sur site le 15 -3-2003
-Peste, famine et révolutions de Palais
à Alger et Oran
pnha, n°
79, mai 1997

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-----Fin juin 1688, une escadre sous le commandement du maréchal d'Estrée dut faire feu une nouvelle fois sur Alger où les actes de cruauté décuplèrent. La sécurité du commerce de la France fut, plus que jamais menacée. Cela dura jusqu'en 1690. Le 26 juillet de cette année alors que Mezzomorte avait fuit la régence, un autre traité est signé avec le nouveau chef de l'oudjak, le dey Chaaban, qui avait assuré le gouvernement de la France de ses bonnes dispositions pour la paix.


-----Les Etats d'Europe continuaient à se déchirer et la France souhaitait que l'oudjak déclara la guerre à l'Angleterre qui ne lésina pas sur les bakchichs en pièces d'or. Seule une vague rupture avec la Hollande se dessina : l'oudjak s'engagea à faire capturer les navires anglais par ses fameux corsaires. Là se bornèrent les actions de la régence qui avait d'autres vues sur la Berbèrie. Elle souhaitait étendre sa domination à l'Ouest de ses frontières où le roi du Maroc venait ravager sporadiquement son territoire.
-----La guerre déclarée au Maroc, Chaaban parvient après de durs combats à Fez où une paix fut signée, mais à de telles conditions que le roi Ismaël ne put les tenir. Cela encouragea le dey à étendre la domination turque et il se tourna vers Tunis dont ses troupes s'emparèrent après plusieurs assauts. Mais la milice d'Alger ne vit pas d'un bon oeil cette action contre Tunis et après bien des déboires, Chaaban est jeté en prison et étranglé.
-----Les deys se succédèrent et la paix avec la France fut ratifiée à nouveau, mais aussi avec l'Angleterre. Mais les corsaires continuèrent leur course s'en prenant aux navires des autres Etats chrétiens, alors que le bey, Mourad de Tunis qui s'était allié au roi du Maroc attaque par surprise les troupes de l'oudjak et fait le siège de Constantine. Alger menacée, la milice repousse les Tunisiens qui battent en retraite dans le plus grand désordre, laissant plus de deux mille prisonniers qui seront égorgés. Après cette victoire, Hadji-Moustapha a été élu dey à la place de Hassan-Chiaoux parti à Tripoli après s'être démis de son pouvoir. Dans l'euphorie de la victoire contre les Tunisiens, Moustapha s'élance à nouveau contre les troupes du roi du Maroc qui ne payait pas le tribut imposé par la paix et les bat à plate couture, le cheval d'Ismaël pris par les Turcs fut offert à Louis XIV
-----C'est une époque faste qui va être ternie par la peste qui sévit à Alger et qui sera suivie par de nouveaux traités de paix avec le dey de Tunis ;paix qui fut d'ailleurs rapidement brisée, pour renflouer les caisses vides de l'oudjak. Mais le siège de Tunis se retourna contre les agresseurs qui subirent de lourdes pertes à chacune des sorties des Tunisiens. Ceux-ci réclamèrent au dey une forte indemnité pour signer la paix. Cela ne convenant pas au chef de l'oudjak, il fit lever le siège de Tunis et fit replier ses troupes sur Alger. En chemin, elles sont attaquées par les Arabes. C'est une troupe réduite dans ses effectifs et affamée qui rejoint Alger. La sentence est claire : Moustapha est étranglé et le bey de Tunis libéré, mais arrivé dans sa capitale, il est tué !...
-----La milice pas payée, le trésor étant vide, gronde ; pour les occuper le nouveau dey du nom de Pectache-Cogea, les envoie dans l'Ouest avec mission de reconquérir Oran aux Espagnols en proie à des divisions internes et sanglantes. Alliés aux Beni-Ameurs, les Espagnols repoussent les janissaires, mais les Algériens commandés par Baba-Hassan le gendre du dey d'Alger, reviennent en puissance. Les Espagnols sans aucun secours et acculés à la famine, capitulent.
------La décadence de l'empire ottoman se fait ressentir. Les intrigues se succèdent à Alger, les deys étant assassinés, les uns après les autres, jusqu'à l'arrivée de Ali Chiaoux qui se maintient au pouvoir par la férocité, flattant le sultan qu'il n'aimait pas, pour bénéficier des liens qui unissaient Alger à Constantinople.

 

 

Un nouveau titre, celui de "dey-pacha"
marque la fin de la révolution

-----Alger, sous l'impulsion de Ali-Chiaoux, se révolte contre le sultan mais de façon si obséquieuse que celui-ci ne peut sanctionner cette révolution qu'en donnant satisfaction à son instigateur.
-----Ahmed III concentre alors, sur une seule tête, la double dignité de dey et de pacha, réunissant, à nouveau le pouvoir dans une seule main, celle du dey qui dorénavant régnera sans partage aucun. C'est la fin de la révolution commencée, quarante et un ans plus tôt, en 1659 et Ali fut vénéré des janissaires, longtemps encore après sa mort.
-----Mais ceux-ci n'en demeurèrent pas moins indisciplinés et tout aussi redoutables.
-----La navigation en Méditerranée et le commerce avec la Berbérie sont toujours, et de plus en plus, dans l'insécurité la plus complète ; les corsaires ont repris leur course avec encore plus d'audace, attaquant tous les bateaux de commerce, quel que soit le pavillon sous lequel ils naviguent.

-----Les Etats européens calment, quelque peu leur velléité de guerre et la paix d'Utrecht raffermit la position de Phillippe V sur le trône d'Espagne. Il veut donner satisfaction au pape qui se plaint des actes de terrorisme commis par les corsaires dépendant soit de la régence, soit de privés et décide de reconquérir Oran.
-----Le 15 Juin 1732, une flotte, partie d'Alicante transporte un corps expéditionnaire, commandé par le comte de Montemar, qui débarquera au Cap Falcon, à l'Ouest de Mers-El-Kébir. En peu de combats, les troupes espagnoles se rendent maîtresses de la ville d'Oran, et, de ses fortifications qu'elles renforcent. Mers-El-Kébir tombe aussi entre leurs mains et elles envisagent de poursuivre leur progression dans l'arrière- pays. Mais les Turcs formèrent une ligne difficile à franchir car les autochtones qui étaient fidèles aux Espagnols avaient été refoulés dans le djebel.
-----Cette nouvelle position de l'Espagne, en Méditerranée n'empêche nullement les Algériens de poursuivre leurs brigandages. L'avènement de Louis XV, ne changea en rien les relations avec la régence avec qui des traités sont sans cesse renouvelés pour être tout aussitôt rompus par les Algériens ; la situation devient chaque jour de plus en plus insupportable, l'oudjak exigeant des puissances le versement d'un tribut pour autoriser leurs vaisseaux à naviguer. L'intolérable était atteint, seuls, les Etats du Saint-Siège, se plaçant sous le protection du roi de France, furent exonérés du tribut, et de tout présent consulaire. En effet, tout Etat qui était autorisé à avoir des consuls à Alger, devait verser à titre de redevances envers la régence, soit un tribut annuel, soit des présents de valeur. Telles étaient les exigences turques d'Alger. Certes, certains Etats étaient dispensés de ces redevances, officiellement, mais pas officieusement, soit par médiation de la Porte ottomane, soit par la force employée par riposte, contre Alger, telle que l'a faite l'Angleterre qui continua à payer après le bombardement d'Alger en 1816.
-----Malgré cela les navires de commerce de tous ces Etats européens continuaient à être exposés aux corsaires algériens. Les expéditions se succédèrent contre Alger.; D'abord les Espagnols qui, débarquent le 8 Juillet 1775 et essuient une défaite. Plus tard, à la suite d'un fort tremblement de terre qui dévasta Oran, dans la nuit du 8 au 9 Octobre 1790, les Espagnols signent un traité, plaçant Oran et Mers-El-Kébir sous l'autorité du dey d'Alger. La population civile quitte la ville et se trouve remplacée par de nombreuses familles maures et juives de Mascara, de Mostaganem, de Mazagran et de Tlemcen,
-----Les Turcs sont à nouveau maîtres de l'Algérie et les corsaires s'en donnent à coeur joie, sur mer.
-----En France la révolution de 1789 ne modifie en rien les relations avec la Régence. Les traités sont renouvelés.
Mais Bonaparte prend le pouvoir en France. Au nom de l'islamisme, les corsaires d'Alger firent une guerre sans répit à notre marine et à notre flotte de commerce, par représailles à l'expédition d'Egypte. Les concessions sont reprises, le Bastion de la Calle incendié, le consul français emprisonné. La paix une nouvelle fois est signée mais elle sera fétu de paille, ce qui va conduire à l'intervention de la France.

Gaston BAUTISTA