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A AÏN-TAYA INAUGURATION DU MONUMENT
AUX MORTS
Aïn-Taya a revêtu une parure de fête; sous le vent d'Ouest
qui fouaille les dunes, la campagne, les monts proches, les drapeaux claquent
au vent. Si la décoration élégante qui a paré
le coquet hameau ne diffère point de celle qu'il reçoit
au moment des réjouissances estivales, la gravité des habitants
que l'on rencontre, le recueillement général montrent qu'il
ne s'agira pas d'amusements frivoles, d'agapes joyeuses.
La population s'apprête à inaugurer solennellement le monument
que sa piété et son culte du souvenir ont élevé
sur une place du village à ses morts de la grande guerre.
De nombreux habitants de centres voisins, arrivés dans la matinée,
donnent aux rues une animation peu commune ; la Mairie, pavoisée,
accueille les groupements qui ont tenu à honneur de rehausser de.
leur présence la cérémonie qui doit avoir lieu.
Nous reconnaissons les Mutilés qui ont envoyé une importante
délégation entourant leur drapeau, sous la direction de
notre excellent et sympathique confrère Ascione, les Anciens Combattants
coloniaux, dont M. Rodet, vieux brave ayant appartenu à l'armée
française du Tonkin. porte fièrement l'étendard,
la Société Musicale d'El-Affroun. présidée
par M. Danière et qui donnera, sous la baguette de M. Reculard,
son chef, des auditions très remarquées.
La cérémonie doit avoir lieu à trois heures.
Elle a été admirablement organisée et revêtira
du commencement à la fin un caractère sobre et émouvant.
Elle a été précédée d'une messe solennelle
qui a eu lieu le matin à 11 heures à l'Église d'Aïn-Taya.
en l'honneur des morts de la guerre.
Au cours de ce service religieux, la Société Musicale les
Enfants d'Aïn-Taya s'est fait entendre dans différents morceaux,
un remarquable discours a été prononcé par M. l'abbé
Saint-Martin.
Une estrade a été prévue pour les autorités,
des chaises pour les familles éprouvées, des bancs nombreux
où les assistants s'installeront à leur aise, aux côtés
des enfants des écoles et des sociétés musicales.
A l'heure dite, M. Lefébure, préfet, arrive et une brève
réception a lieu à la Mairie.
Le cortège officiel se dirige aussitôt, à pied, vers
l'emplacement du monument encore voilé, d'une draperie tricolore
qui sera retirée dès le début de l'inauguration.
Nous notons la présence de MM. Lefébure, préfet d'Alger,
Zévaco, Boniface et Guastavino, délégués financiers,
Altairac, conseiller général, Sintès, maire et Renoult,
premier adjoint.
La musique d'Aïn-Taya, sous l'habile direction de i l'excellent musicien
qu'est son chef, M. Pierre Porteilla, fait, résonner l'air de la
Marche des Zouaves. M. Peyre, prend le premier la parole, en termes excellents,
témoignant d'une rare élévation de pensée
et d'une grande perfection de langage, l'orateur se félicite de
remettre, au nom du Comité d'érection du monument,, dont
le président, M. Pierre Villalonga, malade, ne peut assister à
la cérémonie, cette stèle à la .Municipalité
qui, il en est persuadé, veillera sur elle avec une attention pieuse
et une vigilance de tous les instants.
D'unanimes applaudissements saluent ce remarquable discours.
M. Sintès, maire, parle ensuite.
Le sympathique élu remercie en termes émus le Comité
d'avoir entrepris et mené à bien la noble tâche d'honorer,
comme ils l'ont mérité, les enfants d'Aïn-Taya tombés
sur les champs de bataille pour la sauvegarde de la Pairie et le triomphe,
du Droit.
Il assure le Comité de la gratitude de la population tout entière
dont il est, en cette circonstance, l'interprète autorisé.
Ce sera désormais un devoir que de venir souvent au monument des
morts y déposer des fleurs et se recueillir. Dans un sentiment
de gratitude infinie la population d'Aïn-Taya n'a pas voulu que,
quoi qu'il arrivât, ils mourussent définitivement : c'est
dans le but de commémorer leur héroïsme que ce monument
a été élevé : il dira à tous avec quel
superbe esprit de sacrifice, quelle splendide abnégation, les enfants
d'Aïn-Taya sont morts pour la France.
M. Ascione, notre distingué confrère du Mutilé de
l'Algérie, prononce un discours vibrant, empreint du plus pur patriotisme.
Quelque haïssable, selon lui, que soit la guerre, il y a un moment
où il devient intolérable de supporter les avanies et les
affronts d'adversaires vraiment sans scrupules. Toutes les considérations
ne sauraient prévaloir contre les nécessités de l'honneur
et de la défense nationale, c'est la situation dans laquelle nous
nous sommes trouvés en 1914 et pour mettre un terme à laquelle,
d'un même cur, d'un même élan, tous les Français
se sont levés.
Dans cette union sacrée où il n'y a eu aucune distinction
de classe ou de condition sociale, la France a puisé l'énergie
nécessaire à abattre définitivement le colosse germain,
dressé pour l'opprimer et l'humilier. A défaut d'autre,
le spectacle de cette cohésion si magnanime doit être une
consolation aux maux qu'a déchaînés dans notre pays
et sur l'univers entier l'effroyable conflit qui a mis aux prises la majorité
des nations de l'ancien et du nouveau continents.
" Vive la tombe, s'écrie M. Ascione, si le pays en sort vivant
! " Il ne faut pas que nous laissions éteindre le feu sur
l'autel de la Patrie. M. Ascione et ses amis seront les Vestales qui entoureront
d'un culte fidèle, la mémoire des chers morts que nous ne
saurions point oublier. Ce n'est pas un sentiment de chagrin que nous
devons éprouver en invoquant leur mémoire : mères,
pères, épouses, fils, filles, surs, frères
doivent cesser de verser des larmes; c'est de la fierté qu'il convient
d'avoir devant leur sacrifice et non une douleur passive et poignante.
Il faut surtout qu'en souvenir de cette union si féconde pendant
la guerre, nous continuions à demeurer unis pendant la paix, pour
nous montrer dignes de ceux qui sont morts pour nous.
D'unanimes applaudissements saluent ces paroles et M. Ascione est l'objet
d'un vif mouvement de sympathie.
L'absoute est donnée, pendant que les cliques sonnent aux champs,
par M. l'abbé Saint-Martin, curé de la paroisse, qui, tandis
que l'assistance est debout, en proie à la plus profonde émotion,
asperge largement le monument d'eau bénite.
Puis a lieu l'appel des enfants d'Aïn-Taya morts au champ d'honneur.
Tandis que le Maire, d'une voix haute et claire, prononce un à
un les noms de la funèbre et, hélas, trop longue liste,
un membre du Comité, ancien combattant de la grande guerre, répond,
pour chacun d'eux :
-Mort au champ d'honneur !
Voici la liste de ces braves :
Aimé JOURNOUD ; Pierre CARDON A ;
Hyacinthe NAN ; Antoine SÉGUI ;
Aimé GROSRENAUD ; Joacbim RIBÈS ;
Fernand SOUNES ; Joseph SIXTES ;
François GOMILA ; Thomas FLORIT ;
André FRANCESCHINI ; Antoine REURA ;
Félix ROSSIGNOL ; Jean ANGLADE ;
François VILLAI.ONGA ; Joseph GOMILA ;
Martin MASCARO ; Pierre CARATÉRO ;
Jacques VILLA ; Ludovic MELEY ;
Michel VILLA ; Michel MARCO ;
Joseph GÉNESTA ; Martin BÉNÉJEAN ;
Jacques RIÉRA ; Hamoud MAMMERI ;
Jean-Baptiste NAVARRO ; Homar SEBAGHI.
A ce moment, les élèves des écoles, sous la conduite
de leurs institutrices et instituteurs, déposent de superbes bouquets
sur la stèle.
Ils chantent, en un chur savamment nuancé et habilement conduit,
une strophe de la Marseillaise :
Nous entrerons dans la carrière. Quand nos aînés n'y
seront plus...
Les musiques réunies reprennent les dernières mesures de
l'hymne national.
Le jeune André Porteilla, debout devant le monument, récite
les vers célèbres de Victor-Hugo :
Ceux qui pieusement, sont morts pour la Pairie, Ont droit qu'à
leur tombeau la foule vienne et prie...
Mlle Célestine Fabre déclame alors une poésie d'une
superbe envolée.
La cérémonie est finie.
Les autorités se dirigent vers la Mairie où un apéritif
d'honneur leur est offert, tandis que les musiques d'El-Affroun et d'Aïn-Taya
font entendre des marches militaires.
La foule se relire lentement, profondément émue par celle
superbe solennité.
09352 Aïn-Taya (54332 - Livre d'Or du ministère
des pensions)
http://www.memorialgenweb.org/memorial3/html/fr/liste_des_noms.php?id_source=54332
1914-1918
1 ANGLADE Jean
2 BENEJAM Martin René Pierre
3 BOSSELUT Emile Alfred
4 CARATERO Pierre
5 CARDONA Pierre
6 DABADIE Jean Romain
7 FRANCESCHINI André Paul Droméde
8 GENESTA Joseph Noël
9 GILLET DE CHALONGE Marie Marthe Henri Stanislas Guy
10 GOMILA François
11 GOMILA Joseph
12 GROSRENAUD Marcel
13 HERMILLE René Paul
14 MAMERI Ahmoud
15 MARCO Michel
16 MERCADAL Laurent
17 MORANT Jean Baptiste
18 NAN Hyacinthe
19 NAVARRO Jean Baptiste Ignace
20 PÉRIANO François
21 PESCE Joseph
22 PONS Gabriel
23 PONS Pierre
24 REURA Antoine
25 RIBÈS Joachim
26 RIÊRA Gabriel
27 RIÉRA Jayme
28 RISTORI Jean Baptiste
29 ROSSIGNOL Félix Marcel
30 SEBAGHI Amar
31 SÉGUI Antoine
32 SINTÈS Joseph
33 SINTES Joseph
34 SOUNES Fernand
35 STALLANO Pierre
36 VILLA Michel
37 VILLALONGA François
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