sur site le 03/06 /2002
-l'Afrique du Nord
Son histoire (texte n°7) :
Organisation politique et économique de la Berberie par les romains
(31 avant J.C. - 429 de J.C.)
La nouvelle organisation de l'Afrique par César subit d'importantes modifications à la suite de la mort des rois Bocchus et Bogud.
Les systèmes de gouvernement n'étaient pas identiques dans les cinq provinces berbères ; rappelons-les, mise à part la Tripolitaine, partie comprise entre les deux Syrtes
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Gaston Bautista
pnha n°56 avril 1995

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Les gouvernements successifs

------La nouvelle organisation de l'Afrique par César subit d'importantes modifications à la suite de la mort des rois Bocchus et Bogud.
------Les systèmes de gouvernement n'étaient pas identiques dans les cinq provinces berbères ; rappelons-les, mise à part la Tripolitaine, partie comprise entre les deux Syrtes
o L'Afrique proconsulaire.
------Elle groupait les territoires évolués qui bénéficiaient, bien avant l'arrivée des Romains, du développement pacifique du commerce, de l'organisation des Cités et d'une agriculture de qualité ; cela, grâce à la sédentarisation de peuplades errantes, telles celle des Musulames. Le gouverneur était un Sénateur de haut rang consulaire ; sous la République, il était soit Consul, soit Proconsul ; sous l'Empire, le Sénateur était Legati Augusti pro praetore, c'est à dire légat du Sénat puis de l'Empereur.
o La Numidie, assimilée à Bysacène.
------Biens moins développée mais fort convoitée par les rois berbères, elle formait une confédération eu égard à l'étendue du territoire et le grand nombre de districts ruraux, de bourgs et de villes importantes qui jouissaient, chacun, d'une autonomie. Elle était gouvernée par un général romain, nommé par l'Empereur, commandant en chef des territoires militaires de la Tripolitaine, du Sud Tunisien et de la Numidie qui s'étendait alors, à l'Ouest, jusqu'à l'Océan. Elle fut ensuite scindée en trois, après bien des mouvements insurrectionnels de tribus qui se voulaient indépendantes,favorisés par la nature du terrain qu'elles occupaient.
o La Maurétanie Césarienne. Elle eut pour capitale Césarée (Cherchell)
o La Maurétanie Sétitienne. Nom emprunté à son chef lieu, Sétifis (Sétif)
o La Maurétanie Tingitane.
------Nommée ainsi, nous l'avons dit, de Tingis, sa capitale. Annexée à l'Espagne dont elle formait la septième province, elle était séparée de la précédente par le fleuve Moulouya long de 450 kilomètres.
------Chacune des Maurétanie était gouvernée par un fonctionnaire de haut rang qui avait le titre de Questeur, sous la République et de Procurateur, sous l'Empire.
------La civilisation romaine apparaît comme une civilisation urbaine, nourrie par la paysannerie car la rudesse et aussi la simplicité de la vie paysanne demeurent un réel idéal à l'esprit romain. Voilà pourquoi, très tôt dans l'histoire de Rome, de modestes paysans et même des Berbères, sont parvenus aux plus hauts postes de la magistrature romaine, voire au Sénat dont l'influence s'exerçait sur l'ensemble de la vie politique et tout spécialement sur les finances car le Sénat était le maître du budget de l'Etat.
------Sans vouloir détailler les institutions des Romains qui ont fait l'objet de nombreuses études parues dans divers ouvrages, revues et chroniques, il me parait nécessaire de rappeler que le "principat", c'est à dire la dignité de prince, avait une armature constitutionnelle, juridique, religieuse et morale, au côté d'une assemblée populaire.
------En Berbérie, l'organisation administrative était calquée sur celle de Rome ; le personnel formant le corps administratif, tout comme celui dispersé dans tout l'Empire, était composé soit d'affranchis, soit d'esclaves.
Afin de nous situer dans le temps, il est bon de rappeler les trois formes différentes d'organisation politique de Rome.
l ° La Royauté, de 753 à 509, avant Jésus Christ. Elle connut sept rois, de Romulus qui fonda Rome, à Turquin le Superbe qui fut renversé par le peuple qui proclama la République.
2° La République de 509 à 27 avant JésusChrist. Au tout début, deux Consuls remplacèrent le roi déchu. Par la suite une dictature, c'est à dire une magistrature exceptionnelle, est instituée pour aider les Consuls dans l'exécution de leurs missions. La création d'une magistrature plébéienne précéda l'institution des Tribuns militaires et des Censeurs. Ces derniers étaient chargés du recensement, de la police des moeurs et de la ferme des impôts, c'est à dire de l'attribution des charges de collecteurs des impôts, sous la condition qu'ils soient versés avant qu'ils ne soient collectés.
3° L'Empire, de l'an 27 avant Jésus Christ à l'an 476 après Jésus Christ, qui a connu durant cette longue période
------ douze Césars (de 27 av. J.C. à 96 ap) : Jules César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellus ; - les trois derniers proclamés par les soldats : Verpasien, Titus et le 12è, Domitien ;
----- six Antonins (de 96 à 192)
Nerva, Trajan, Hadrien, Antonins, Marc-Aurèle et Commode ;
-----six Empereurs (de 192 à 363), lors du partage de l'Empire militaire des Sévères en deux parties, celles d'Orient qui connut Valérien et d'Occident qui eut successivement à sa tête les empereurs Gallien, fils de Valérien, puis Dioclétien, Constantin et Julien.
-----le partage définitif de l'Empire en : * Empire d'Occident jusqu'à la prise de Rome en 476 par Odoacre, roi des Hérules qui détrôna Romulus Augustule ce qui ainsi mit fin à cet Empire.
* Empire d'Orient (Constantinople) qui dura jusqu'en 1453.
------Ce sont les périodes pendant lesquelles se sont succédées ces trois formes de gouvernements qui nous intéressent pour avoir une bonne connaissance des différentes organisations politiques et administratives de la Berbérie. Les habitants de chacune des quatre provinces qui la composaient, étaient soumis à des formes de fonctionnement plus ou moins inégales.

Les Communes

------Les Communes sont la base de la vie des habitants des cités qui étaient organisées selon une hiérarchie sociale bien définie
------o Les "Colonia" venaient en tête ; colonies romaines elles avaient été fondées par des citoyens romains, ou qui en avaient acquis la qualité et bénéficiaient, dans ce cas, des mêmes droits que leurs concitoyens domiciliés à Rome.
------o Les "Municipia romaines" suivaient immédiatement après les précédentes ; elles étaient organisées tout comme les cités métropolitaines et disposaient des mêmes institutions. Leurs habitants bénéficiaient des mêmes droits que ceux des "Colonia" mais, par contre, ils étaient bien plus lourdement taxés.
------o Les " Municipia latines" suivaient ; leur statut était intermédiaire entre celui des Municipia romaines et le statut des "Etrangers".

 

------o Les Communes peuplées exclusivement de Berbères se trouvaient tout à fait au bas de la hiérarchie. Elles n'étaient pas toutes sur le même pied d'égalité. Certains chefs indigènes étaient préfets ou princes, parfois roi avec toutes les prérogatives et l'autorité que comportait ce titre. Quelques chefs berbères portèrent le titre de Suffète, magistrat suprême de Carthage.
------Rome instituait parfois des communes à l'instar de celles qui disposaient de conseils municipaux du type soit romain, soit latin.
------La diversité de l'organisation, politique et administrative, romaine influait donc grandement sur la vie quotidienne des Berbères.

Institutions

------Les riches Africains consacraient une bonne partie de leur fortune à leur habitation pour rivaliser avec l'aristocratie romaine, ce qui eut d'heureuses conséquences : l'amélioration de l'urbanisation et le développement d'une belle architecture dans les villes ; des vestiges nous ont permis d'en mesurer l'ampleur et les richesses, notamment à Tripoli, à Timgad, à Djemila, à Volubilis... Amphithéâtres, Théâtres, Cirques, Thermes, Marchés, Forum, Boutiques et Arcs de triomphe enfouis dans les sables témoignent non seulement du luxe mais aussi du confort des habitants des villes et bourgs berbères.
------L'art et la culture largement dispensés par les Romains en Berbérie sont à l'origine du développement d'une littérature romaine que l'on retrouve chez des auteurs africains. Néoplatoniciens, philosophes, poètes, versificateurs, polémistes, écrivains, avocats y foisonnent.
------En Berbérie, les indigènes parlaient des dialectes différents ; le Latin fut la langue qu'ils utilisèrent pour se comprendre. Ils adoptèrent aussi les croyances religieuses de leurs vainqueurs, bien que l'Etat romain ait eu une grande tolérance pour toutes les croyances, à l'exception du christianisme considéré comme un parti révolutionnaire.
------Le culte romain et sa pompe étaient encouragés : :processions, sacrifices et repas sacrés. Bien que de grandes foules fussent attirées par ces cérémonies, il ne pénétra pas dans les populations indigènes. Les divinités romaines ne furent adoptées que par les seuls aristocrates, alors que le christianisme, véhiculé à partir des ports, notamment celui de Carthage, par des aristocrates philosophes monothéistes, se développa rapidement dans les masses indigènes sédentaires des campagnes, voire même nomades. Les Chrétiens furent majoritaires dans la quasi totalité des cités. Des juifs même, dont la religion était admise par les Romains, se convertirent au christianisme.
------Les Romains persécutèrent les Chrétiens dans toutes les cités. La première des répressions contre la poussée des foules remonte au 17 juillet 180 : douze chrétiens sont décapités dans une petite ville d'Afrique, Scilli. Quelque vingt années plus tard Septine Sévère jeta un interdit tant sur le prosélytisme juif que sur la propagande chrétienne.
------A Thuburba Minus (Tebourba), deux cent trois Chrétiens furent arrêtés, parmi lesquels figure Vibia Perpetua (Sainte Perpétue) qui élevait au sein un enfant et fut livrée aux fauves, à Carthage, pour l'exemple.
------Cela n'empêcha pas que le dernier concile africain ait eu lieu à Carthage, au début du IIIe siècle. L'Eglise de Carthage a été évangélisée par des orientaux qui ne parlaient et n'écrivaient que la langue grecque ; pour se faire comprendre des Berbères et des hommes simples, les prédicateurs utilisèrent la langue latine.
------------Ceux qui ne la pratiquaient pas eurent recours à des interprètes.
------Il nous faut savoir que Quintus Septimius Floreus Tertullianus, Tertullien, fameux apologiste et premier écrivain chrétien était le fils d'un Berbère de la cohorte proconsulaire. Né à Carthage, il y reçut une excellente éducation ; parlant et écrivant le Latin et le Grec ; il avait de sérieuses connaissances scientifiques, une très bonne culture juridique et quelques notions de médecine. De plus, c'était un redoutable pamphlétaire. Il se convertit au christianisme le plus rigoriste, flétrissant la
mythologie païenne et écrivit un livre de propagande logicienne qui marque l'histoire du christianisme l'Apologetieum (l'Apologétique). Par ses écrits il pénétra au fond du débat entre païens et chrétiens. Il s'en prit aussi au christianisme lorsqu'il fit sienne la doctrine mystique qui offrait aux persécutions et flétrissait "les lâches" qui les fuyaient.Cette doctrine lui fut enseignée par le prêtre phrygien Montanus qui la professait. Il justifia alors, avec une grande éloquence les martyrs, défendit aux fidèles l'entrée des jeux publics et le service militaire. I1 conseilla la morale, la discipline intransigeante et censura la coquetterie des femmes dans leurs toilettes. Aux jeunes filles il prôna la chasteté. Il aimait lecombat, épistolaire et éloquent, pour cette doctrine hérétique et rejetait de la vie, avec la dernière des rigueurs, tout paganisme. Ainsi était Tertullien, caustique et logicien, au style imagé, brutal, émergeant d'une ardente pensée.
D'une activité débordante il avait besoin de s'extérioriser et de convaincre.
------Le christianisme progresse dans l'Afrique impériale tandis que l'esprit romain disparaît à la suite des troubles sociaux et que la catholicisme se développe.
------L'aristocratie et l'Eglise sont les garants de l'ordre, mais l'Eglise officielle lutte contre le christianisme que pratiquaient les citoyens de l'importance dernière classe qu'étaient les Berbères, les prolétaires qui suivirent au IVè siècle le mouvement schismatique de l'évêque Donat, à l'origine de la division de l'Eglise d'Afrique.

Colonel Bautista
(à suivre)