Abd-el-Kader, Commandant
des Croyants
25 mai 1833
-----Les cheikhs
des anciennes tribus, notamment les Douairs et les Sméla avec qui
la France entretient des échanges de vues, ne comprennent pas que
le bey soit choisi parmi les principaux Turcs restés au Méchouar
de Tlemcen alors qu'ils sont leurs oppresseurs.
-----Le Marabout
Mahdi-ed-Din ne fait plus l'unité autour de sa personne, ses troupes
subissent de sérieux revers dans leurs attaques, sans cesse renouvelées,
d'Oran. Il renvoie ses combattants leur fixant rendezvous en mai 1833.
Son fils Abd-el-Kader, après s'être particulièrement
distingué au cours des combats livrés contre les Français,
à Oran, est proclamé, le 21 novembre 1832, sultan, dans
la plaine d'Eghris. Le 25, il entre dans Mascara. Il abandonne le titre
de sultan et prend celui de "Commandeur des Croyants", Emir
et Mouminin. Il tente de réorganiser ses forces alors que les garnisons
françaises entretiennent de bonnes relations avec les tribus voisines.
-----C'est
alors que le général Desmichels qui succède au général
Boyer, se rappelle la doctrine du général Clauzel et croit
voir, en Abd-el-Kader, le chef capable de pacifier l'intérieur,
grâce aux qualités dont il fait montre.
-----Le chef
du gouvernement de la France doit fixer clairement son attitude à
l'égard de l'Algérie ; il est soumis aux pressions d'opinions
contraires, les colonialistes et les anticolonialistes, ce qui le conduit
à chercher des atermoiements, préjudiciables à la
politique à mener sur le terrain, au contact des populations.
Premier Gouvernement
Général des Possessions françaises dans le Nord de
l'Afrique.
-----Sans attendre
les instructions qu'il sollicite
auprès du gouvernement de la France. Desmichels fait le premier
pas et demande à Abd-et-Kader de libérer quatre soldats
prisonniers. La négociation débute et le général
croit en la bonne foi de l'Emir avec qui il signe un traité, après
un échange de notes datées du 4 février 1834. Les
stipulations de l'accord représentent Abd-elKader comme un souverain
indépendant traitant d'égal à égal avec les
Français. C'est alors que voyant une marque de faiblesse dans la
politique du gouvernement de la France, il décide, dès lors,
de lui disputer la domination de l'Algérie.
-----Le 22
juillet 1834 est institué en Algérie un Gouvernement
Général des Possessions françaises dans le Nord de
l'Afrique. Drouet d'Erlon en fut le premier gouverneur et prend
possession de son poste début Septembre 1834. -----La
politique du Général Clauzel est appliquée derechef
; elle consiste en l'occupation de quelques points de la côte avec,
alentour, un espace vital qui permet, tant aux garnisons qu'aux citadins
de se ravitailler tout en assurant leur sécurité. Mais la
paix, cet état de concorde entre de mêmes membres d'un groupe
humain nécessaire à l'éclosion d'une nation,
n'existe pas. A l'intérieur, les tribus subissent les lois imposées
par les chefs de guerre et s'entre-déchirent. L'armée' française
tente d'entretenir des relations, les plus acceptables possibles, avec
leurs chefs respectifs dans l'espoir de les amener à reconnaître
la souveraineté de la France. Partout où son drapeau flotte
l'entente règne entre les habitants, ce qui dérange les
chefs, avides du pouvoir et les incite à guerroyer.
-----La romanisation
et la christianisation ont fait place, par la terreur, à l'islamisation
de l'Afrique du Nord qui souffre des ambitions personnelles des deux principaux
chefs de l'intérieur de l'Algérie ; le Bey Ahmed à
Constantine et l'Emir Abd-elKader en Oranie.
-----Ce dernier
d'ascendance maraboutique, a des rivaux et des ennemis, notamment parmi
les familles ou tribus qui traditionnellement fournissent les chefs et
particulièrement les chefs militaires tels elGhomari, cheikh des
Angad, Mustapha ben Ismaël, cheikh des Douairs et Sméla, Kaddour
ben Mokhfi, chef des Bordjia et Sidi Larbi, cheikh des tribus du Chéliff.
Dès que l'entente de l'Emir avec la France fut connue, la révolte
contre celui-là se développa. Les Douairs et Sméla
attaquent son camp près de Tlemcen, Abd-el-Kader s'échappe
de justesse pour se réfugier à Mascara qui va devenir son
fief. Le général Desmichels lui apporte son aide et le conseille
sur la stratégie à adopter pour lutter contre ses adversaires.
Il lui fournit armes et poudre, ce qui lui permit de devenir le maître
reconnu du pays situé entre la longue frontière du Maroc
et la rive gauche du non moins long oued Chéliff qui coule sur
plus de 700 kilomètres, dominé, d'Est en Ouest par les massifs
de l'Ouarsenis, les monts de Saïda, de Daïa et de Tlemcen.
Abd-el-Kader combat
la France et les Français.
-----Les cheikhs
Sidi Larbi et Ghomari refusent l'aman, Abd-el-Kader les fait exécuter,
sans autre procédure à la fin de l'année 1834, ce
qui lui permet, en toute quiétude, d'organiser son vaste domaine
tout en cachant son but réel qui est de chasser les Français
qui l'avaient aidé. Pour cela il partage son territoire en deux
Khalifaliks, celui de Tlemcen et celui de Mascara. Chacun de ces deux
Khalifaliks est subdivisé en Aghaliks desquels dépendaient
les tribus commandées par des Caïds. Son plan consiste à
franchir plusieurs étapes :
----1) Assurer
son pouvoir par la mainmise sur le Titteri, à Médéa
et Miliana ;
-----2) Evincer
le bey de Constantine, Ahmed, avec l'appui des Kabyles de la région
de Bougie,
-----3) Avec
l'aide du sultan du Maroc, expulser les Français.
-----Pour
parvenir à ses desseins, il propose au Gouverneur général
de rétablir l'ordre dans le Titteri et la province de Constantine.
Drouet d'Erlon, bien que méfiant, ne réagit pas contre les
actions militaires de l'Emir qui met à la raison ses adversaires,
même ceux qui appartiennent à sa propre famille.
-----Après
la défaite de Bou-Hamar (Hadj Moussa), Mélana et Médéa
sont occupées. Le général Trézel remplace
le général Desmichels. Il se rend très vite compte
des ambitions d'Abd-el-Kader et s'attache à les limiter. Il lui
fait savoir que les notes, échangées le 4 février
1834, ne font pas partie du texte de la convention signée le 24
février. Cela est la première source de difficultés
et constitue un frein aux sournoises ambitions d'expansion de l'Emir qui
va réagir, ouvertement, ne laissant plus aucun doute sur ses intentions.
Comme Abd-el-Kader avait le monopole du commerce des grains, il empêche
le ravitaillement Oran, ce qui conduit le généralTrézel
à passer à l'action. L'émir lui tend personnellement
une embuscade sur la route qu'il emprunte pour se rendre au camp du Tlélat.
Mais Abd-el-Kader est battu et s'esquive pour se mieux venger sur la route
du retour à Oran de la colonne française qui est attaquée
dans le défilé de la Macta et vite submergée ; la
troupe est disloquée, le convoi pillé et les blessés
massacrés. Le général Trézel parvient à
Arzew ou sont ramenés 150 blessés, après avoir perdu
254 hommes, son matériel, des armes dont un obusier de campagne.
Le général Lamoricière, à la tête des
cavaliers Douairs et Sméla quitte Oran pour Arzew, ce qui permet
au reste de la colonne Trézel de rejoindre Oran.
-----Trézel
revendique sa responsabilité dans ce qu'en France l'on catalogue
de désastre, il est rappelé. Drouet d'Erlon qui avait désavoué
l'entrée en campagne de Trézel est remplacé par le
Maréchal Clauzel, premier successeur du Maréchal Comte de
Bourmont.
-----Des renforts
militaires sont envoyés de France, en Algérie. Avec l'un
d'eux, il y avait le fils du roi des Français, Louis Philippe 111,
le duc d'Orléans.
-----L'infanterie
régulière d'Abd-et-Kader
Le choléra sévit, en juin 1835, à Alger, ce qui retarda
l'arrivée des renforts. A la fin de l'épidémie, les
opérations commencent par des travaux au camp du Figuier et, en
Septembre l'occupation de Rachgoun, à l'embouchure de laTafna.
-----Abd-el-Kader
s'inquiète, il cherche une alliance avec l'Angleterre à
qui il demande de l'aide. Il envoie sa famille dans le Sud et retire de
Mascara toutes ses richesses entassées.
-----Le corps
expéditionnaire, rassemblé par le Maréchal Clauzel,
comprend quatre Brigades commandées respectivement par Oudinot,
Perrégaux, d'Arlanges et Combe. Elles sont renforcées des
fameux cavaliers des tribus Douairs et Sméla, des Zouaves du Général
Lamoricière et de fantassins turcs. L Emir lance sans cesse des
attaques mais sans succès. Clauzel prend pied dans la montagne
et débouche sur le plateau d'Aïn Kébira, le 5 décembre
1835. C'est la débandade dans les contingents d'Abd-elKader qui
pillent Mascara avant l'entrée des troupes de Clauzel dans la capitale
de l'Emir, le 8 décembre 1835. Clauzel n'occupe pas Mascara et
rentre à Oran en passant par Mostaganem. C'est alors qu'Abdel-Kader
qui avait été abandonné par les siens, à la
suite de ses échecs, rassemble quelques fanatiques partisans et
s'attaque au Méchouar de Tlemcen dont il veut s'emparer. Il est
battu, Clauzel entre le 13 janvier 1836 après quelques combats
d'avantgarde dansTlemcen, l'ancienne capitale du Maghreb.
Colonel Gaston Bautista
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