Nouvelles insurrections
(1864-1881)
-----Alors que la
pacification s'étendait sur l'ensemble des territoires de l'Algérie,
des mesures inopportunes et des erreurs politiques prises par le gouvernement
de la France vont être à l'origine de crises car l'apaisement
qui devait suivre la longue période de luttes, n'était pas
entièrement atteint dans certaines tribus.
-----La
première crise se produit dans le Sud, en
1864. Si Sliman, deuxième successeur de Si Hamza rejette la fidélité
à la France car il n'avait reçu que le titre de Bachi Agha
alors que Si Hamza avait celui de Khalifa. Sous son autorité les
tribus s'insurgent et, surprenant la colonne du colonel Beauprêtre,
le massacrent avec sa troupe. Dans le combat Si Sliman est tué.
Son frère Si Mohamed le remplace et déclenche une vive agitation
du djebel Amour au Tittery. Les troupes françaises empêchent
l'insurrection de gagner les Hauts-Plateaux. Le Marabout Sidi Lazreg appelle
au soulèvement l'importante tribu des Flirta, entre le Chélif
et Tiaret ainsi que les tribus du Dahra qui s'agitent aussi.
-----Le Maréchal
de France Aimable Pélissier, Gouverneur Général décède
; le Général Martimprey prend, énergiquement, par
intérim, la direction des opérations. Le chef des Flitta
est tué au combat, les tribus se soumettent et le calme est rétabli
entre le djebel Amour et le Titterry.
-----En Oranie,
Si Mohamed maintint l'agitation jusqu'à sa mort en février
1865. Les rebelles trouvent refuge au Maroc à partir duquel ils
lancent leurs razzias contre lesquelles les troupes s'opposent sans avoir
l'autorisation de poursuite au Maroc. L'agitation cesse dès que
la pénétration saharienne porte ses fruits. La France est
humiliée par l'issue désastreuse de la guerre contre la
Prusse et les Etats allemands. Sedan capitule le 2 septembre 1870 et,
à Metz l'empereur, rendant son épée, est fait prisonnier,
le 27 octobre. Son prestige est considérablement affaibli et marque
profondément les indigènes qui respectent la force.
-----Les effectifs
militaires sont réduits sérieusement, notamment les régiments
d'Afrique se trouvant en France. C'est à cette époque que
le gouvernement français décide d'apporter d'importante
modifications dans le système administratif de l'Algérie
sans consulter, cela a déjà été dit, le gouverneur,
Maréchal de France Randon, grand vainqueur de la pacification,
ce qui le conduit à démissionner. De plus, les membres de
la communauté israélite, en vertu du décret Crémieux,
sont naturalisés en bloc, le 24 octobre 1870. Cela provoque des
inquiétudes dans la masse musulmane.
-----Moments
mal choisis pour apporter des modifications dans l'administration de l'Algérie
alors que les musulmans respectent la force et la
justice du vainqueur. Ils ne comprennent pas pourquoi les juifs
sont naturalisés et pas eux, alors que leurs enfants se battent
aux côtés des soldats français depuis de longues années,
les premiers en 1832. Ils furent en Crimée, en Italie, en Cochinchine,
au Mexique et bien sûr au Sénégal ; en métropole,
sur le sol même de la France, ils la défendent depuis le
début de 1870, en Lorraine, et, dès le mois de juillet en
Alsace. Les Turcos ont fait parler d'eux à Wisembourg où
ils s'emparent, par trois fois, d'une batterie ennemie. La "Presse
illustrée" en publie une gravure, en 1872. A Froeschwiller,
le 2è Régiment de Tirailleurs aux ordres du Colonel Suzzoni
qui fut tué, résista aux assauts furieux des Bavarois.
-----Le sergent
Abd el-Kader ben Dekisch sauve le drapeau de son régiment, qu'il
ramène à Strasbourg. Mais le dixième seulement de
l'effectif de cette unité est revenu. Pour les neuf autres dixièmes,
comme le leur a prescrit leur chef avant de tomber "
Nous ne reculerons pas d'un seul pas, nous mourrons ici, s'il le faut
" le bois de Froeschwiller est leur tombeau.
-----Que
de beaux faits d'armes mal récompensés, hélas, par
les mesures politiques. Alors l'agitation s'amplifie.
Elle se transforme très vite en insurrection sous la conduite du
Bach Agha de la Medjana, Si Mokrani qui s'allie au cheikh Haddad de la
confrérie des Rahmania, ce qui lui donne
un caractère religieux.
-----Une déclaration
de guerre, en bonne et due forme, est adressée par Si Mokrani au
Général commandant la subdivision de Sétif, le 14
mars 1871, et il assiège Bordj-bou-Arreridj
; la Djihad, la Guerre Sainte, est lancée dans les tribus de la
confrérie du cheïkh Haddad, dès le 8 avril 1870. -------En
fait la Guerre Sainte fut le prétexte de pillages ; les fermes
et les villages isolés sont dévastés. Les villes
sont bloquées car toutes les voies de communication sont coupées
par des embuscades mobiles. En quelques jours 150 000 kabyles prennent
les armes et la Mitidja est envahie. Ils marchent sur Alger. Ils sont
arrêtés à l'Alma, le 22 avril 1870. Alors que l'insurrection
se propage en Algérie où les troupes françaises sont
peu nombreuses, le Gouvernement fait face à la Commune de Paris.
-----Le vice-amiral
Comte Louis de Gueydon est nommé Gouverneur Général
le 29 mars 1871. Clairvoyant et décidé, il obtint des renforts
métropolitains. Le 3è Régiment
de Tirailleurs s'installe à Tebessa et plusieurs colonnes
mobiles sillonnent la Grande Kabylie puis la Petite Kabylie. D'autres
s'élancent vers le Hodna, Biskra,Touggourt,
Laghouat puis Ouargla. Le 5 mai 1871, Sidi-Mohamed-el-Mokrani,
chef de la rébellion est tué au combat sur l'oued Soufflas
; il est remplacé par BouMezrag, son frère, dont les plus
fervents partisans ne lui font pas confiance et le quittent.
-----Fort-National,
occupé par notre fidèle allié Naïb Ameur, résiste
à l'assaut des Imessébélènes qui hurlent leur
nom, par défi, dans la nuit des plus sombres du 21 au 22 mai 1871.
La garnison, à bout de vivres, est dans une situation des plus
angoissantes lorsque arrivent les deux colonnes de secours, l'une commandée
par le général Lallemand, l'autre par le général
Cérez. Rappelons, pour l'Histoire, que le 24 juin 1857 la Légion
Etrangère avait livré bataille en ce même lieu. A
la même date d'anniversaire, ce 24 juin 1871, 14 bataillons aux
ordres des généraux lancent l'attaque et enlèvent
le réduit. Les assiégeants, pris entre deux feux, se retranchent
à Icherriden située à 1000 mètres d'altitude,
5 kms au sud-est de Fort-National.
-----Le 12
juin, le fils du cheikh El-Haddad fait sa soumission. Dans la Soummam,
le père se livre au général Saussier. Les partisans
de Bou-Mezrag el-Mokrani, successeur de Mohamed el-Mokrani sont attaqués
et battus le 15 juillet 1871 et se dispersent dans le djebel Ourtilen.
-----Bou-Mezrag el-Mokrani s'est réfugié
dans le sud où il est capturé, en janvier 1872. En fait,
la dissidence est localisée dans la province de Constantine. Elle
a peu de succès dans la province d'Alger et pour ainsi dire pas
du tout dans l'Oranie.
-----Fin février 1872, le calme est
revenu dans les Oasis et le Sud-Oranais. Les soldats musulmans de l'armée
d'Afrique demeurent fidèles à leurs chefs et au drapeau
français malgré la guerre perdue en métropole.
|
|
-
-----Il est à souligner que l'action
de la France enAlgérie ne souffre alors d'aucune objection des
nations dites civilisées, elles sont satisfaites car comme le dit
Théodore Roosevelt, elles bénéficient de la paix
que fait régner la France sur l'Algérie et n'ont plus à
payer de tribut du sang aux musulmans bandits de la mer.
-----Ils allaient bénéficier
plus tard de cette base pour lancer leur offensive sur l'Europe hitlérienne.
Hélas ! Ils oublièrent bien vite les raisons de la conquête
de l'Algérie, en 1830, par la France et n'eurent de cesse d'encourager
les quelques cheikhs qui prêchaient la dissidence 124 ans plus tard
pour le plus grand malheur des populations indigènes, à
l'appel des leaders égyptiens du panarabisme nourri par les forces
internationales du Communisme.(1)
-----La France dans son oeuvre civilisatrice
a assuré non seulement la sécurité mais aussi la
prospérité du pays. Elle réussit à mettre
un terme aux querelles de tribus, de clans et de familles.
-----Chacun profite de son travail, sans
trouble. Les transactions annuelles de l'Algérie avec l'extérieur
passent de 25 millions dans la décennie 1831-1840 à 1724
millions dans la décennie 1911-1920, le chiffre de l'année
1928 atteint 1750 millions (ramené comme celui de la décennie
1911-1920, à la parité de l'or).
Où en sont-ils
aujourd'hui ? La faute à qui ?
-----Il y a eu certes, des
combats en Algérie
mais il y a surtout eu créations de richesses. La colonisation,
tant décriée par certains intellectuels donneurs de leçons
de fallacieuses libertés, cette colonisation a réussi, grâce
à l'apport d'éléments européens de diverses
origines, à constituer un ensemble unitaire qui vécut en
bonne harmonie avec les indigènes.
-----Mais la population de ceux-ci s'est
accrue rapidement, ce qui ne manque pas de poser problème en France.
En effet, les peuples berbères vivent, depuis toujours, repliés
sur eux-mêmes, parvenant tout juste à subsister pour ne pas
disparaître. Il faut donc, sans attenter aux traditions ancestrales,
améliorer l'existence de ces êtres par un nouveau rythme
de vie : celuici ne peut être acquis au contact des émigrants
européens.
-----Oeuvre grandiose que la France réussit.
Les indigènes témoignent leur reconnaissance, non seulement
aux hommes qui leur permirent de restaurer la paix et la raison dans les
tribus, mais à la France qu'ils considèrent par le respect
qu'ils avaient de son drapeau, comme leur vraie Patrie. Il y avait bien
encore des actes de brigandage, mais les tournées de police que
fait l'armée maintient l'ordre dont le pays avait besoin.
-----L'Histoire conduit à écrire
la vérité et non pas à la façonner pour se
complaire dans un récit aussi imaginaire que fallacieux. Il y a
eu encore des soulèvements, notamment dans le Sud Oranais, en avril
1871, dans les tribus des Ouled-Sidi-Cheïkh. Ils étaient entraînés
par un marabout du nom de Mohammed ben Arbi Bou-Amama.
-----Les compagnies de Tirailleurs ramènent
l'ordre en combattant les harkas rebelles qui se réfugient, après
leur coup de main,dans le désert au Maroc.
En 1879, le 31 mai,
le Marabout Bou Amama tente de soulever les Aures
-----Suivant la tradition
nos partisans, les Béni Oudjana, battus se rallient au Marabout
Bou Amama. Les er et 3è Régiments de Tirailleurs ramènent
le calme dans le djebel.
-----En 1881, le 21 avril, une nouvelle et
grosse insurrection éclate dans le Sud Oranais alors que l'armée
d'Afrique intervient en Tunisie. C'est toujours le Marabout Mohamed Ben
Arbi Bou Amama qui la dirige. Ses contingents refluent devant une forte
colonne partie de Kralfallah ; ils longent la frontière marocaine
d'Aïn-Sfissifa, à l'ouest d'Aïn-Sefra, jusqu'au Figuig.
-----Les Touareg ne sont pas hostiles à
la France ; malheureusement une des expéditions pacifiques du lieutenant-colonel
Flatters qui étudie le tracé d'un chemin de fer transsaharien
depuis Ouargla, traversant le Hoggar pour aboutir au Niger puis au lac
Tchad, se termina par un affreux massacre.
-----Le colonel et le capitaine Masson partis
en reconnaissance avec une faible escorte au puits de Bir el-Ghamara est
attaquée par plus de 300 Touareg. Tous sont massacrés. Le
campement de base est aussi attaqué et razzié, les 80 hommes
restant de l'escorte tentent de rallier Ouargla, à pied.
-----Atteindre Ouargla située à
plus de 1000 kilomètres malgré les attaques sur la route
du retour, relève du domaine de l'impossible - extraordinaire prouesse
que réalisent seuls, sans officiers ni sous-officiers, les 33 Tirailleurs
rescapés de cette tragique épopée, en ralliant Ouargla
le 2 avril 1881. Mais malheur aux vaincus, cette action porte atteinte
au prestige des Français chez les Touareg. Près de 10 années
s'écoulent avant qu'une nouvelle pénétration ne soit
autorisée au Sahara. Mais forts de l'expérience de l'expédition
du lieutenantcolonel Flatters, les troupes sont recrutées parmi
les Sahariens nomades sachant monter et soigner les dromadaires. Ce sont
des méharistes capables de subsister dans le désert.
-----Trois voies de pénétration
sont définies, vers les pays du Niger
------ La première partant de Figuig
et rejoignant le Tidikelt, passant par les oasis le long de l'oued Zousfana
et de la vallée de la Saoura.
------ La seconde, partant de Boghar, au
sud d'Alger, pour atteindre dans le Tidikelt, In Salah.
------ La troisième, partant de Constantine
et de Biskra pour aboutir au Soudan, après avoir traversé
les massifs du Hoggar via Agadès et Zinder. Cet itinéraire
fut celui suivi par la mission Fourreau-Lamy. Avant de poursuivre l'exposé
sur l'expansion de la France en Afrique, il apparaît essentiel de
vous parler du peuplement de l'Algérie. Ce sera l'objet de notre
prochain article.
Lt Colonel (ER) Gaston
Bautista
(1) "Le chemin de la paix", Jacques Soustelle
|