que nous avons indiquées plus haut, le bulletin
contient un compte rendu résumé de tous les travaux récents
sur la peste, le choléra et la fièvre jaune et donne la
statistique des vaccinations pratiquées sur les immigrants et
les dératisations dans les ports.
Le Service Sanitaire Maritime, ainsi réorganisé, fut mis
en exécution durant l'automne 1907, pendant que sévissait
à Oran l'épidémie de peste.
Le personnel des circonscriptions sanitaires dépendait autrefois
en même temps des services du Port, de la Douane et de la Marine.
C'était beaucoup trop pour qu'il y eut unité d'action.
Désormais, le personnel spécial ne relève que du
directeur de la Santé de chaque circonscription, qui conserve
sa responsabilité et son initiative complète. Dans les
rades peu importantes qui échappent à la surveillance
immédiate des directeurs des circonscriptions, le service est
confié aux agents des Douanes, plus jeunes, plus disciplinés
et mieux préparés à leurs nouvelles fonctions que
ne l'étaient les anciens agents, pour la plupart retraités
de la navigation, trop vieux pour rendre de sérieux services.
Reconnaissant toute l'importance qu'il fallait donner au service chargé
de veiller à la salubrité de l'Algérie, lés
Délégations financières accordèrent des
crédits qui permirent de doter Oran, Philippeville et Bône
de locaux destinés aux bureaux et à la surveillance de
nuit, d'un emplacement pour une étuve et les appareils de désinfection
et d'un laboratoire pour l'examen des rongeurs.
Le port d'Alger était déjà, depuis un certain temps,
supérieurement organisé et outillé pour lutter
dans les meilleures conditions possibles contre les maladies pestilentielles.
Il dispose en effet d'un lazaret merveilleux, installé à
l'extrémité du
cap Matifou ; d'un poste sanitaire créé sur
un point isolé du port et comprenant une étuve de Gencste-Herscher,
un appareil formolateur de Fournier, un four Clayton et une installation
de douches.
A la suite de la campagne énergique menée par le Service
Sanitaire après l'épidémie de peste qui infesta
le littoral algérien, en 1907 (épidémie assez bénigne,
en réalité), le Gouvernement de l'Algérie obtint,
des Délégations financières, d'assez fortes augmentations
des crédits alloués pour la police sanitaire; de leur
côté, les Chambres de Commerce d'Oran, Philippeville et
Bône firent, dès la fin de 1907, l'acquisition d'un appareil
Marot qui est mis à la disposition du Service Sanitaire et avec
lequel furent dératisés tous les navires touchant les
ports algériens, tous les chalands, remorqueurs, etc. L'Administration,
de son côté, se procurait un appareil du même genre
qui fut entreposé à Alger et destiné à être
transporté, au premier signal, dans un des ports de la Colonie
qui serait menacé. Enfin, on a installé, à Mers-el-Kébir
(Oran), une station de désinfection permettant à
ce port de recevoir les navires de provenances contaminées, jusqu'ici
dirigés sur Alger. Les Municipalités, les Chambres de
Commerce, les Ponts et Chaussées des villes du littoral décidèrent
aussi de remettre au Service Sanitaire des subventions qui, ajoutées
aux dépenses prévues par le Gouvernement général,
ont permis d'organiser la lutte systématique contre les rongeurs.
Une brigade spéciale est chargée de procéder, d'une
façon permanente, dans le port de la ville d'Alger, à
la destruction des rats. Elle est envoyée à époques
fixes dans toutes les autres villes du littoral pour former des moniteurs.
Les chiens ratiers, exonérés de la taxe municipale, sont
mis à la disposition des différentes administrations et
compagnies établies sur les quais. Un laboratoire de bactériologie
spécialement affecté à l'autopsie et à l'examen
des rats capturés a été installé à
Oran, Alger, Philippeville et Bône.
En juillet 1907, le Service Sanitaire Maritime avait été
chargé de l'application d'un règlement sur la vaccination
des immigrants. Enfin, depuis 1909, le Directeur du Service Sanitaire
Maritime a également été chargé de l'organisation
et du contrôle des Services d'Hygiène de la Colonie. Un
décret du 5 août 1908 a rendu applicable à l'Algérie
l'ensemble des dispositions de la loi du 15 février 1902 sur
la protection de la santé publique.
Tel qu'il est actuellement organisé, le Service Sanitaire Maritime
permet à l'Algérie d'éloigner de son littoral et,
par suite, de la colonie entière, toute menace d'invasion des
épidémies signalées à l'étranger
et de faciliter la lutte contre les maladies endémiques.