L'Algérie, Alger, leur Histoire.
Les gouverneurs généraux se succèdent
pnha, n°92, août 1998
sur site le 22-03-2003
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-----Le retrait d'Abd-el-Kader qui demeure fidèle à l'engagement pris devant le duc d'Aumale, jusqu'à sa mort, ne met pas un terme à la révolte. La pacification n'est pas totale car le bloc Kabyle est à peine entamé. Le duc d'Aumale prépare sa reddition quand la Révolution de 1848 le rappelle en France.
-----Les adieux du Gouverneur à l'Algérie sont d'une grande dignité. Avant son embarquement avec son frère, le duc de Joinville, le 3 mars 1848, il adresse un ordre du jour aux troupes dont l'extrait qui suit est des plus émouvants :
-----"En me séparant d'une armée, modèle d'honneur et de courage, dans les rangs de laquelle j'ai passé les plus beaux jours de ma vie, je ne puis que lui souhaiter de nouveaux succès... J'avais encore espéré combattre avec vous pour la Patrie. Cet honneur m'est refusé, mais du fond de l'exil, mon coeur vous suivra partout où vous appellera la volonté nationale : il triomphera de vos succès ; tous ses voeux seront toujours pour la gloire et le bonheur de la France".

Progression persévérante de la pacification

-----Après le duc d'Aumale, les gouverneurs généraux se succèdent à brefs intervalles, ce qui ne permet pas de définir et d'appliquer une politique cohérente, à long terme, nonobstant la connaissance de chacun des problèmes algériens :
-----Six (6) généraux assumant les fonctions de Gouverneur général exercent, en quarante-cinq (45) mois, le commandement en chef ; Cavaignac, Changarnier, Marey, Monge, Charon, Pélissier et d'Hauptoul. Ils doivent lutter contre des agitations dans les trois principales provinces et de graves insurrections au sud de Biskra.
-----L'affaire de Zaatcha est aussi pénible que coûteuse en vies humaines, le ksar est pris mais sur 4 000 hommes engagés, les pertes sont sévères ; 200 tués et 850 blessés auxquels s'ajoutent de nombreuses victimes du choléra qui sévit à l'état endémique.
-----Le cheikh Mohamed ben Abdallah qui s'installe avec ses contingents à Laghouat, prêche la guerre sainte parmi les populations sahariennes. Le 4 décembre 1852, deux colonnes militaires commandées, l'une par Pélissier, l'autre par Yusuf et protégées par les troupes de Mac Mahon en couverture dans la région de Biskra, vinrent à bout de l'insurrection qui est relancée dans le M'Zab par Mohamed ben Abdallah. Celui-ci réussit à s'enfuir au travers des mailles de la nasse qui encerclait ses contingents.
-----Les dernières opérations de pacification sont menées à bien grâce à la longue période de responsabilité au plus haut niveau confiée au Maréchal de France Randon. Nommé, par l'empereur Napoléon III, Gouverneur général le 11 décembre 1851, après le coup d'état du 2, il demeura en poste jusqu'au 23 juin 1858. La politique qu'il met en oeuvre, en Algérie, donne de bons résultats. Il réorganise l'Armée d'Afrique car il estime que les menaces de guerre en Europe exigent la présence d'une puissante force en Algérie. Les unités connaissent bien la géographie du pays et les autochtones, Berbères et Arabes ; de plus elles ont une efficacité bien plus grande que les régiments appelés en renfort de la Métropole.
-----Le Maréchal Randon s'entend fort bien avec les Oulad Sidi-cheikh et leur chef Si Hamza qui se mettent à la poursuite du fameux chérif Mohamed ben-Abdallah. Appuyé par les colonnes françaises, Si Hamza s'empare de Ouargla après avoir battu le chérif à N'Gouça. Fidèle à l'amitié française, Si Hamza exerce le commandement dans la région qui s'étend de Géryville à Ouargla et Touggourt. Les troupes françaises pénètrent dans cette dernière ville, le 29 novembre 1854, après une campagne sur l'oued Rhir.
-----La sécurité des caravanes qui circulent entre les Oasis et l'Algérie et vice versa est assurée pleinement et les agissements des fomentateurs de troubles s'achèvent. Les tribus ne se soulèvent plus dans le Tell. Le pays est administré par des chefs indigènes qui reçoivent, du Maréchal Gouverneur, au nom de la France, l'investiture par la remise en public, du burnous.
-----Heureuse action de Randon dans le Sud. En Kabylie, il assure en premier lieu les communications par la construction de deux routes : Bougie Alger-Dellys et Aumale-Sétif-Bougie. La plus grande partie échappe à l'autorité du Gouverneur bien que des colonnes pénètrent dans le massif montagneux car Paris n'avait autorisé, jusqu'en 1853, qu'une opération partielle en "Petite Kabylie". Cette année une expédition menée par le Maréchal Randon comprenant trois colonnes commandées, respectivement par Mac Mahon, Bosquet et Yusuf, soumet la Kabylie des Babors entre Bougie, Djidjelli, Sétif, Constantine et Collo. Mais le Gouverneur ne peut pas parfaire son oeuvre car l'expédition de Crimée nécessite des troupes aguerries qui ne peuvent être prélevées qu'en Algérie.
----C'est avec fierté que les Tirailleurs acceptèrent d'aller combattre pour le drapeau de la France, hors de leur sol natal, au sein de l'Armée Française, 2 000 volontaires sont constitués en Régiment de marche et se voient offrir par les Maures d'Alger un drapeau qui porte, en caractères arabes l'inscription : "Cet étendard brillera dans les champs de la gloire et volera au succès avec l'assistance divine. C'est l'oeuvre des Musulmans d'Alger offerte aux soldats indigènes qui font partie des troupes françaises allant au secours de l'Empire ottoman (An 1270)".

Action finale à la pacification

-----L'expédition de Kabylie va marquer l'action finale à la pacification de l'Algérie et à sa conquête. Randon prépare avec une grande minutie la campagne au cours de laquelle sont engagées trois Divisions ; chacune commandée par un général de valeur : Renault, de Mac Mahon et Yusuf. Après quelques résistances, les Aït Taten et les tribus confédérées se soumettent et demandent l'aman le 24 mai 1857. Un poste est construit à Souk-el-Arba, dénommé d'abord "Fort-Napoléon" puis "FortNational".
-----Après ce succès la campagne est reprise car bien des fractions kabyles n'ont pas renoncé à la résistance, telles les Béni Menguellet et le Béni Youni qui, àTcherifen ont construit des fortifications qui défendent un passage obligé.
-----Après de durs combats, Mac Mahon enlève la position défensive. Le 2è Régiment de Zouaves et le 2è Etranger s'y distinguèrent. Les Divisions de Renault et Yusuf conquirent les villages des Béni-Yénni, des Béni Minguellet et des Zouaouas.
-----Il ne reste plus qu'à réduire l'âme de la lutte contre les Français, la femme-marabout, Lalla Fatima et les derniers rebelles qui se trouvent dans la partie la plus accidentée du Djudjura. Les trois Divisions précédentes renforcées de la Division Maissiat, venue de Constantine, encerclent le Massif. Toutes les tribus demandent à se soumettre après la capture de Lalla Fatima. Le Maréchal Randon eu égard au caractère et aux moeurs des Kabyles leur laisse leurs institutions particulières et une large auto
nomie municipale.
-----A la fin des opérations le 12 juillet 1857, le Gouverneur, Commandant en Chef, adresse un ordre du jour disant "Soldats ! Votre mission est accomplie ; la Kabylie du Djudjura est soumise. Il n'est pas une seule tribu qui n'ait subi notre loi... Un commandement sage et ferme, une politique prudente et éclairée consolideront notre autorité, amèneront à nous cette population dont nous avons pu apprécier la loyauté et qui, plus que tout autre en Algérie se rapproche de nous par ses institutions. Des cimes du Djudjura jusque dans les profondeurs du Sud, le drapeau de la France se déploie victorieusement et le nom de notre Empereur est salué avec respect. C'est à vous qu'il était donné de terminer cette grande et noble tâche".
-----Les militaires ont rempli leur glorieux devoir sur le terrain. Les hommes politiques, forts de cette victoire, prennent la relève et décident, sans consultation du Gouverneur qui, seul, est au fait des connaissances sur le pays et sur les hommes, d'une nouvelle organisation. Privé d'initiative et perdant une partie de son autorité, le Maréchal de France Alexandre Randon se démet avec dignité de ses fonctions.

Lt Colonel (ER)
Gaston Bautista