-----Le retrait
d'Abd-el-Kader qui demeure fidèle à l'engagement pris devant
le duc d'Aumale, jusqu'à sa mort, ne met pas un terme à
la révolte. La pacification n'est pas totale car le bloc Kabyle
est à peine entamé. Le duc d'Aumale prépare sa reddition
quand la Révolution de 1848 le rappelle en France.
-----Les adieux
du Gouverneur à l'Algérie sont d'une grande dignité.
Avant son embarquement avec son frère, le duc de Joinville, le
3 mars 1848, il adresse un ordre du jour aux troupes dont l'extrait qui
suit est des plus émouvants :
-----"En
me séparant d'une armée, modèle d'honneur et de courage,
dans les rangs de laquelle j'ai passé les plus beaux jours de ma
vie, je ne puis que lui souhaiter de nouveaux succès... J'avais
encore espéré combattre avec vous pour la Patrie. Cet honneur
m'est refusé, mais du fond de l'exil, mon coeur vous suivra partout
où vous appellera la volonté nationale : il triomphera de
vos succès ; tous ses voeux seront toujours pour la gloire et le
bonheur de la France".
Progression persévérante
de la pacification
-----Après
le duc d'Aumale, les gouverneurs généraux se succèdent
à brefs intervalles, ce qui ne permet pas de définir et
d'appliquer une politique cohérente, à long terme, nonobstant
la connaissance de chacun des problèmes algériens :
-----Six (6)
généraux assumant les fonctions de Gouverneur général
exercent, en quarante-cinq (45) mois, le commandement en chef ; Cavaignac,
Changarnier, Marey, Monge, Charon, Pélissier
et d'Hauptoul. Ils doivent lutter contre des agitations dans les
trois principales provinces et de graves insurrections au sud de Biskra.
-----L'affaire
de Zaatcha est aussi pénible que coûteuse en vies humaines,
le ksar est pris mais sur 4 000 hommes engagés, les pertes sont
sévères ; 200 tués et 850 blessés auxquels
s'ajoutent de nombreuses victimes du choléra qui sévit à
l'état endémique.
-----Le cheikh
Mohamed ben Abdallah qui s'installe avec ses contingents à Laghouat,
prêche la guerre sainte parmi les populations sahariennes. Le 4
décembre 1852, deux colonnes militaires commandées, l'une
par Pélissier, l'autre par Yusuf et protégées par
les troupes de Mac Mahon en couverture dans la région de Biskra,
vinrent à bout de l'insurrection qui est relancée dans le
M'Zab par Mohamed ben Abdallah. Celui-ci réussit à s'enfuir
au travers des mailles de la nasse qui encerclait ses contingents.
-----Les dernières
opérations de pacification sont menées à bien grâce
à la longue période de responsabilité au plus haut
niveau confiée au Maréchal de France
Randon. Nommé, par l'empereur Napoléon III, Gouverneur
général le 11 décembre 1851, après le coup
d'état du 2, il demeura en poste jusqu'au 23 juin 1858. La politique
qu'il met en oeuvre, en Algérie, donne de bons résultats.
Il réorganise l'Armée d'Afrique car il estime que les menaces
de guerre en Europe exigent la présence d'une puissante force en
Algérie. Les unités connaissent bien la géographie
du pays et les autochtones, Berbères et Arabes ; de plus elles
ont une efficacité bien plus grande que les régiments appelés
en renfort de la Métropole.
-----Le Maréchal
Randon s'entend fort bien avec les Oulad Sidi-cheikh et leur chef Si Hamza
qui se mettent à la poursuite du fameux chérif Mohamed ben-Abdallah.
Appuyé par les colonnes françaises, Si Hamza s'empare de
Ouargla après avoir battu le chérif à N'Gouça.
Fidèle à l'amitié française, Si Hamza exerce
le commandement dans la région qui s'étend de Géryville
à Ouargla et Touggourt. Les troupes françaises pénètrent
dans cette dernière ville, le 29 novembre 1854, après une
campagne sur l'oued Rhir.
-----La sécurité
des caravanes qui circulent entre les Oasis et l'Algérie et vice
versa est assurée pleinement et les agissements des fomentateurs
de troubles s'achèvent. Les tribus ne se soulèvent plus
dans le Tell. Le pays est administré par des chefs indigènes
qui reçoivent, du Maréchal Gouverneur, au nom de la France,
l'investiture par la remise en public, du burnous.
-----Heureuse
action de Randon dans le Sud. En Kabylie, il assure en premier lieu les
communications par la construction de deux routes : Bougie Alger-Dellys
et Aumale-Sétif-Bougie. La plus grande partie échappe à
l'autorité du Gouverneur bien que des colonnes pénètrent
dans le massif montagneux car Paris n'avait autorisé, jusqu'en
1853, qu'une opération partielle en "Petite Kabylie".
Cette année une expédition menée par le Maréchal
Randon comprenant trois colonnes commandées, respectivement par
Mac Mahon, Bosquet et Yusuf, soumet la Kabylie des Babors entre Bougie,
Djidjelli, Sétif, Constantine et Collo. Mais le Gouverneur ne peut
pas parfaire son oeuvre car l'expédition de Crimée nécessite
des troupes aguerries qui ne peuvent être prélevées
qu'en Algérie.
----C'est
avec fierté que les Tirailleurs acceptèrent d'aller combattre
pour le drapeau de la France, hors de leur sol natal, au sein de l'Armée
Française, 2 000 volontaires sont constitués en Régiment
de marche et se voient offrir par les Maures d'Alger un drapeau qui porte,
en caractères arabes l'inscription : "Cet
étendard brillera dans les champs de la gloire et volera au succès
avec l'assistance divine. C'est l'oeuvre des Musulmans d'Alger offerte
aux soldats indigènes qui font partie des troupes françaises
allant au secours de l'Empire ottoman (An 1270)".
Action finale à
la pacification
-----L'expédition
de Kabylie va marquer l'action finale à la pacification de l'Algérie
et à sa conquête. Randon prépare avec une grande minutie
la campagne au cours de laquelle sont engagées trois Divisions
; chacune commandée par un général de valeur : Renault,
de Mac Mahon et Yusuf. Après quelques résistances,
les Aït Taten et les tribus confédérées se soumettent
et demandent l'aman le 24 mai 1857. Un poste est construit à Souk-el-Arba,
dénommé d'abord "Fort-Napoléon" puis "FortNational".
-----Après
ce succès la campagne est reprise car bien des fractions kabyles
n'ont pas renoncé à la résistance, telles les Béni
Menguellet et le Béni Youni qui, àTcherifen ont construit
des fortifications qui défendent un passage obligé.
-----Après
de durs combats, Mac Mahon enlève la position défensive.
Le 2è Régiment de Zouaves et le 2è Etranger s'y distinguèrent.
Les Divisions de Renault et Yusuf conquirent les villages des Béni-Yénni,
des Béni Minguellet et des Zouaouas.
-----Il ne
reste plus qu'à réduire l'âme de la lutte contre les
Français, la femme-marabout, Lalla Fatima
et les derniers rebelles qui se trouvent dans la partie la plus accidentée
du Djudjura. Les trois Divisions précédentes renforcées
de la Division Maissiat, venue de Constantine, encerclent le Massif. Toutes
les tribus demandent à se soumettre après la capture de
Lalla Fatima. Le Maréchal Randon eu égard au caractère
et aux moeurs des Kabyles leur laisse leurs institutions particulières
et une large auto
nomie municipale.
-----A la
fin des opérations le 12 juillet 1857, le Gouverneur, Commandant
en Chef, adresse un ordre du jour disant "Soldats
! Votre mission est accomplie ; la Kabylie du Djudjura est soumise. Il
n'est pas une seule tribu qui n'ait subi notre loi... Un commandement
sage et ferme, une politique prudente et éclairée consolideront
notre autorité, amèneront à nous cette population
dont nous avons pu apprécier la loyauté et qui, plus que
tout autre en Algérie se rapproche de nous par ses institutions.
Des cimes du Djudjura jusque dans les profondeurs du Sud, le drapeau de
la France se déploie victorieusement et le nom de notre Empereur
est salué avec respect. C'est à vous qu'il était
donné de terminer cette grande et noble tâche".
-----Les militaires
ont rempli leur glorieux devoir sur le terrain. Les hommes politiques,
forts de cette victoire, prennent la relève et décident,
sans consultation du Gouverneur qui, seul, est au fait des connaissances
sur le pays et sur les hommes, d'une nouvelle organisation. Privé
d'initiative et perdant une partie de son autorité, le Maréchal
de France Alexandre Randon se démet avec dignité de ses
fonctions.
Lt Colonel (ER)
Gaston Bautista
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