Les gouvernements successifs
------La
nouvelle organisation de l'Afrique par César subit d'importantes
modifications à la suite de la mort des rois Bocchus et Bogud.
------Les
systèmes de gouvernement n'étaient pas identiques dans les
cinq provinces berbères ; rappelons-les, mise à part la
Tripolitaine, partie comprise entre les deux Syrtes
o L'Afrique proconsulaire.
------Elle
groupait les territoires évolués qui bénéficiaient,
bien avant l'arrivée des Romains, du développement pacifique
du commerce, de l'organisation des Cités et d'une agriculture de
qualité ; cela, grâce à la sédentarisation
de peuplades errantes, telles celle des Musulames. Le gouverneur était
un Sénateur de haut rang consulaire ; sous la République,
il était soit Consul, soit Proconsul ; sous l'Empire, le Sénateur
était Legati Augusti pro praetore, c'est à dire légat
du Sénat puis de l'Empereur.
o La Numidie, assimilée à Bysacène.
------Biens
moins développée mais fort convoitée par les rois
berbères, elle formait une confédération eu égard
à l'étendue du territoire et le grand nombre de districts
ruraux, de bourgs et de villes importantes qui jouissaient, chacun, d'une
autonomie. Elle était gouvernée par un général
romain, nommé par l'Empereur, commandant en chef des territoires
militaires de la Tripolitaine, du Sud Tunisien et de la Numidie qui s'étendait
alors, à l'Ouest, jusqu'à l'Océan. Elle fut ensuite
scindée en trois, après bien des mouvements insurrectionnels
de tribus qui se voulaient indépendantes,favorisés par la
nature du terrain qu'elles occupaient.
o La Maurétanie Césarienne. Elle eut pour capitale
Césarée (Cherchell)
o La Maurétanie Sétitienne. Nom emprunté à
son chef lieu, Sétifis (Sétif)
o La Maurétanie Tingitane.
------Nommée
ainsi, nous l'avons dit, de Tingis, sa capitale. Annexée à
l'Espagne dont elle formait la septième province, elle était
séparée de la précédente par le fleuve Moulouya
long de 450 kilomètres.
------Chacune
des Maurétanie était gouvernée par un fonctionnaire
de haut rang qui avait le titre de Questeur, sous la République
et de Procurateur, sous l'Empire.
------La civilisation
romaine apparaît comme une civilisation urbaine, nourrie par la
paysannerie car la rudesse et aussi la simplicité de la vie paysanne
demeurent un réel idéal à l'esprit romain. Voilà
pourquoi, très tôt dans l'histoire de Rome, de modestes paysans
et même des Berbères, sont parvenus aux plus hauts postes
de la magistrature romaine, voire au Sénat dont l'influence s'exerçait
sur l'ensemble de la vie politique et tout spécialement sur les
finances car le Sénat était le maître du budget de
l'Etat.
------Sans
vouloir détailler les institutions des Romains qui ont fait l'objet
de nombreuses études parues dans divers ouvrages, revues et chroniques,
il me parait nécessaire de rappeler que le "principat",
c'est à dire la dignité de prince, avait une armature constitutionnelle,
juridique, religieuse et morale, au côté d'une assemblée
populaire.
------En Berbérie,
l'organisation administrative était calquée sur celle de
Rome ; le personnel formant le corps administratif, tout comme celui dispersé
dans tout l'Empire, était composé soit d'affranchis, soit
d'esclaves.
Afin de nous situer dans le temps, il est bon de rappeler les trois formes
différentes d'organisation politique de Rome.
l ° La Royauté, de 753 à 509, avant Jésus
Christ. Elle connut sept rois, de Romulus qui fonda Rome, à Turquin
le Superbe qui fut renversé par le peuple qui proclama la République.
2° La République de 509 à 27 avant JésusChrist.
Au tout début, deux Consuls remplacèrent le roi déchu.
Par la suite une dictature, c'est à dire une magistrature exceptionnelle,
est instituée pour aider les Consuls dans l'exécution de
leurs missions. La création d'une magistrature plébéienne
précéda l'institution des Tribuns militaires et des Censeurs.
Ces derniers étaient chargés du recensement, de la police
des moeurs et de la ferme des impôts, c'est à dire de l'attribution
des charges de collecteurs des impôts, sous la condition qu'ils
soient versés avant qu'ils ne soient collectés.
3° L'Empire, de l'an 27 avant Jésus Christ à l'an
476 après Jésus Christ, qui a connu durant cette longue
période
------ douze Césars (de 27 av. J.C. à 96 ap) : Jules César,
Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon,
Vitellus ; - les trois derniers proclamés par les soldats : Verpasien,
Titus et le 12è, Domitien ;
----- six Antonins (de 96 à 192)
Nerva, Trajan, Hadrien, Antonins, Marc-Aurèle et Commode ;
-----six Empereurs (de 192 à 363), lors du partage de l'Empire
militaire des Sévères en deux parties, celles d'Orient qui
connut Valérien et d'Occident qui eut successivement à sa
tête les empereurs Gallien, fils de Valérien, puis Dioclétien,
Constantin et Julien.
-----le partage définitif de l'Empire en : * Empire d'Occident
jusqu'à la prise de Rome en 476 par Odoacre, roi des Hérules
qui détrôna Romulus Augustule ce qui ainsi mit fin à
cet Empire.
* Empire d'Orient (Constantinople) qui dura jusqu'en 1453.
------Ce sont
les périodes pendant lesquelles se sont succédées
ces trois formes de gouvernements qui nous intéressent pour avoir
une bonne connaissance des différentes organisations politiques
et administratives de la Berbérie. Les habitants de chacune des
quatre provinces qui la composaient, étaient soumis à des
formes de fonctionnement plus ou moins inégales.
Les Communes
------Les
Communes sont la base de la vie des habitants des cités qui étaient
organisées selon une hiérarchie sociale bien définie
------o
Les "Colonia" venaient en tête ; colonies romaines
elles avaient été fondées par des citoyens romains,
ou qui en avaient acquis la qualité et bénéficiaient,
dans ce cas, des mêmes droits que leurs concitoyens domiciliés
à Rome.
------o
Les "Municipia romaines" suivaient immédiatement
après les précédentes ; elles étaient organisées
tout comme les cités métropolitaines et disposaient des
mêmes institutions. Leurs habitants bénéficiaient
des mêmes droits que ceux des "Colonia" mais, par contre,
ils étaient bien plus lourdement taxés.
------o
Les " Municipia latines" suivaient ; leur statut était
intermédiaire entre celui des Municipia romaines et le statut des
"Etrangers".
|
|
------o
Les Communes peuplées exclusivement de Berbères se trouvaient
tout à fait au bas de la hiérarchie. Elles n'étaient
pas toutes sur le même pied d'égalité. Certains chefs
indigènes étaient préfets ou princes, parfois roi
avec toutes les prérogatives et l'autorité que comportait
ce titre. Quelques chefs berbères portèrent le titre de
Suffète, magistrat suprême de Carthage.
------Rome
instituait parfois des communes à l'instar de celles qui disposaient
de conseils municipaux du type soit romain, soit latin.
------La diversité
de l'organisation, politique et administrative, romaine influait donc
grandement sur la vie quotidienne des Berbères.
Institutions
------Les
riches Africains consacraient une bonne partie de leur fortune à
leur habitation pour rivaliser avec l'aristocratie romaine, ce qui eut
d'heureuses conséquences : l'amélioration de l'urbanisation
et le développement d'une belle architecture dans les villes ;
des vestiges nous ont permis d'en mesurer l'ampleur et les richesses,
notamment à Tripoli, à Timgad, à Djemila, à
Volubilis... Amphithéâtres, Théâtres, Cirques,
Thermes, Marchés, Forum, Boutiques et Arcs de triomphe enfouis
dans les sables témoignent non seulement du luxe mais aussi du
confort des habitants des villes et bourgs berbères.
------L'art
et la culture largement dispensés par les Romains en Berbérie
sont à l'origine du développement d'une littérature
romaine que l'on retrouve chez des auteurs africains. Néoplatoniciens,
philosophes, poètes, versificateurs, polémistes, écrivains,
avocats y foisonnent.
------En Berbérie,
les indigènes parlaient des dialectes différents ; le Latin
fut la langue qu'ils utilisèrent pour se comprendre. Ils adoptèrent
aussi les croyances religieuses de leurs vainqueurs, bien que l'Etat romain
ait eu une grande tolérance pour toutes les croyances, à
l'exception du christianisme considéré comme un parti révolutionnaire.
------Le culte
romain et sa pompe étaient encouragés : :processions, sacrifices
et repas sacrés. Bien que de grandes foules fussent attirées
par ces cérémonies, il ne pénétra pas dans
les populations indigènes. Les divinités romaines ne furent
adoptées que par les seuls aristocrates, alors que le christianisme,
véhiculé à partir des ports, notamment celui de Carthage,
par des aristocrates philosophes monothéistes, se développa
rapidement dans les masses indigènes sédentaires des campagnes,
voire même nomades. Les Chrétiens furent majoritaires dans
la quasi totalité des cités. Des juifs même, dont
la religion était admise par les Romains, se convertirent au christianisme.
------Les
Romains persécutèrent les Chrétiens dans toutes les
cités. La première des répressions contre la poussée
des foules remonte au 17 juillet 180 : douze chrétiens sont décapités
dans une petite ville d'Afrique, Scilli. Quelque vingt années plus
tard Septine Sévère jeta un interdit tant sur le prosélytisme
juif que sur la propagande chrétienne.
------A Thuburba
Minus (Tebourba), deux cent trois Chrétiens furent arrêtés,
parmi lesquels figure Vibia Perpetua (Sainte Perpétue) qui élevait
au sein un enfant et fut livrée aux fauves, à Carthage,
pour l'exemple.
------Cela
n'empêcha pas que le dernier concile africain ait eu lieu à
Carthage, au début du IIIe siècle. L'Eglise de Carthage
a été évangélisée par des orientaux
qui ne parlaient et n'écrivaient que la langue grecque ; pour se
faire comprendre des Berbères et des hommes simples, les prédicateurs
utilisèrent la langue latine.
------------Ceux
qui ne la pratiquaient pas eurent recours à des interprètes.
------Il nous
faut savoir que Quintus Septimius Floreus Tertullianus, Tertullien, fameux
apologiste et premier écrivain chrétien était le
fils d'un Berbère de la cohorte proconsulaire. Né à
Carthage, il y reçut une excellente éducation ; parlant
et écrivant le Latin et le Grec ; il avait de sérieuses
connaissances scientifiques, une très bonne culture juridique et
quelques notions de médecine. De plus, c'était un redoutable
pamphlétaire. Il se convertit au christianisme le plus rigoriste,
flétrissant la
mythologie païenne et écrivit un livre de propagande logicienne
qui marque l'histoire du christianisme l'Apologetieum (l'Apologétique).
Par ses écrits il pénétra au fond du débat
entre païens et chrétiens. Il s'en prit aussi au christianisme
lorsqu'il fit sienne la doctrine mystique qui offrait aux persécutions
et flétrissait "les lâches" qui les fuyaient.Cette
doctrine lui fut enseignée par le prêtre phrygien Montanus
qui la professait. Il justifia alors, avec une grande éloquence
les martyrs, défendit aux fidèles l'entrée des jeux
publics et le service militaire. I1 conseilla la morale, la discipline
intransigeante et censura la coquetterie des femmes dans leurs toilettes.
Aux jeunes filles il prôna la chasteté. Il aimait lecombat,
épistolaire et éloquent, pour cette doctrine hérétique
et rejetait de la vie, avec la dernière des rigueurs, tout paganisme.
Ainsi était Tertullien, caustique et logicien, au style imagé,
brutal, émergeant d'une ardente pensée.
D'une activité débordante il avait besoin de s'extérioriser
et de convaincre.
------Le christianisme
progresse dans l'Afrique impériale tandis que l'esprit romain disparaît
à la suite des troubles sociaux et que la catholicisme se développe.
------L'aristocratie
et l'Eglise sont les garants de l'ordre, mais l'Eglise officielle lutte
contre le christianisme que pratiquaient les citoyens de l'importance
dernière classe qu'étaient les Berbères, les prolétaires
qui suivirent au IVè siècle le mouvement schismatique de
l'évêque Donat, à l'origine de la division de l'Eglise
d'Afrique.
Colonel Bautista
(à suivre)
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