-------Nous savons
que la civilisation romaine s'est effondrée au cours du Vè
siècle. Cela a eu une influence sur l'Afrique du Nord qui en avait
été largement imprégnée par la politique de
romanisation. Pour tenter de comprendre cette décadence, il nous
faut remonter l'Histoire jusqu'à la fin du II' siècle, début
du Ill' alors qu'une grave crise économique et une, aussi grave,
crise politique frappaient l'Empire qui avait atteint une extension immense.
-------En
effet, en plus des trois Italie, septentrionale, centrale et occidentale,
l'Empire comportait les provinces de la Gaule narbonnaise, aquitaine et
lyonnaise. En Europe, il dominait la Sicile, la Sardaigne, la Corse, l'Espagne,
la Grande Bretagne, la Belgique qui n'était autre que la Germanie
inférieure et supérieure, la Thrace et la Macédoine.
En Asie, l'Empire gouvernait la Phrygie, la Mysie, la Lydie et la Carie
qui étaient l'ancien royaume de Pergame, la province de Pont qui
était l'ancien royaume de Mithridiate fameux par les richesses
de son sous-sol, la Bithynie, la Galatie, la Cappadoce qui est la région
d'Anatolie désignant aujourd'hui la Turquie d'Asie, la Lycie, la
Pamphylie, la Cilicie, la Syrie, sa voisine l'Arabie Pétrée
qui est une portion de l'immense Arabie, l'Arménie, et la Mésopotamie.
-------En
Afrique, rappelons-le, l'Empire gouvernait l'Egypte, la Libye, la Tripolitaine,
l'Africa de Carthage, la Numidie, la Maurétanie Césarienne
et la Maurétanie Tingitane.
-------Ceci
exposé, rappelons que l'empereur romain Marc Aurèle avait
renforcé durant son règne la centralisation administrative.
Mais ce règne fut dominé par les guerres ; après
avoir battu les Parthes par l'intermédiaire de Verus qu'il avait
associé à l'Empire, il combattit, sur le Danube, les Germains
qui atteignirent l'Italie.
-------En
192, Commode, fils de Marc Aurèle lui succéda au trône
des Antonins ; il s'identifiait à Hercule, folie qui engendra de
telles cruautés qu'elles lui valurent d'être assassiné
et c'est l'avènement de l'Empire militaire des Sévères.
-------Les
difficultés économiques allaient grandissantes et un danger
se profilait à la frontière de Germanie, à l'Est
de laquelle les tribus barbares manifestaient un esprit guerrier et conquérant.
Les guerres extérieures se développaient, l'Empire se décomposait
malgré la tétrargie de Dioclétien qui partagea l'Empire
en deux, l'empire d'Orient (Valérien) et l'empire d'Occident (Gallien).
Des réformes entraînèrent des dépenses considérables
aggravant la crise économique qui engendra des troubles, prémices
des guerres de religion qui verront la victoire de Constantin, prince
chrétien qui fit de Byzance la capitale de l'Empire d'Orient et
qui prit le nom de Constantinople d'où rayonne la pensée
chrétienne nourrie par l'hellénisme et par le judaïsme
;
-------C'est
la fin de la civilisation romaine matérialisée par le concile
oecuménique de Nicée qui condamna l'arianisme, doctrine
du prêtre Arius qui niait la divinité du Christ, origine
d'une des plus graves crises de l'Eglise chrétienne.
-------Voilà,
grosso modo, l'histoire de la décadence de Rome et de sa civilisation
qui se termina sous une dictature militaire depuis 238.
-------Je
pense que cette digression devait être faite eu égard à
l'immense territorialité de l'Empire dont la gestion avait de grandes
répercussions sur l'Afrique du Nord.
-------Cette
civilisation qui respectait les coutumes et les nombreux dialectes, ne
pénétra pas les montagnards qui préféraient
leurs huttes, ou gourbis, aux maisons de pierres des cités, tout
comme leur vie pastorale à celle des cultivateurs sédentaires.
-------Les
rivalités des divers chefs des armées conduisirent à
la faillite du Régime. Les indigènes étaient au courant
des luttes entre l'empereur Valérien et son rival, Emilien, originaire
d'Afrique. Ils étaient informés des attaques des Perses,
des Germains et autres Goths sur les frontières de l'Empire. Alors,
ils se révoltèrent non seulement contre les Romains qu'ils
considéraient comme des oppresseurs, mais contre les Berbères
romanisés dont les propriétés furent pillées.
-------L'insurrection
débuta dans la partie orientale de la Maurétanie césarienne,
dans les hautes plaines situées entre le fleuve Moulouya et la
grande Kabylie ainsi qu'au Sud de Sétif. Elle s'étendit
à la Numidie et de grandes batailles défirent des tribus
coalisées et se soldèrent par un grand nombre de prisonniers
chrétiens qui durent être rachetés. Ces rencontres
eurent lieu à Auzia (Aumale), dans la vallée de l'ouest
Lekkal, à Altova (Lamoricière), Miler (Mita) entre 255 et
262. Elles furent suivies d'une période de calme, jusqu'à
ce que les invasions barbares parvinrent en Espagne et que des tribus
franques ravagèrent les côtes de la Maurétanie. Les
tribus de Numidie et de l'Aurès se firent alors, plus menaçantes.
L'agitation se poursuivit dans le Sahel, la Kabylie et, dans le Sud, jusqu'au
Hodna. L'empereur Maximilien, lui-même, à la tête de
l'armée mit un terme à la révolte, en 297. L'Afrique
recouvre la Paix. Mais cette paix romaine est une paix armée pour
assurer la protection du territoire contre les attaques. Les fermes isolées,
tout comme les villages et villes sont fortifiées.
-------Dioclétien,
Empereur, avait entrepris une grande réforme administrative qui
vit le regroupement des quatre provinces en huit diocèses. De plus
l'Afrique proconsulaire est divisée en trois parties
- la Tripolitaine,
- la Byzacène (Tunisie centrale et méridionale), capitale
Hadrumetum (Sousse),
- la Zeugitane qui s'étendait sur le Nord de la Tunisie et le Nord?Est
de la Numidie, capitale Carthage.
-------La
Numidie avait été divisée en deux provinces ?
- La Numidie du Nord, capitale Cirta,
- La Numidie du Sud, province militaire, capitale Lambèse
-------Plus
tard, l'Empereur Constantin les réunit à nouveau et donna
à Cirta, le nom de Constantine en son propre honneur.
-------La
Maurétanie césarienne fut également scindée
en deux
- la Maurétanie sétifienne, capitale Sétif,
- la Maurétanie césarienne demeura avec sa capitale, Tlemcen.
-------La
Maurétanie tingitane fut conservée dans son intégralité,
mais rattachée au diocèse des Espagnes, pour son administration.
ORGANISATION MILITAIRE
DE L'AFRIQUE DURANT L'EMPIRE
-------Les corps
militaires d'occupation de tout l'Empire subirent des transformations
et partant, celui de l'Afrique à qui les mêmes furent appliquées
: les Gouverneurs n'eurent plus le commandement des armées qui
fut confié à des généraux ou des ducs (duces).
-------Les
troupes s'installèrent le long des frontières des limes
et dans les forts. D'autres, organisées en formations mobiles se
portaient, à la demande, sur les points les plus menacés.
Les limites des provinces militaires ne coincidaient pas avec celles des
provinces administratives.
-------Le
Commandant en chef de l'Armée d'Afrique résidait à
Carthage. I1 ne couvrait pas la Maurétanie tingitane qui était
commandée par un comte dont le commandement s'étendait sur
les territoires des Espagnes. Les frontières du Sud étaient
défendues par des soldats-colons et des indigènes qui furent,
contre une solde, enrôlés dans les contingents militaires
de l'Empire.
-------L'Armée
d'Afrique n'avait pas de vigueur car elle n'avait presque plus d'engagements
volontaires et, de ce fait, le recrutement se fit par la contrainte, ce
qui enleva à la troupe l'esprit de combativité dont elle
avait besoin.
ORGANISATION DE L'ÉGLISE
D'AFRIQUE
-------L'Eglise
d'Afrique a subi de grands bouleversements après un long et paisible
développement.
-------Elle
souffrit de persécutions et, comme cela a été précédemment
dit, du schisme donatiste. Alors qu'elle avait un grand prestige dans
toute la chrétienneté, son organisation comprenait au IVè
siècle six provinces ecclésiastiques correspondant aux six
provinces civiles réorganisées par l'Empereur Constantin,
sans, tout comme les provinces militaires, que les frontières ne
coïncidassent. Il y avait donc
- la Maurétanie césarienne qui englobait, du point de vue
religieux, la Maurétanie tingitane,
- la Maurétanie sétifienne,
-la Numidie du Nord et la Numidie du Sud,
-la Tripolitaine,
- la Byzacène,
- la Zeugitane avec Carthage qui, seule, avait un Métropolitain
ayant autorité sur tous les évêques de la province,
puis sur toute l'Afrique.
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--------Les
Eglises possédaient des chapelles, des baptistères, des
basiliques de grande valeur architecturale et sculpturale.
Le clergé était distinct dans chaque région et l'Eglise
d'Afrique fut déchirée par de nombreux schismes. Seul le
donatisme perdura et coupa en deux l'Eglise ; il résista aux répressions
soulevant des passions révolutionnaires dans les masses populaires.
L'Eglise de Carthage et de Numidie s'opposa à l'Eglise officielle
de métropole.
-------C'est
alors que Constantin se convertit et mis hors la loi les donatistes, ce
qui eut un effet contraire tant son extension fut extraordinaire ; un
mouvement social se développe dans le prolétariat agricole.
Les donatistes furent réduits par la force et une alliance entre
l'Eglise d'Afrique et l'Etat, en résultat, ce qui eut pour conséquence
une alliance des donatistes avec les ciconcellions qui furent considérés
comme rebelles et traités comme tels. La Berbérie basculait
dans le donatisme lorsqu'apparut Augustin, fils d'un païen africain
et d'une chrétienne africaine, né à Thagaste (Souk-Ahras),
en Numidie. Je vous conterai plus longuement sa vie, mais sachez qu'après
des études à Carthage, il devint un grammairien, s'adonna
au néoplatonisme qui lui ouvrit la porte du christianisme. Il écrit,
notamment ses Confessions, la Cité de Dieux, les premiers catéchèses,
fonda un monastère. Ses dialogues témoignent que pour atteindre
la vérité par le raisonnement humain, un effort était
nécessaire. Il avait un tempérament combatif et la carrure
d'un chef qu'il mit à la disposition de l'Eglise pour combattre
les schismatiques. C'est grâce à Augustin que les catholiques
sortirent vainqueurs de la lutte contre le terrorisme qui suscita la répression
de l'Eglise officielle. Pour atteindre ces résultats, Augustin
qui fut canonisé, ainsi que Monique, sa mère, multiplia
ses écrits et ses discours ; pour les rendre plus accessibles au
peuple, il fixa ses formules par un abécédaire qui, par
le nombre fixe de syllabes, la césure, la rime et l'assonance,
annonçait la poésie romane.
------Saint-Augustin
formula une "utile terreur" pour ramener les hérétiques
à l'orthodoxie et empêcher les faibles de s'en écarter.
Il ne ménagea ni la religion judaïque ni les païennes.
Après avoir été un adepte du manichéïsme,
il le dénonça, après sa conversion et exposa les
doctrines orthodoxes sur la Trinité dans un ouvrage, véritable
somme. Il fut sévère pour l'Etat mais il voyait en lui le
défenseur de l'Homme contre l'anarchie et ses préférences
allant à l'Etat chrétien qui met son épée
au service de l'Eglise contre les hérésies.
------Grâce à Augustin, l'Eglise
avait acquis tout à la fois un prestige et une autorité
incontestables. Elle rejeta l'autorité de" l'Empereur - pape"
en matière de juridiction et de discipline ; chacune des églises
devint un lieu d'asile et l'Eglise suppléa les municipalités
défaillantes. Mais le monde romain était gangréné
et le triomphe de l'Eglise ne put le sauver.
------En Afrique, il en est de même
; l'aristocratie déserte les cités. L'administration romaine
n'était plus adaptée aux provinces ruinées. Malgré
cela et bien que l'Afrique paraissait être à l'abri des Barbares,
ceux-ci la convoitèrent.
------En l'an 423, à la mort de l'Empereur
d'Occident, Honorius, les troubles qui se manifestèrent eurent
des répercussions en Afrique où le général
Boniface fut déclaré, en 427, "ennemi public"
et combattu par un Goth, Sigivult, comte d'Afrique. Les Berbères
profitèrent de cette situation pour se soulever. Le gouverneur
de l'Afrique tendait vers une indépendance.
------Les Vandales tentèrent à
plusieurs reprises de débarquer sur les côtes des Maurétanie,
mais en vain. La situation créée par la décomposition
romaine encouragea le roi Vandale Genséric à envahir l'Afrique,
après avoir assuré ses arrières dans les îles
de la Méditerranée occidentale. A la tête des Germains,
suivi des Alains et des Suèves, soit 80 000 personnes dont 15 000
soldats aguerris, Genséric traverse le détroit d'Hercule
(Gibraltar) et aborde les côtes africaines à Ad Fratres (Nemours)
ainsi qu'à Tanger. La conquête et l'occupation de l'Afrique
romaine par les Vandales débutent. Ils fondèrent un royaume,
fondé sur la piraterie et qui dura jusqu'à la conquête
Byzantine de l'Afrique, en 533.
L'ACTUALITÉ
------L'actualité
conduit à une constatation : l'Afrique se trouve, présentement,
en 1995, dans une situation identique à celle qui vient d'être
exposée. En effet, hormis, pour l'heure, la piraterie, tout ce
qui concourt à l'insécurité, renaît et croît
exponentiellement, notamment les rivalités des chefs de tribus
berbères et la propre opposition de chacun d'eux aux responsables
de partis politiques afin de conserver ou de s'approprier le pouvoir sur
le territoire qu'il convoite pour l'administrer selon soit les us et coutumes
de leurs ancêtres soit leur bon vouloir, refusant de se soumettre
à un pouvoir central, quel qu'il soit. Ils s'opposent tout particulièrement
à celui dirigé par ces intellectuels révolutionnaires
issus du FLN qui ne leur apportèrent, par sa terreur, que malheurs
et misères, à l'époque où ils bénéficiaient
de la citoyenneté française et vivaient dans la Paix avec
leurs frères de souche européenne.
------Le peuple leur reproche la folle gestion
du pays depuis le lâche abandon par le gouvernement de la France
des deux cinquièmes de son territoire national à la suite
des honteux accords d'Evian. Ceux-ci ne rappellent-ils pas étrangement
le pacte funeste que Boniface, ce général romain auquel
un fatal ressentiment, nonobstant l'éloquence de Saint-Augustin,
faisait trahir son pays et sa religion. Il avait contracté avec
le roi des Vandales, Gonderic, la cession de la partie la moins civilisée
du pays. L'application du traité par Genséric qui succéda
à Gonderic, fut fatale aux Romains et décida la ruine de
leur puissance en Afrique.
------Les Français d'Algérie,
de souche berbère, s'appliquaient à suivre avec une nécessaire
mais, par faute de communications, pas toujours comphéhensible
lenteur, l'évolution difficile de leurs provinces pour parvenir
au but à atteindre à cause ou grâce, au melting-pot
qui résultait de ses divers éléments démographiques
et religieux.
------L'aboutissement de cette action n'était
pas si lointain ; il devait être la consécration définitive
de l'unité du Maghreb dont la construction avait été
entreprise avec opiniâtreté par la France pour parvenir à
une civilisation franco-africaine qui devait résulter de celles
d'Orient et d'Occident. C'était aussi la consolidation du pont
naturel qu'est l'Afrique du Nord entre l'Europe et l'Afrique noire. Quel
bel exemple c'eût été pour notre monde en proie à
de si cruels déchirements. Hélas nos gouvernants ont préféré
se décharger lâchement de la mission civilisatrice que la
France éternelle, s'était fixée.
------Les luttes fratricides, conséquences
de l'attrait du pouvoir, affectent ceux-là même, et leurs
descendants, qui se croyaient aptes, après avoir bénéficié
de l'action civilisatrice de la France métropolitaine, à
conduire le pays dans une indépendance
totale, tout en feignant d'ignorer le caractère politique de la
religion islamique. Seule la présencede la France pendant, hélas,
trop peu d'années, 130 seulement, eu égard à celles
des divers conquérants précédents, avait permis de
réaliser cette unité si longtemps cherchée. L'Afrique
du Nord - tout particulièrement l'Algérie Française
- avait retrouvé une richesse économique et une Paix, jalousées
des puissances étrangères qui encouragèrent et aidèrent,
non sans arrières pensées avec l'aide de Français
félons contre leur patrie, la funeste rébellion sous le
fallacieux prétexte des Droits et des Libertés fondamentales
de l'Homme.
Gaston Bautista
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